2.1-3 Les facteurs de prévention et de
réduction des accidents de la
route
Historiquement, les accidents de circulation étaient
considérés comme des événements dus au hasard qui
« n'arrivaient qu'aux autres » et une conséquence
inévitable du trafic routier. Pour Loimer et Guarnieri (1996), le terme
« accident » donne l'impression de quelque chose
d'inévitable et d'imprévisible, un évènement sur
lequel on n'a aucune emprise. Mais aujourd'hui un tel événement
peut faire l'objet d'une analyse rationnelle et d'une action corrective qui
engagent le problème de la sécurité routière.
Traditionnellement,
érigée en organisme au sein du ministère des transports
des pays développés, la sécurité routière
est progressivement perçue comme, un problème de santé
publique (Trinca et al, 1988 ; Woller 2001). En effet, en pratique les
traumatismes causés par les accidents de la circulation
représentent un problème de santé publique majeur, et la
meilleure prévention des accidents de la circulation est vue sous
l'angle de la santé publique. Ce problème repose au plan
scientifique non seulement sur les données de la médecine, de la
biomécanique, de l'épidémiologie, mais aussi et surtout
sur les données de la sociologie, des sciences comportementales, de la
criminologie, de l'éducation, de l'économie, du génie
civile et d'autres disciplines. Du point de vue sociologique, la
sécurité routière a été approchée de
manière systémique et complémentaire.
Au plan social, plusieurs travaux ont
montré que les accidents de la circulation touchent d'avantage
les membres des familles les plus pauvres et les plus vulnérables de la
société. Ainsi selon ces études les pauvres
représentent la majorité des victimes d'accidents et ne
reçoivent pas de soutien durable en cas de séquelles à
long terme et ont un accès limité aux soins d'urgence (Nantulya
2003 ; Laflamme et al 2000), d'où selon ces auteurs, l'égale
protection de tous les usagers de la route devait être un principe
cardinal pour éviter que les personnes les plus pauvres et les usagers
de la route vulnérables soient plus représentés parmi les
blessés et tués. Ce problème d'équité selon
Mohan (2002) est fondamental pour réduire le nombre de morts et de
blessés résultant des accidents de la route à
l'échelle mondiale.
Du point de vue systémique, les travaux de Haddon
(1968) visant une prévention efficace des traumatismes dus aux
accidents de la route, ont mis au point l'interaction de trois facteurs ``la
matrice de Haddon'' permettant d'expliquer un accident :L'homme, le
véhicule et l'environnement. Ainsi neuf cellules imaginées par
Haddon, modélisent l'accident comme un système organisé en
trois phases : avant, pendant et après le choc. Système
dynamique, chacune des cellules offre des possibilités d'interaction
pour réduire les traumatismes causés par un accident de la
circulation.
Tableau H : Matrice de
Haddon
F A C T E U R S
|
PHASE
|
HUMAIN
|
VEHICULE ET EQUIPEMENT
|
EVIRONNEMENT
|
Avant
L'accident
|
Prévention des accidents
|
Information
Attitudes
Diminution des facultés
Application de la loi
|
Aptitude à rouler Eclairage
Freins Maniement
Gestion de la vitesse
|
Aménagement routier
Limite de vitesse
Aménagement piétons
|
Accident
|
Prévention des traumatismes en cas d'accident
|
Utilisation de moyens de contention
Diminution des facultés
|
Ceintures
Autres dispositifs de sécurité
Conception de protection en cas d'accident
|
Accotements résistants
|
Après l'accident
|
Maintien en vie
|
Notions de secourisme
Accès à des médecins
|
Faculté d'accès
Risque de feu
|
Equipement de secours congestion
|
Source : Haddon Jr. W.
(1968).
Cette approche qui a permis de réaliser des
progrès importants dans la compréhension des facteurs
comportementaux, des facteurs liés à la route et aux
véhicules, a influencé le nombre et la gravité des
traumatismes subis dans les accidents de la circulation.
Elle cherche alors à mettre en évidence et
à corriger les principales sources d'erreur ou les défauts de
conception des véhicules causant des accidents graves ou mortels et en
conséquences des traumatismes survenus au cours des accidents de
circulation.
Ces travaux justifient l'élaboration des politiques
de sécurité routière dans tous les pays. Ceux conduits
à cet effet par Trinca et al (1988) ont montré la
responsabilité partagée de différents ministères au
sein d'une équipe gouvernementale pour cerner et réussir une
politique de sécurité routière. Ainsi quoique les
responsabilités gouvernementales en matière de
sécurité routière incombent au ministère des
transports, autres ministères comme ceux de la police, de la justice, de
la santé, de la planification et de l'éducation, s'occupent de
certains aspects clés de cette sécurité.
Principales entités influençant
l'élaboration des politiques
USAGERS/CITOYENS
MEDIAS
ONG.
GROUPES D'INTERET
INDUSTRIE
POLITIQUE DE PREVENTION DES ACCIDENTS DE LA ROUTE
POLICE
SPECIALITES
ORGANISMES PUBLICS ET LEGISLATIFS
Par ex. Transports, santé publique, éducation,
justice, finances.
Sources : Trinca G. et
al (1998)
Mais selon le rapport de l'U.E.M.O.A (2000), les
accidents sont multi - factoriels et nécessitent une approche globale.
Il s'agit d'une prise en considération simultanée de l'ensemble
des composantes de la sécurité routière, dans leur
complexité et dans leur diversité, source d'une volonté
politique et d'une meilleure mobilisation des acteurs concernés. Une
telle approche est intrinsèquement liée à la
démarche de concertation ; chacun des acteurs mobilisés ne
pouvant se sentir seul mis à contribution ou au contraire, dans son
domaine (éducation nationale, santé, etc....)
négligé. Elle suscite en réalité un
véritable effet d'entraînement, une certaine émulation et
constitue un facteur indéniable de succès de la politique ainsi
définie (UEMOA, 2000).
Ces différentes études ont permis de cerner la
problématique de l'insécurité routière au plan
mondial et régional. Elles ont eu le mérite d'aborder le
problème des accidents de la circulation à travers trois aspects
majeurs : l'impact socio-économique, les facteurs essentiels de
risque et surtout les mesures importantes pour la prévention des
traumatismes et les décès qui en résultent. Cependant
aucune de ces études n'a mis en évidence de façon
spécifique les stratégies développées par les
différentes institutions politiques chargées de la
sécurité routière au Bénin. C'est à une
telle étude que nous allons nous consacrer dans le cadre de ce travail
de recherche. Pour atteindre un tel objectif, cette étude de nature
essentiellement analytique va s'appuyer sur une théorie sociologique
développée en sociologie des organisations : l'analyse
stratégique de Crozier et Friedberg (1977). Elle servira du cadre
théorique à cette étude.
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