Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "par Yassin EL SHAZLY Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006 |
b) Le critère du public visé et l'indice linguistiqueDevant son inutilité, certains juges commencent a refuser d'adopter le critère de l'accessibilité du site Internet depuis le territoire pour se déclarer compétent. Par exemple, le TGI de Paris a débouté la société Nestlé qui a rapproché la société Mars, située aux Etats-Unis, pour le fait d'utiliser sur son site Internet la dénomination <<Crunch>> dont la société Nestlé est titulaire. Le tribunal a considéré que le fait que le site de la société défenderesse est accessible en France ne suffit pas a prouver l'exploitation de la marque Crunch sur le territoire français: <<l'accessibilité d'un site ouvert dans un pays tiers par une société de nationalité étrangère ne suffit pas a justifier une mesure d'interdiction alors qu'aucun acte d'exploitation de quelque nature que ce soit de la marque litigieuse n'est accompli par cette société sur le territoire francais ))15 Cette position2 a été approuvée par la Cour de cassation dans l'arrêt Hugo Bossy du ii janvier 2005 dans lequel la Cour a fait un virage, en admettant qu'un 1 TGI de Paris, 28 mars 2003, SA Produits Nestlé, SA Nestlé France et SA Nestlé Grand Froid c/ Société Mars Inc, disponible sur http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=6i8 (consulté le 28 avril 2007). 2 La juridiction allemande a adopté également le même point de vue dans l'affaire Budweiser. En l'espèce, la société Budweiser, titulaire de la marque allemande Budweiser a assigné une société américaine exploitant le site << budweiser.com>> au motif que la publicité pour la bière diffusée sur ce site accessible en Allemagne, portait atteinte a ses droits sur sa marque allemande. Le Landgericht de Cologne a débouté la société allemande et a jugé que la demandeur doit démontrer que le site vise un public
français s'il veut obtenir gain de cause dans son action en
contrefaçon devant la juridiction française: <<qu'ayant
relevé qu 'il se déduit des précisions apportées
sur le site lui-même que les produits en cause ne sont pas disponibles en
France, la cour d'appel en a exactement conclu que ce site ne saurait
être considéré comme visant le public de France, et que
l'usage des marques "Boss" dans ces conditions ne constitue pas une infraction
(...) que le moyen n 'estpas fondé ))1 De ce fait, les magistrats ont été
invités a chercher si le site web en cause vise ou non le public
français. A cet égard, certains juges ont recouru a la langue de
la rédaction du site Internet afin de savoir s'il vise ou non le public
français. A titre d'exemple, par un jugement du 11 février 2003,
le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la
société allemande NFO Infratest Gmbh éditrice d'un site
Internet contrefaisant la marque de la société française
Intermind. Le tribunal s'est déclaré compétent en tant que
le tribunal du lieu du fait dommageable conformément a la convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968 qui régit la compétence des
juridictions des Etats membres de la communauté européenne. Il
est pertinent de relever que, pour définir le lieu du fait dommageable,
le tribunal retient que le site Internet édité par la
société allemande est accessible en France et destiné a la
clientèle française en raison de l'utilisation de la langue
française sur le site: que l'emploi de la languefrancaise prouve que ce
site est destiné aux clients situés notamment sur le
territoirefrancais 2 Dans le même ordre d'idées, dans un jugement du 14 septembre 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu'un signe figurant sur les pages d'un site québécois, publicité mise en cause présentait des caractéristiques permettant d'identifier qu'elle n'était pas destinée a l'Allemagne et que la seule possibilité d'accéder a cette publicité a partir du territoire allemand ne suffisait pas a caracté riser l'atteinte aux dro its sur la marque allemande . Landgericht de Cologne, 20 avril 2001, cité par MarieEmmanuelle HAAS, << L'Internet n'est pas sans frontières >>, chronique, DI, 11 juillet 2003. 1 Cass. Com., 11 janvier 2005, Société Hugo Boss c/ Société Reemtsma Cigarettenfabriken Gmbh; disponible sur http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=854 (consulté le 28 avril 2007); Juriscom.net; Cédric MANARA, <<L'utilisation sur internet d'un signe identique a une marque française n'est pas une contrefaçon >>, D. 2005, AJ., obs. p. 428 ; Jérôme PASSA, Territorialité de la marque et protection contre un signe exploité sur un site Internet étranger >>, juriscome.net, 14 mars 2005, disponible sur http://www.juriscom.net/uni/visu.php?ID=653(consulté le 28 avril 2007). 2TGI de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 11 février 2003, Sarl Intermind / sarl Infratest Burke, société NFO Infratest Gmbh & Co, M. H., www.legalis.net ; www.juriscom.net proposant des services de travail temporaire, constituait la contrefaçon d'une marque française pour le motif qu'il ne pouvait être soutenu que le site n'était pas destiné a la clientèle française dès lors que les pages, en langue française - et pour cause -, étaient accessibles depuis le territoire français a partir du moteur de recherche Google et n'excluaient nullement le consommateur français des offres proposées1. Dans le même esprit, par un arrêt du 17 février 2006, la CA de Paris a considéré que des sites rédigés en langue anglaise et japonaise ne peuvent pas prouver que ces sites visent le public français2. Or, dans l'arrêt Hugo Boss , du 11 janvier 2005, la chambre commerciale de la Cour de cassation a refusé de considérer qu'un site d'une société allemande vise un public francophone au motif que sa page d'accueil inclut le mot français <<bienvenue >>. Donc, la référence linguistique n'est pas un critère suffisant pour établir seul la compétence de la juridiction française. Paradoxalement, par un arrêt du 20 mars 20073 (arrêt HSM), la Cour de cassation a condamné une société allemande pour une concurrence déloyale a une société française, malgré le fait qu'elle commercialisait ses articles sur le territoire allemand a travers un site Internet, exclusivement conçu en langue allemande. Il mérite a cet égard, de souligner un arrêt du 26 avril 20064 de la CA de Paris qui a déclaré le TGI de Paris incompétent pour connaltre de l'action en contrefaçon d'une marque reproduite par un site Internet d'une société libanaise. Pour justifier son 1 TGI Paris, 14 septembre 2004, 3ème chambre, 3ème section, 14 septembre 2004, SA Synergie c/ Sté Adecco Québec Inc., Sté Adecco Employment Services Limited, Juriscom.net ; D. 2004, p. 2647, obs. Cédric MANARA ; Com. com.électr. 2004, comm. 158. 2 CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 février 2006, l'affaire <<Ceilings that strech >>, Carpoint Inc., Sociétés Carpoint.com LLC, Microsoft Corp. et Microsoft France c/ Société 3D Soft, DI Cah. jurid., jurispr. ; Legalis.net. En première instance : TGI Bobigny, 5ème ch. civ., 25 juin 2002 : DI Cah. jurid., jurispr. ; Juris-Data n° 2002-217938 ; Legalis.net; Revue Legalis.net 2003, n° 2, p. 130, note M. Lhotel ; Expertises 2003, n° 272, p. 272, note V. Memin. 3 Cass. Com., 20 mars 2007, Société Gep industries c/ Société HSM Schuhmarketing Gmbh (allemande), l'arrêt attaqué (CA d'Angers, 9 mars 2004), n° 04-19679, disponible sur legalis.net; http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=1205 4 CA Paris, 4ème ch., section A, 26 avril 2006, Monsieur Ferdinand S. et la société SA Normalu c/ Société Sarl Acet; DI Cah. jurid., jurispr. ; Juriscom.net; Valérie SEDAILLAN, <<Marque reproduite sur un site Internet étranger et compétence territoriale : vers un revirement de jurisprudence ? >>, Juriscom.net, 11 mai 2006, consultable sur http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=823 (consulté le 28 avril 2007). raisonnement, la Cour a invoqué le risque de vouloir conférer systématiquement, des lors que lesfaits ou actes incriminés ont eu pour support technique le réseau Internet, une compétence territoriale aux juridictions francaises . En plus, elle a précisé que pour être territorialement compétent un lien suffisant, substantiel ou sign ificatif, entre cesfaits ou actes et le dommage allégué . Cette position reste actuellement isolée. En somme, on trouve que la jurisprudence française privilégie la focalisation du fait commis sur Internet plutôt que la localisation: <<au lieu de s'attacher a la situation géographique d'une activité, il privilégie la recherche de la volonté des opérateurs (la focalisation repose sur la volonté des opérateurs). Lafocalisation désigne une méthode de vérification des conditions d'application d'un texte et non une méthode de rattachement lafocalisation est une méthode d'interprétation ~6. Selon cette méthode de focalisation, il s'agit alors de réunir des indices qui montrent que le site web s'adresse a une certaine population afin de dégager un critère déterminant qui peut participer a la détermination de la compétence territoriale des juridictions et a la reconnaissance de la caractérisation d'une infraction. Néanmoins, il demeure une incertitude et d'une hésitation jurisprudentielle en ce qui concerne l'application de cette méthode. Cette difficulté est accompagnée par le souci de l'efficacité de l'application du droit étatique sur l'Internet. |
|