Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "par Yassin EL SHAZLY Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006 |
§2. La jurisprudence française en matière du contrôle de la procedure UDRPCompte tenu du fait que les organes de résolution des litiges institués en vertu des Principes directeurs et Règles UDRP échappent directement a la juridiction des organes de Strasbourg, il incombe aux Etats signataires d'assumer une telle fonction avant d'accorder un effet juridique aux décisions de ces organes dans leur ordre juridique 1 En l'espèce, un accord de consortium a été conclu, le 26 mars 1981, entre la société Dutco construction, de Dubai, et les deux sociétés allemandes BKMI et Siemens, en vue de la construction a Oman d'une cimenterie ; qu'il y était stipulé que tous différends seront tranchés selon le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, par trois arbitres nommés conformément a ce règlement. Cass. civ., 1er ch., 7 janvier 1992, Siemens et autres c/ société Dutco construction, pourvoi n° 89-18708 et n° 89-18726 Bulletin 1992 I N° 2p. 2 ; Revue de l'arbitrage, 1992, n° 3, p. 471, note Pierre BELLET ; RTD. co., 1992, p. 796, obs. Jean-Claude DUBARRY. respectif. Les insuffisances relevées dans la procédure UDRP par rapport aux exigences de l'article 6, § ler, CEDH sont importants. Ces vices procéduraux justifient une sanction par les juridictions étatiques des Etats signataires de la Convention. A défaut, les actes des tribunaux nationaux pourraient participer d'une violation des dispositions de la CEDH et, partant, engager la responsabilité de l'Etat concerné. Donc, il nous semble que les tribunaux de l'ordre judiciaire qui seraient saisis d'un recours postérieur a une décision UDRP ne pourraient accorder a pareille décision qu'une portée extrêmement réduite, voire nulle, en fonction des circonstances. Les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent en effet cautionner les insuffisances de la procédure UDRP en octroyant une pleine valeur juridique aux décisions résultant de la procédure de l'UDRP. Il nous semble cependant que le tribunal doit alors examiner le litige dans son ensemble, en tenant compte du caractère très simplifié et de l'objet confiné de la procédure UDRP afin de limiter la portée des décisions qui en proviennent. A défaut, d'un précédent concernant in concreto l'application de l'article 6 a l'UDRP, la jurisprudence française a montré a plusieurs reprise sa position en ce qui concerne la valeur juridique d'une décision issue de la procédure UDRP. La référence principale dans ce contexte, est l'affaire << Miss France >>. En l'espèce, la société Miss France et l'Association Miss France, Miss Europe, Miss Univers sont parvenues a obtenir le transfert des noms de domaine missfrance.biz, missfrance.org, missfrance.net, missfrance.info et missfrance.tv devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPIl. Ces noms de domaine, avaient été effectivement enregistrés par une association appelée << Miss Francophonie >>. Cette dernière souhaite contester la décision rendue par un expert unique de l'OMPI et bénéficier ainsi du recours prévu l'article 4(k) des principes directeurs de la procédure UDRP. Elle saisit donc la Cour d'appel d'un recours en annulation sur le fondement des dispositions du Nouveau code de procédure civile (Livre IV, Titre V) relatives a l'arbitrage international. L'association demanderesse soutient que la procédure de règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP) est une procédure d'arbitrage international et que par conséquent, les décisions rendues a l'issue de cette procédure doivent être 1 Décision D2002-0695, 24 septembre 2002; OMPI, D2002-0695, Société Miss France et Comité Miss France, Miss Europe, Miss Univers Association contre Comité Miss Francophonie et Michel Le P., disponible sur http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2002/d2002-0695.html (consulté le 15 juin 2007). considérées comme des sentences arbitrales. Pour qualifier ainsi une décision UDRP, elle invoque le fait que l'enregistrement des noms de domaine concernés s'est effectué << auprès de diverses unités d'enregistrement situées dans plusieurs pays >>, ce qui << met en jeu les intérêts du commerce international >>, conformément a l'article 1492, alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile (<< est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international >>). La Cour d'appel de Paris a déclaré l'irrecevabilité d'un recours judiciaire en annulation contre une décision issue de l'UDRP dans la mesure oü celle-ci ne constitue pas une sentence arbitrale: Considérant que s'il existe bien ainsi un consentement, même s'il est différé (...) le mécanisme administratifproposé par l'ICANN dans l'intérêt de la gestion du système des noms de domaine en vue de demander a des experts, tout en protégeant d'un recours les responsables du système d'adressage, de se prononcer, sous réserve de la vérification des tribunaux, sur certains aspects spécifiques du contentieux découlant pour le titulaire d'un droit de marque, de l'enregistrement ou de l'usage abusif d'un nom de domaine, ne constitue pas un arbitrage ~6. Il est erroné de conclure que selon cette décision, le juge refuse généralement de contrôler la procédure UDRP. En effet, la Cour d'appel a refusé justement de traiter une décision UDRP de la même manière qu'une sentence arbitrale dans la mesure oü il n'y a pas d'accord mutuel entre les parties pour recourir a la procédure UDRP. Pour la Cour d'appel, la clause incorporée par référence au contrat d'enregistrement d'un nom de domaine prévoyant la compétence d'une institution de règlement pour résoudre un litige relatif a ce nom de domaine ne peut être assimilée a une convention d'arbitrage Autrement dit, c'est l'absence d'origine conventionnelle qui a conduit a l'irrecevabilité du recours en annulation, un système proprement appliqué a l'arbitrage. Mais, la non-application du 1 DI Cah. jurid., jurispr., et le commentaire d'E. Gilet, Une décision UDRP n'est pas une sentence arbitrale, DI Cah. jurid., chron., 22 sept. 2004; Juris-Data n° 2004-247553 ; Forum des Droits sur l'Internet; Legalis.net; Gaz. Pal. 4 déc. 2004, n° 339, p. 51 ; Frédéric GLAIZE, <<Une décision rendue par le Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI est-elle une sentence arbitrale ? >>, RLDI 2005/1, Eclairage n° 3, p. 13; Pascal DE CANDE, <<Ni un arbitrage ni une médiation >>, Expertises, janv. 2005, p. 25; Christophe CARON, <<La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage! >>, Com. com. electr. 2005, Comm. n°38 ; Pascal TREFIGNY, <<Noms de domaine : la procédure de médiation en matière de noms de domaine (principes UDRP) : Recours, mode d'emploi... >>, Propr. ind. n° 1, Janv. 2005, comm. 6; JCP G 2004, II 10156. régime d'arbitrage n'accorde pas a la procédure UDRP une immunité contre tout contrôle judiciaire. D'oü vient l'intérêt d'avancer l'exception de l'ordre public européen. Comme on l'a constaté en matière d'arbitrage international, c'est par le biais de l'article 6 et le manquement aux exigences du procès équitable, une décision UDRP peut être contrôlée; c'est la théorie des obligations positives qui met a la charge des Etats le devoir de faire respecter les droits garantis dans les relations entre particuliers. C'est toute la spécificité du système CESDH, qui oblige les Etats a éviter par tous moyens - choisis librement - qu'il ne soit porté atteinte a un droit garanti mais qui n'énonce pas de normes générales et abstraites au regard desquelles tel contrat privé pourrait être jugé illicite. Rappelons, avant de conclure, que la CEDH considère que <<L'article 6 par. 1 s'applique indépendamment de la qualité des parties comme de la nature de la loi régissant la contestation et de l'autorité compétente pour trancher; il suffit que l'issue de la procédure soit déterminante pour des droits et obligations de caractère privé >1. C'est grace a cette conception élargie que l'article 6 peut se trouver comme une composante du principe de prééminence du droit en assurant un visage humanisé pour les moyens de résolution des litiges en ligne. 1CEDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, requête no13427/87, § 39, disponible sur http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=7&portal=hbkm&action=html&highlight=Campbell%20%7C%20et %20%7C%20Fell%20%7C%20c.%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007). |
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