Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "par Yassin EL SHAZLY Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006 |
Section 2 : L'expérience des organes de Strasbourg en matière d'arbitrageOn sait bien que grace a l'interprétation autonome la CEDH a conduit a une application de l'article 6 de la CESDH aux contentieux inédits, hors la juridiction ordinaire : juridictions spécialisées et autorités administratives. La question qui se pose a cet égard, est de savoir si cette oeuvre prétorienne pourrait pénétrer dans les modes alternatifs de règlements des différends; un domaine qui n'implique pas l'intervention de l'Etat. Rappelons que, dans le cadre des MARD, il n'y a pas de juge qui tranche l'affaire, mais une personne privée, soit un arbitre, un médiateur ou un conciliateur. De même, la fonctionnalité de ces moyens alternatifs de résolution des litiges implique forcément le dépassement de quelques règles procédurales imposées dans la voie judiciaire. Cependant, il ne faut pas oublier que, dans le cadre de la voie judiciaire, le tiers intervenant doit être indépendant et impartial des parties. Donc, l'idée même du procès équitable s'impose naturellement dans ce contexte mais sous une logique différente de celle oü les parties ont une certaine liberté pour déterminer la dimension les règles procédurales qui s'appliquent a leurs litiges. C'est, comme le souligne le professeur LoIc Cadiet, la liberté contractuelle qui rend possible ce mariage entre le procès et le contrat en donnant possible une naissance a la contractualisation du procès ou la contractualisation de la justice: Si le procès pénètre le contrat, le contrat pénètre aussi le procès, processualisation du contrat et contractualisation du procès apparaissent ainsi comme le recto et le verso d'une même réalité ~6. La question qui se pose d'abord avant d'analyser la position des organes de Strasbourg vis-a-vis de l'application de l'article 6 en matière d'arbitrage (B), est de savoir si cette justice contractuelle peut permettre aux particuliers de renoncer aux garanties procédurales de l'article 6 (A). A. La renonciation comme un obstacle a l'application de l'article 6La Cour et la Commission ont adopté un principe selon lequel une renonciation contractuelle a un droit substantiel ne produit aucun effet. Dans l'affaire Vogt c. 1 LoIc CADIET, <<Les jeux du contrat et du procès : esquisse >>, in Philosophie du droit et droit économique, Mélanges Gérard Parjat, Ed. Prison-Roche, 1999, p. 25. Allemagne, la requérante, du fait de son embauche comme enseignante, avait accepté l'obligation de loyauté politique imposée aux fonctionnaires (une restriction a son droit de liberté d'expression). Malgré cela la CEDH a jugé que s'il apparaIt légitime pour l'Etat de soumettre ces derniers, en raison de leur statut, a une obligation de réserve, il s'agit néanmoins d'individus qui, a ce titre, bénéficient de la protection de l'article 10 (art. 10) de la Convention ~1. Il demeure donc que les droits substantiels ont une importance fondamentale. Leur exercice ne doit en principe dépendre que de la seule volonté de leurs bénéficiaires. Pourtant, la jurisprudence européenne montre que l'application de ce principe n'est pas assez stricte. D'une manière générale, le consentement de la personne qui a renoncé est pris en compte pour déterminer s'il y a ou non violation des droits garantis. Par exemple, dans l'affaire Rommelfanger contre RFA, la commission a estimé que le fait d'accepter dans le contrat du travail un devoir de loyauté envers l'Eglise limite la liberté d'expression de l'employé sans le priver de la protection de l'article 10 2. De même, dans l'affaire Van der Mussele c. Belgique, la Cour a considéré que l'avocat stagiaire, qui se plaignait de devoir défendre gratuitement les plus démunies, avait volontairement embrassé la profession d'avocate en connaissant la pratique en cause3. Pourtant, la question se pose au regard des renonciations aux garanties procédurales. En effet, les organes de Strasbourg opèrent une distinction nette entre les garanties procédurales et les garanties substantielles en ce qui concerne la faculté accordée aux particuliers de renoncer aux droits garantis. Néanmoins, cette distinction semble difficile en ce qui concerne la renonciation aux garanties du droit a un procès équitable dans la mesure oü l'article 6 n'apparaIt pas dans la jurisprudence européenne comme une simple garantie formelle, mais comme un vrai droit substantiel. Dans ce 1CEDH, 26 septembre 1996, Vogt c. Allemagne, ° 52, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionId=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006). 2Décision de la Commission du 6 septembre 1989, Rommelfanger contre RFA, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006). 3CEDH, 23 novembre 1983, Van derMussele c. Belgique, requête no 891 9/80, § 40, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006). contexte, les organes de Strasbourg différencient entre la renonciation générale et partielle. |
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