Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "par Yassin EL SHAZLY Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006 |
§2. Le déroulement de la procedure UDRPLa procédure UDRP s'inscrit dans le mouvement des procédures de règlement des conflits en ligne ou online dispute resolution ODR. Les parties ne se rencontrent pas physiquement et elles communiquent par le courrier électronique. De même, il n'y a pas d'audience au sens traditionnel du terme. Mais, rien n'empêche de faire l'audience d'une autre manière a travers la vidéoconférence par Internet. Or, au contraire des autres MERL, la procédure UDRP n'exclut pas complètement l'utilisation de papiers entre les parties ou avec la commission administrative. La plupart des fournisseurs de services UDRP combinent le recours aux moyens électronique et papiers dans le déroulement du 1 Premier rapport final de l'OMPI, op. cit., para. 176. 102 Fabien GELINAS, <<Splendeurs et misères de la célérité: bilan du système de règlement des différends relatifs a l'adressage Internet >>, Gaz. Pal., 6 juin 2002 n° 157, P. 46. litige; tel est le cas de l'OMPI ou de le NAF1; la plainte doit être sous un format électronique et un format papier; le payement pourrait être fait par chèque bancaire. En ce qui concerne l'exécution, le système UDRP fournit une spécificité remarquable au regard des autres MERL. Les décisions UDRP, déclarent l'annulation ou le transfert de l'enregistrement d'un nom de domaine, obéissent a un mécanisme d'autoexécution qui économise le recours a la voie judiciaire pour leur exécution : aucun exequatur n'est requis. C'est le tissu contractuel qui permet d'éviter une intervention judiciaire. Il existe deux types de contrats qui lient les différentes parties. D'une part, le contrat entre les unités d'enregistrement et l'ICANN, assurant l'exécution des décisions des panels en cas d'absence d'introduction d'un recours judiciaire dans la période de dix jours ouvrables suivant la décision. D'autre part, le contrat qui existe entre le déposant du nom de domaine et les unités d'enregistrement, contrat par lequel le déposant est tenu de se soumettre a la procédure dans le cas d'une requête d'un tiers. La question de la langue de la procédure est souvent sous estimée par les commentateurs, notamment par ceux qui ne connaissent que la langue anglaise. Après tout, l'ICANN est une société californienne n'ayant de langue officielle que l'anglais ; elle fait donc oeuvre de gouvernance a l'échelle mondiale sur la base de consultations publiques tenues exclusivement en anglais. On ne saurait donc s'étonner que la question de la langue dans le cadre de la procédure UDRP ait reçu un traitement aussi péremptoire. C'est l'article ii des règles d'application qui régit la question : << Unless otherwise agreed by the Parties, or specified otherwise in the Registration Agreement, the language of the administrative proceeding shall be the language of the Registration Agreement, subject to the authority of the Panel to determine otherwise, having regard to the circumstances of the administrative proceeding~. 1 Le seul organe qui a partiqué une procédure UDRP entièrement en ligne, est eResolution. La technologie mise en place par le centre permettait aux parties, aux décideurs et aux administrateurs de dossiers de tout faire en ligne. Il s'agissait notamment de l'enregistrement d'une affaire, du dépôt d'une plainte, du dépôt d'une réponse, du téléchargement et de la consultation des pièces et des éléments de preuve, de l'échange de la correspondance et de la communication des décisions. Les parties pouvaient verser au dossier des documents non numérisés grace au serveurtélécopie mis a leur disposition. Les décideurs pouvaient consulter et intervenir sur l'intégralité de leurs dossiers a distance. La totalité des échanges avait lieu dans un environnement sécurisé, accessible par nom d'usager et mot de passe, oü l'information et la documentation étaient organisées et disposées en fonction des besoins particuliers des protagonistes. V0 Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit. Cette disposition est doublement critiquée. D'un côté, ayant en considération le paysage linguistique de l'Internet, l'anglais pourrait être la langue dominante de la procédure UDRP dans la mesure oü il est fréquemment utilisé par les bureaux d'enregistrement, particulièrement en ce qui concerne les noms de domaine génériques. De l'autre côté, le fait pour une personne d'arriver a enregistrer un nom de domaine en remplissant les blancs d'un formulaire Internet en anglais ne prouve aucunement que cette même personne peut comprendre ses droits et valablement les faire valoir dans le cadre d'une procédure en anglais dont les textes constitutifs sont en anglais. Sachons aussi que le rôle d'un fournisseur de services UDRP (ex. l'OMPI)1 consiste a administrer la procédure, ce qui signifie notamment a vérifier que la plainte satisfait aux conditions de forme énoncées dans les Principes UDRP et les Règles d'application. Il collabore avec l'unité ou les unités d'enregistrement intéressées afin de vérifier que le défendeur mentionné est bien le détenteur du ou des noms de domaine en cause, vérifier les coordonnées du défendeur, notifier la plainte au défendeur, transmettre les notifications relatives au dossier, constituer la commission administrative et veiller d'une manière générale au bon déroulement de la procédure administrative dans les délais imparties. Le fournisseur est indépendant et impartial. Il ne statue pas sur le litige entre les parties. En tant qu'organe administratif, il peut donner des conseils sur les éléments de procédure contenus dans les principes UDRP et les règles d'application, ainsi que ses ègles supplémentaires, mais ne peut donner d'opinion quant a la solidité ou a la faiblesse du dossier d'une partie. Au regard de la durée, la procédure, en général, s'étend sur une période de 60 jours2. 1 Pour un litige portant sur un a cinq noms de domaine, la taxe se monte a 1500 dollars. Si le litige doit être tranché par un seul expert et a 4000 dollars, s'il doit être tranché par une commission composée de trois experts. Pour un litige portant sur six a 10 noms de domaine, la taxe se monte a 2000 dollars, s'il doit être tranché par un seul expert et a 5000 dollars, s'il doit être tranché par une commission composée de trois experts. Il incombe au requérant de payer la totalité des taxes. Le défendeur n'est tenu de payer la moitié des taxes que lorsqu'il choisit de soumettre le litige a une commission composée de trois experts, alors que le requérant avait opté pour l'expert unique. Guide de l'OMPI relatifaux Principes UDRP régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, disponible sur http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html#i (consulté le 20 mai 2007). 2 V° annexe 4. (i) L'institution de règlement reçoit la plainte (plainte envoyée sur support papier et par voie électronique a l'institution de règlement, au défendeur et a l'unité d'enregistrement).
(4) Réception des taxes. (8) Transmission de la plainte au défendeur dans un délai de 3 jours a compter de la réception des taxes. (6) Date d'ouverture de la procédure (date laquelle l'institution de règlement informe le requérant, le défendeur, l'unité d'enregistrement et l'ICANN). (v') Le défendeur dispose alors d'un délai de 20 jours a compter de la réception de la plainte pour répondre aux arguments y exposés.
(i0) L'organe de résolution des litiges dispose d'un délai de trois jours pour communiquer la décision du panel l'institution de règlement, a l'ICANN et aux parties. (ii) Exécution de la décision l'expiration d'un délai de 10 jours ouvrables a compter de la transmission de la décision l'ICANN par l'institution de règlement. A l'issue de cette analyse, il est clair que la procédure UDRP présente l'avantage de pouvoir régler rapidement et a moindre coüt un type particulier de litige et d'obtenir le transfert du nom de domaine au profit du titulaire légitime, lorsque la fraude peut être clairement démontrée. Elle est particulièrement adaptée aux spécificités de l'Internet puisqu'elle se déroule principalement en ligne. Par ailleurs, cette procédure montre la capacité d'un organisme privé tel que l'ICANN de réguler globalement un secteur d'activité sur le réseau a travers des normes privées produites sans le contrôle de l'Etat. De même, il est évident dans ce contexte qu'un phénomène transfrontière comme le cybersquatting met en évidence l'efficacité réduite de principes tels que la souveraineté territoriale et monopolistique de l'Etat-nation. Néanmoins, en plus de l'enjeu de la régulation, la procédure UDRP suscite une nouvelle question celle de la contribution des technologies des informations et communications dans l'amélioration du fonctionnement de la justice. En effet, la mise en place de ces mécanismes électroniques de règlement des conflits assure un exercice plus facile et moins coüteux des droits des parties, consommateurs ou commerçants, dans des environnements électroniques qui, autrement, ne faciliteraient pas l'affirmation de ces droits. Cet idéal de l'accès a la justice ne devrait pas être escamoté au profit d'une rigidité idéologique1. Les technologies de l'information et de la communication facilitent simplement les modalités de l'accès a la justice et permettent, de ce fait, aux citoyens de se faire entendre. Peut-on s'étonner que la justice bénéficie également des avancées technologiques ? Le règlement en ligne des conflits issus des environnements électroniques ne constitue qu'une étape de la justice de demain. Faut-t-il déployer ces modes électroniques dans le monde de la justice étatique? Un tel déploiement pourraitt-il contribuer a assurer cet idéal démocratique que constitue l'accès a la justice? Ou au contraire, la rapidité de la procédure UDRP serait menaçante aux exigences traditionnelles du procès équitables? Toutes ces questions nous ramènent a mettre en lumière le caractère équitable de la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine << UDRP . C'est ce qu'on examinera par la suite. 1Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, << L'expérience internationale des modalités de règlement des conflits liés au droit d'auteur dans l'environnement numérique >>, pp. 6-22, in Règlements des conflits de l'environnement électronique, Bulletin du droit d&auteur, Vol. XXXV, no 4, octobre - décembre 2001, éditions UNESCO, version électronique, disponible sur http://upo.unesco.org/details.aspx?Code Livre=K8g8 (consulté le 15 juin 2007). |
|