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Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au cameroun


par Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO
Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023
  

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4- La définition du concept de « collectivité territoriale décentralisée »

Au sens du Vocabulaire juridique de Gérard CORNU, une collectivité territoriale décentralisée ou locale, corollaire de la « décentralisation administrative » renvoie à un « ensemble d'habitants d'une même partie du territoire ayant des intérêts communs gérés par des organes administratifs qui lui sont propres70 ». Autrement dit, les CTD renvoient donc à des entités administratives locales dotées d'une certaine autonomie qui est à la fois administrative et financière permettant de gérer les affaires locales dans un cadre défini par la loi. C'est dans cette perspective que, la loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi d'Orientation de la Décentralisation définit les collectivités territoriales comme des personnes morales de droit public71 jouissant d'une autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux.

Au Cameroun, cela peut inclure les communes, les régions et autres entités territoriales. Eu égard à cette définition, il ressort qu'au sein d'un État unitaire dont l'organisation est décentralisée72, comme c'est d'ailleurs le cas du Cameroun, les CTD sont des circonscriptions administratives dotée de la personnalité morale et de l'autonomie administrative et financière73. En définissant l'autonomie financière, Monsieur André ROUX martèle qu'elle « revêt une double dimension. En premier lieu, c'est la reconnaissance d'une capacité juridique de décision qui, en matière de recettes, implique un véritable pouvoir fiscal, le pouvoir de créer et, de lever l'impôt et, qui en matière de dépenses implique la liberté de décider d'affecter les ressources à telle ou telle dépense. En second lieu, c'est la possibilité pour les collectivités régionales ou locales d'assurer le financement de leurs

69 Art. 426 du CGCTD.

70 SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean - Marie), Lexique d'économie, op.cit., p. 171.

71 Art. 4 (4) de la loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi d'Orientation de la Décentralisation.

72 AVRIL (Pierre), GICQUEL (Jean), Lexique de droit constitutionnel, PUF (4e éd.), p. 23.

73 Ibid.

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dépenses par des ressources propres en volume suffisant74 ». Pour cet auteur, le pouvoir fiscal local est d'abord un pouvoir normatif, c'est-à-dire le pouvoir de créer les recettes fiscales. Or, ce pouvoir de création de recette appartient au Parlement en vertu du principe de la légalité fiscale. Ensuite, le pouvoir fiscal local est budgétaire, c'est-à-dire le pouvoir de percevoir l'impôt et de l'utiliser librement. Cette conception extensive du pouvoir fiscal local ne fait pas l'unanimité en doctrine. La raison semble être simple. Doter les collectivités locales du pouvoir de créer les recettes fiscales serait une atteinte au principe de la légalité fiscale dans un État dont la forme revêt un caractère unitaire et décentralisé. C'est pourquoi l'autonomie financière s'entend pour certains « comme la situation d'une collectivité locale disposant d'un pouvoir propre de décision et de gestion de ses recettes et des dépenses regroupées en un budget nécessaires pour l'exercice de ses compétences75 ». Autrement dit, « l'autonomie implique un pouvoir fiscal local, accompagné d'un pouvoir budgétaire autonome dotant les collectivités locales de la capacité de disposer d'un budget propre, distinct du budget général de l'État, et dont l'exécution se fait indépendamment de toute contrainte extérieure ou précisément de toute influence étatique76 ». Cependant, le pouvoir fiscal local ne serait qu'un élément du pouvoir budgétaire. L'on peut soutenir cet avis par le fait que le fiscal constitue un élément du budgétaire. En droit budgétaire, l'impôt constitue une matière budgétaire et une recette permanente du budget. A l'analyse, l'étude sur le pouvoir budgétaire des collectivités territoriales se situe dans le vaste champ de la décentralisation financière. En effet, finances publiques et décentralisation ne s'excluent pas l'une de l'autre. La première constitue la condition sine qua non de réalisation de la décentralisation. La seconde quant à elle ne peut être effective que si les collectivités territoriales décentralisées disposent des moyens nécessaires pour financer le développement local. Pour ce faire, elles ont besoin d'un véritable pouvoir budgétaire qui constitue une condition de l'autonomie financière77 et permet la réalisation de la décentralisation78 . En vertu du principe de subsidiarité79, le législateur leur

74 ROUX (André), « L'autonomie financière des collectivités locales en Europe », Rapport introductif, AIJC, 2006, p. 499 ; du même auteur, « Le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales », RFDA, 1992, Vol. 8, no 3, pp. 435-452.

75 ESSONO OVONO (Alexis), « L'autonomie financière des collectivités locales en Afrique noire francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-d'Ivoire, du Gabon et du Sénégal », REA, Bordeaux 4, pp. 1 - 24, p. 2.

76 MONEMBOU (Cyrille), « Le pouvoir règlementaire des collectivités locales dans les États d'Afrique noire francophone (les cas du Cameroun, du Gabon et du Sénégal) », RC/SJP, no 002/2015, pp. 79 - 111, p. 97.

77 PHILIP (Loïc), « L'autonomie financière des collectivités territoriales », CCC no 12, Dossier : le droit constitutionnel des collectivités territoriales - mai 2002, in www.conseil-constitutionnel.fr consulté, le 30 décembre 2023 à 14h59 min.

78 OLIVA (Éric), « La conception de l'autonomie locale, quel contenu ? quelle effectivité ? », G&FP, 2017/no 2, pp. 13 - 24, p. 13.

79 Comme on l'a expliqué, « principe d'origine ancienne ayant trouvé son premier essor dans la pensée sociale catholique, le principe juridique de subsidiarité implique une double obligation qui découle directement de sa

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accorde un certain nombre de compétences en matière financière pour gérer les affaires publiques locales80. C'est au regard de ce principe qu'il est reconnu aux CTD d'exercer certaines compétences au niveau local dans l'optique de limiter l'intervention de l'État sans toutefois l'effacer81.

Les CTD qui bénéficient de cette autonomie financière au Cameroun sont de deux types à savoir les régions et les communes82. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Georges VEDEL affirme que : « Ce n'est pas l'État qui a changé la vieille société ; c'est la nouvelle société qui a changé l'État83 ». Nous ne pouvons envisager aborder ce sujet sans avoir saisi la notion même de décentralisation qui est au coeur du droit budgétaire des collectivités territoriales décentralisée, même si elle n'est pas un terme clé de notre sujet.

Le concept de décentralisation n'est certes pas identifié dans l'intitulé de notre mémoire, mais il revêt un intérêt fondamental pour la compréhension de notre argumentaire.

La décentralisation, elle peut être entendue comme un processus par lequel certaines responsabilités gouvernementales et administratives sont transférées des autorités centrales à des entités locales, telles que les collectivités territoriales décentralisées, l'objectif étant de rapprocher la prise de décision des citoyens et de promouvoir le développement local. Autrement dit, la décentralisation est le « fait de donner le pouvoir de décision, dans la gestion administrative, à des collectivités territoriales ou à des personnes publiques distinctes de l'État »84. L'opération constituante amorcée depuis quelques années au Cameroun et qui s'est achevée avec la promulgation par le Président de la République, de la Loi no 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, n'a donné naissance ni à un

double origine étymologique. Provenant à la fois du terme subsidium, signifiant "renfort, ressource"(idée de secours), et du terme subsidiarius, signifiant "en réserve"(idée de secondaire), ce principe oblige, d'une part, le niveau supérieur de compétence à demeurer "en réserve"et donc de laisser intervenir le plus possible les niveaux inférieurs, et impose d'autre part, à ce niveau supérieur de venir "en renfort"et donc au secours des niveaux inférieurs dès lors que ceux-ci ne sont plus en mesure d'intervenir », DEROSIER (J.-P.), « « Et au milieu coule la rivière » : la subsidiarité et la frontière rhénane. Signification juridique, implication possibles et portées positives de deux articles 72, alinéa 2 : la subsidiarité, entre principe et objectif », in BRISSON (Jean-François) (dir.), Les transferts de compétence aux collectivités locales, Paris, L'Harmattan, 2009, pp. 91 - 108, pp. 93 - 94.

80 DELCAMP (Alain), « Principe de subsidiarité et décentralisation », RFDC, n° 23, 1995, pp. 609 - 624.

81 PONTIER (Jean - Marie), « La subsidiarité en droit administratif », RDP, 1986, pp. 1515 - 1537.

82 Art. 2(1) de la loi no 2019/024 du 24 décembre 2019 portant CGCTD ; Art. 55 Al. 1 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

83 VEDEL (Georges), « Décentralisation et finances locales : clés pour la réflexion », RFFP, no 38, 1992, pp. 9 - 13, p. 10.

84 RUDELLE (Christian), Dictionnaire des termes juridiques, Édimages, 1992, p. 83.

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État fédéral ni à un « État régional »85.

Le constituant a marqué sa préférence pour un « État unitaire décentralisé86 ». S'il n'y a pas révolution, il faut cependant reconnaître qu'une évolution significative a été opérée. L'article 1er al. 2 de la Constitution du 2 juin 1972 disposait que « la République du Cameroun est un État unitaire ». Le constituant du 18 janvier 1996 y a ajouté le qualificatif « décentralisé ». Il s'agit d'une solution de compromis qui renvoie dos-à-dos les tenants du fédéralisme et ceux de l'État unitaire centralisé. Mais c'est un choix qui est loin d'être accepté par tous, en particulier par les tenants du fédéralisme87. Quoi qu'il en soit, cette option a pour corollaire la constitutionnalisation de la décentralisation territoriale au Cameroun. L'histoire constitutionnelle du Cameroun enseigne que la constitutionnalisation de la décentralisation en 1996 n'est pas une opération nouvelle. Le constituant avait inséré, pour la première fois, dans le texte constitutionnel du 4 mars 1960, en son article 46, une disposition qui faisait des provinces et des communes des « collectivités locales de l'État du Cameroun ». Celles-ci devaient s'administrer librement par des conseils de élus, être dotées de la personnalité morale et jouir de l'autonomie financière88.

Pour mieux mener notre analyse, il est judicieux de joindre au cadre théorique, le cadre matériel.

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