Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au camerounpar Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023 |
B- LE CADRE CONCEPTUELÉmile DURKHEIM affirmait que le chercheur « doit d'abord définir les choses dont il traite afin que l'on sache et qu'il sache de quoi il est question29 ». A ce titre, notre sujet repose sur certains concepts dont la compréhension mérite une définition assez précise afin de donner sens à leur usage dans le corps de nos développements. Il s'agit précisément des concepts de contrôle, de l'exécution, du budget et de collectivités territoriales décentralisées, 1- La définition du concept de « contrôle »Le concept de « contrôle » peut être appréhendé sous une double acception, l'une littéraire (a) et l'autre juridique (b).
La question du contrôle des finances publiques est un immense sujet consubstantiel à la création et la gestion des sociétés31. Elle se pose avec insistance et pertinence, qu'elle n'épargne aucun pays adhérant à l'idéologie de l'État de droit et de la démocratie. Le contrôle de gestion financière des personnes publiques apparaît aujourd'hui comme sinon un paramètre, du moins un déterminant de la bonne gouvernance et de la démocratie. Il participe de l'efficacité et de la transparence des finances locales pour une meilleure offre de biens pour le citoyen32. Le citoyen qui demeure par ailleurs, le contribuable par excellence. Il 29 DURKHEIM (Émile), Les règles de la méthodologie, Paris, PUF, 1891, p. 34. 30 Dictionnaire Universel, Hachette (4e éd.), p. 275. 31 GRANDGUILLAUME (Nicolas), Théorie générale du contrôle, Paris, Economica, 1994, 187 p. 32 BENSOUDA (Noureddine), « Efficacité et transparence des finances publiques pour une meilleure offre de biens pour le citoyen », RFFP, no 100, Novembre 2007, pp. 333 - 336. 11 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun est alors admis à cet effet, que : « le contrôle des finances publiques tire son fondement du principe du consentement du peuple à l'impôt »33. On peut dès lors remarquer, que : « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée »34. Encore mieux, « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »35. Une analyse exégétique de ces dispositions suggère, qu'il s'agit là, d'une matrice fondamentale de nombre de principes qui régulent la vie financière des personnes publiques. Parmi ces principes, se trouve indubitablement l'exigence de contrôle. En effet, le contrôle dans une appréhension préliminaire, est un examen, une vérification. Dans le cas d'espèce, c'est une vérification exercée sur la gestion des finances locales. Ces dernières s'entendent comme étant, les finances des personnes morales de droit public, notamment les CTD dans le cadre de notre étude. Elles constituent une variante des finances publiques. À ce titre, Messieurs Paul Marie GAUDEMET, et Joël MOLINIER relèvent que : « les finances publiques constituent une richesse »36 et, un « moyen d'action des collectivités publiques »37. Ces ressources sont employées par ces personnes publiques, pour la satisfaction directe ou indirecte des besoins d'intérêt général, même si à l'observation du déploiement du secteur public aujourd'hui, l'on peut avoir un sentiment de corrosion de l'intérêt général38 pourtant inébranlable39. Il faut préciser que le constituant camerounais de 1996, a consacré deux types de CTD, les régions et les communes. Contrairement à la commune40, la mise en place de la région se trouve encore dans les sentiers de la progressivité consacrée par la constitution. Par ailleurs, l'institution communale demande encore un champ d'investigation juridique particulièrement profond, même si sous d'autres cieux, certains s'interrogent sur l'avenir de cette dernière. 33 BESSALA (Alain Georges), Ajustement Structurel et Droit Budgétaire Camerounais : contribution à l'étude des Droits Budgétaires des États Africains sous Ajustements Structurel, Thèse de Doctorat PhD en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2013 - 2014, p. 431. 34 Art. 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. 35 Ibid., Art. 15. 36 GAUDEMET (Paul Marie), MOLINIER (Joël), Finances publiques, Paris, budget / trésor, Tome 1, Montchrestien (6e éd.), 1992, p. 16. 37 Ibid., p. 17. 38 PONTIER (Jean - Marie), « L'intérêt général existe-t-il encore ? », Recueil Dalloz, 1998, pp. 327 et suivantes. 39 RANGEON (François), « Peut-on parler d'un intérêt général local ? » in La proximité en politique : Usages, rhétoriques, pratiques, Rennes, PUR, 2005, pp. 45 - 46. 40 PEKASSA NDAM (Gérard Martin), « La classification des communes au Cameroun », RASJ, no 1, Vol. 6, 2009, pp. 229 - 266. 12 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun Le contrôle en clair, renvoie à la vérification des actes et des documents. M. Gérard CORNU entend par contrôle, une « opération consistant à vérifier si un organe public, un particulier ou un acte respectent ou ont respecté les exigences de leurs fonctions ou des règles qui s'imposent à eux. Ex. contrôle fiscal, contrôle de la régularité d'un compte »41. Dans son acception juridique plus large, le concept de « contrôle » renvoie à la « vérification de la conformité à une norme, d'une décision, d'une situation, d'un comportement, etc. »42. Pour l'éminent auteur Michel BOUVIER, contrôler c'est faire des investigations et mener des recherches sur la sincérité et l'exactitude d'un fait, d'une pièce ou d'une situation43. Poursuivant son propos, il précise, qu'il s'agit des opérations de recherches et d'analyses44. Il parle à cet effet, d'un « contrôle vérification »45. Sous ce rapport, il faut relever, que la logique de l'assimilation du contrôle à la vérification semble rencontrer l'adhésion de M. Jean - François FABRE cité par M. Cheickna TOURE46. Le chercheur l'appréhende comme une mesure dont la finalité est de s'assurer qu'une chose est bien, telle qu'on l'a déclarée, ou telle qu'elle doit être par rapport à une norme donnée47. Eu égard à la clarification du concept de « contrôle », le contrôle de l'exécution du budget peut donc être appréhendé comme un processus par lequel les autorités compétentes vérifient si les dépenses prévues dans le budget d'une collectivité territoriale décentralisée sont effectivement réalisées conformément aux priorités et aux normes établies. Souvent qualifié de « contrôle de gestion », celui-ci trouve ses fondements au lendemain de la seconde guerre mondiale suite aux efforts menés par les États-Unis d'Amérique de conduire la guerre à moindre coût et de maîtriser l'avenir des entreprises48. Aussitôt, il va s'affirmer comme un véritable outil d'aide à la performance au sein des entreprises et se répandre dans le monde capitaliste.49 Parallèlement, la nouvelle culture managériale résultant des réformes internationales au sein des États, appréhende le contrôle de gestion comme un outil d'aide à la performance qui viendra contribuer à l'efficacité des politiques publiques50. KHEMAKHEM (1976) met 41 CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, p. 236. 42 Ibid. 43 BOUVIER (Michel), Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt, Paris, LGDJ (6e éd.), 2004, p. 1. 44 BOUVIER (Michel), Les finances locales, Paris, LGDJ (12e éd.), 2013, p. 4. 45 Idem. 46 TOURE (Cheickna), « Le système de contrôle des finances publiques au Mali », Afrilex, no 4, https://www.afrilex.u-bordeaux4.fr. 47 FABRE (Jean-François), Le contrôle des finances publiques, Paris, PUF, 1968, p. 8. 48 TCHATCHOUA NYA (Magloire), NJIKE NGOMESSE (Désirée), KETCHANKEU (Pierre), « Perception des enjeux du contrôle de gestion dans les municipalités au Cameroun : une approche par le cadre théorique de l'acteur stratégique ? », FFI, Vol. 1, no 25, 2013, pp. 1 - 24., p. 3. 49 Ibid. 50 Idem. 13 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun l'accent sur la mobilité des énergies et des ressources pour atteindre les objectifs fixés par l'entité. De cette réflexion découle la définition suivante : « le contrôle de gestion est le processus mis en oeuvre au sein d'une entité économique pour s'assurer d'une mobilisation efficace et performante des énergies et des ressources en vue d'atteindre l'objectif que vise cette entité51 ». Qu'il s'agisse d'une organisation publique ou privée, le contrôle de l'exécution du budget est un processus qui vise à surveiller et à évaluer la mise en oeuvre des dépenses prévues dans le budget d'une entité. Ce processus comprend différentes activités telles que la vérification des dépenses effectuées par rapport aux prévisions budgétaires, l'évaluation de la conformité aux règles et aux réglementations en vigueur, et l'analyse de l'efficacité et de l'efficience des dépenses réalisées. En d'autres termes, le contrôle de l'exécution du budget permet de s'assurer que les fonds alloués dans le budget sont utilisés de manière transparente, responsable et conforme aux objectifs fixés. Il contribue également à détecter les écarts éventuels entre les prévisions budgétaires et la réalité, ce qui permet d'identifier les problèmes potentiels et de prendre des mesures coercitives si nécessaire. Le contrôle de la gestion des finances publiques est un mécanisme indispensable à la bonne au niveau local. Cela est d'autant plus important, que l'évolution de la situation financière des CTD se conjugue à la complexification du secteur local52. Le secteur local en pleine métamorphose, s'apparente progressivement à un système dont le contrôle et la régulation deviennent particulièrement malaisés à assurer53. En marge du concept de « contrôle », le mot exécution qui apparaît dans l'intitulé de notre thème de recherche mérite d'être défini. |
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