Paragraphe I : La responsabilité
financière et budgétaire des agents publics des CTD
La responsabilité financière et
budgétaire des agents publics des CTD s'inscrit dans le cadre de la
bonne gouvernance et de la gestion transparente des ressources publiques. Celle
- ci revêt, une importance particulière dans un contexte ou la
décentralisation est présentée comme un levier majeur pour
le développement local et la participation citoyenne.
L'examen de la responsabilité financière et
budgétaire des agents publics des CTD consiste à analyser la
responsabilité financière de l'ordonnateur (A),
ainsi que la responsabilité budgétaire du comptable public
(B).
A - La responsabilité financière de
l'ordonnateur
La responsabilité financière des ordonnateurs
s'inscrit dans la problématique plus globale de la modernisation des
finances publiques ou, si l'on veut, de la gouvernance
financière284. Elle marque un saut qualitatif vers la
recherche de la performance dans les administrations publiques. Faut - il le
rappeler, l'ordonnance no 62/OF du 7 février 1962 portant
régime financier de la République Fédérale du
Cameroun avait consacré un budget de moyens285. Celui - ci se
caractérisait par le manque de prévisibilité à
moyen terme, surtout, par un manque de contrôle de performance. Mais avec
la raréfaction des ressources, la
284 ENGOUTOU (Jean - Luc), NGUECHE (Sylvie), MBALLA ELOUNDOU
(Aimé Christel), « La responsabilité financière des
ordonnateurs en droit public camerounais », RFFP, no
157, 2022, p. 95.
285 ENGOUTOU (Jean - Luc), NGUECHE (Sylvie), MBALLA ELOUNDOU
(Aimé Christel), « La responsabilité financière des
ordonnateurs en droit public camerounais », op.cit.
85
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
démocratisation et la diffusion de la culture de la
performance au sein des couches socio - économiques, le budget de moyen
a montré des signes d'essoufflement286.
La responsabilité financière de l'ordonnateur
dans le cadre du contrôle de régularité est un sujet
crucial pour assurer la bonne gestion des ressources publiques. Tout d'abord,
l'ordonnateur, qui peut être le maire ou le président du conseil
régional est chargé de l'exécution du budget de la
collectivité locale. Il doit veiller à ce que les dépenses
respectent les orientations budgétaires et les règles de la
comptabilité publique. Ensuite, l'ordonnateur est tenu de rendre des
comptes sur l'utilisation des fonds publics. Cela signifie qu'il doit fournir
des justificatifs de toutes les dépenses engagées et garantir la
transparence dans la gestion financière de la collectivité
locale.
Par ailleurs, la responsabilité financière de
l'ordonnateur implique également une obligation de gestion rigoureuse
des fonds publics. À ce titre, il doit s'assurer que les dépenses
sont effectuées dans le respect des règles de la
comptabilité publique et dans l'intérêt
général.
Tout manquement à ces obligations peut être
qualifié de faute de gestion et, par voie de conséquence,
entraîner des sanctions.
Contrairement à l'État de droit
antérieur, la faute de gestion fait désormais l'objet, depuis
2018, d'une définition expresse dans la législation portant
régime financier de l'État et des autres entités
publiques. Il s'agit réellement d'une définition si l'on s'en
tient, sur le plan formel, aux termes de l'article 87 suivants
lesquels287 : « En cas de faute de gestion telle que
définie à l'article 88 (...) ». Sur le plan
substantiel, l'article 88 (1) de la loi no 2018/012 du 11 juillet
2018 procède à une déclinaison des éléments
qui permettent de reconnaître ou d'identifier la faute de
gestion288. En plus de cette innovation, le nouveau régime
financier de l'État et des autres entités publiques apporte plus
de clarté et d'intelligibilité dans l'appréhension de la
faute de gestion, comme pour remédier a1 l'insécurité
juridique et judiciaire jusqu'alors prégnante289. En effet,
l'article 88 (1) de la loi de 2018 précitée, définit la
faute de gestion comme : « tout acte, omission ou négligence
commis par tout agent de
286 Ibid.
287 Idem.
288Idem.
289 En se contentant d'énoncer, en son article 51 (1)
que : « L'ordonnateur a la responsabilité de la bonne
exécution des programmes [...] ». Cette disposition a son
pendant au niveau local dans la loi de 2019 portant CGCTD. Il s'agit en effet
de l'article 466 aux termes duquel : « Les ordonnateurs sont tenus de
rendre compte de l'exécution des programmes et projets ».
86
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'État, d'une Collectivité territoriale
décentralisée ou d'une entité publique, par tout
représentant, administrateur ou agent d'organismes, manifestement
contraire à l'intérêt général ».
»290.
Pour mesurer toute la portée de l'innovation de cette
disposition, il convient de rappeler aux souvenirs la définition
antérieure de la faute de gestion, telle que posée par l'article
3 de la loi no 74/18 du 5 décembre 1974 relative au
contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants des
crédits publics et des entreprises de l'État, modifiée par
la loi no 76/4 du 8 juillet 1976 : « Est considérée
comme irrégularité au sens de la présente loi, toute faute
de gestion préjudiciable aux intérêts de la puissance
publique (...)
Chef de la structure administrative pour le fonctionnement de
laquelle ont été affectés des crédits, la
responsabilité de l'ordonnateur ne se limite pas aux aspects strictement
financiers291. Elle couvre aussi tous les actes de sa gestion tant
administrative que politique, et est engagée dès la commission
d'une faute de gestion292. En matière financière en
général et comptable en particulier, les articles 3 et 6 de loi
du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs,
gestionnaires de crédits publics et des entreprises d'État,
modifiée par la loi du 8 juillet 1976 ont dégagé, de
manière non exhaustive, les différentes
irrégularités constitutives de la faute de gestion, c'est -
à - dire, préjudiciable aux intérêts de la puissance
publique293. Il s'agit de l'engagement d'une dépense sans
avoir qualité pour le faire, sans crédits disponibles ou sans
pièces justificatives ; de l'engagement d'une dépense sans visa
ou réquisition de l'autorité compétente ou sans
justification du service fait ; de la passation des marchés ou des
recrutements en violation de la règlementation en vigueur en la
matière ; de la modification irrégulière de l'affectation
des crédits ou de l'utilisation à des fins personnelles des
agents ou des biens de l'État294.
Sans préjudice des poursuites susceptibles d'être
engagées devant les juridictions répressives compétentes
lorsque la faute de gestion tend à se muer à un
détournement de derniers publics, la responsabilité
financière de l'ordonnateur est engagée au Cameroun
290 Cette définition et cette catégorisation sont
reprises par les articles 4 (1), 10 et 12 du décret no
2020/375 du 7
juillet 2020 portant règlement général de la
comptabilité publique.
291 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », G&FP, 2017/3, no 3, pp. 109 - 116, p.
110.
292 Ibid.
293 Idem.
294 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », op.cit., p. 111.
87
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
devant le CDBF qui, manifestement officie en tant que juge de
gestion alors qu'il n'en est pas un en principe, eu égard de son essence
administrative295.
En tranchant cette question, née du conflit des lois,
l'institution supérieure de contrôle s'affirme comme le seul
organe compétent en la matière au Cameroun, à l'exclusion
de tout autre organe administratif, notamment le CDBF rattaché aux
services du CONSUPE. La loi portant régime financier de l'État et
d'autres entités publiques du 11 juillet 2018 a transféré
cette compétence à la juridiction des comptes, pour se conformer
aux standards internationaux et aux directives communautaires. C'est en
application de ces nouvelles dispositions que la Chambre des comptes de la Cour
suprême a été saisie d'une dénonciation de mauvaise
gestion visant le Maire et le Receveur municipal de la commune de NGOMEDZAP.
Sur la question d'un éventuel conflit de loi et de
compétence entre le CDBF et la Chambre des comptes de la Cour
suprême, la juridiction financière a apporté une
réponse sans équivoque dans son arrêt affirmant : «
que l'exclusivité du contrôle juridictionnel des
entités publiques et autres entités publiques étant
constitutionnellement dévolue à la Chambre des comptes, la
sanction des irrégularités et fautes de gestion ressortit
logiquement de la compétence de cette juridiction
»296. De cet arrêt, il découle que le CDBF ne
saurait conserver sa compétence en matière de sanction de la
faute de gestion. L'institution supérieure de contrôle du Cameroun
confirme ainsi, sa compétence exclusive en matière de sanction
juridictionnelle de la faute de gestion. À ce titre, cette juridiction
peut prononcer en fonction des cas, des amendes spéciales, des mises en
débet ou des déchéances. Les premières sanctions
sont infligées en fonction de la valeur du préjudice subi par la
personne publique. Leur montant varie entre 200 000 et 2 000 000 FCFA. Les
mises en débet, quant à elles, sont mises à la charge de
l'agent fautif pour le montant du préjudice réel subi par la
personne publique. Les déchéances, enfin, sont constituées
par des interdictions momentanées d'assumer certaines fonctions
publiques.
L'ordonnateur n'est pas le seul responsable devant la
juridiction financière, le receveur municipal, peut également
voir sa responsabilité engagée du fait des
irrégularités.
295 C'est un organe administratif à fonctionnement
quasi juridictionnel rattaché au ministère
délégué à la présidence de la
République chargé du contrôle supérieur de
l'État. Il est chargé de prendre des sanctions à
l'encontre des agents publics posant des actes en violation de l'orthodoxie
financière publique.
296 Arrêt no 01/CDC/CSC/SR/DBF de la Chambre
des comptes de la Cour suprême du 15 février 2024 Commune de
NGOMEDZAP c/ Mme TSOUNGUI BLEUE REGINE EPSE BOAMA et M. EKANG EKANG Jules.
88
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
B - La responsabilité financière et
budgétaire du comptable public
Les receveurs municipaux et régionaux, comptables
publics, sont soumis aux règles de discipline, de tenue de comptes et de
comptabilité, de recouvrement des recettes, de paiement des
dépenses et de responsabilités applicables aux comptables du
Trésor297. À ce titre, ils ont qualité de
comptable principal et sont par conséquent astreints à la
production d'un compte de gestion298. Les receveurs municipaux et
régionaux sont ainsi tenus de rendre compte de leur gestion à
raison de la sacralité des derniers publics299, dont ils
détiennent l'exclusivité du maniement. En effet, les derniers
publics sont des biens publics qui ne peuvent faire l'objet d'utilisation
privative et sont de ce fait, dotés d'une protection
particulière. Cette protection réside dans l'obligation de
reddition des comptes, imposée aux comptables publics. Manier les
derniers publics, en dépense ou en recette, expose paraît - il
à la tentation300. L'obligation de répondre des
irrégularités (faute de gestion, gestion de fait)
constatées dans leur gestion, passe par la mise en jeu de leur
responsabilité.
Rendant compte personnellement et pécuniairement des
opérations financières dont ils ont la charge durant l'exercice
de leurs fonctions, les comptables publics voient leur responsabilité
engagée lorsqu'un préjudice est causé à la personne
publique suite à des irrégularités relevées
à l'article 42 du règlement général de la
comptabilité publique. Il en est ainsi des déficits de caisse ou
des manquants en derniers et valeur ; de défaut de recouvrement de
recettes ordonnancées, de paiement irrégulier d'une
dépense suite à un défaut de contrôle ou de
l'imputation d'une dépense indue à l'État. Le comptable
public est alors mis en débet administratif par le ministre des
Finances, ou en débet juridictionnel à l'issue d'une
procédure devant la Chambre des comptes de la Cour
suprême301.
Conformément à l'article 35 alinéa 5 de
la loi du 21 avril 2001 fixant les attributions, l'organisation et le
fonctionnement de cette juridiction, lorsque les comptes sont en débet,
la Chambre des comptes constitue le comptable débiteur. Le MINFI
procède alors au
297 Art. 4 du décret no 94/232 du 5
décembre 1994 précisant le statut et les attributions des
receveurs municipaux.
298 AMOUGOU MBETOUMOU (Estelle Delphine), « Aspects de la
responsabilité des receveurs municipaux en droit public financier
camerounais », IMJST, Vol. 7, no 7, Juillet 2022, pp.
5081 - 5096, p. 5082.
299 Ibid.
300 DUFRESNOY (Philippe), « La responsabilité des
comptables publics : une assurance raisonnable de la régularité
des comptes », G&FP, 2018/2, no 2, pp. 102 - 104,
p. 102.
301 Il convient toutefois de relever la non - conformation
jusqu'à ce jour de l'État camerounais au droit communautaire dans
le cadre de la CEMAC. En effet, les articles 91 et 92 de la Directive
no 02/11 - UEAC - 190 - CM - 22, relative au règlement
général de la comptabilité publique nécessite pour
sa concrétisation que chaque État membre se dote d'une Cour des
comptes. Malgré sa position de proue dans cette communauté, le
Cameroun ne s'est pas encore doté de cette juridiction des comptes et se
contente encore d'une simple Chambre des comptes.
89
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
recouvrement des sommes dues qui sont réservées,
le cas échéant, à la personne morale concernée. Les
arrêtés de débets, quel qu'en soit le type, sont
exécutoires dès leur notification au comptable concerné et
susceptibles de recours devant le juge des comptes sans effet
suspensif302.
En ce qui concerne la responsabilité personnelle des
comptables publics, elle est mise en oeuvre au travers d'un ensemble des
sanctions qui lui sont infligées à titre personnel et qui visent
à sanctionner son indiscipline au sein de l'administration, ou alors
réprimer toute violation de la loi pénale. Sur le plan
disciplinaire, les receveurs municipaux et régionaux sont soumis au
pouvoir hiérarchique du Ministre des finances et du Ministre de la
décentralisation et du développement local, qui ont le pouvoir
d'engager leurs responsabilités disciplinaires. Ainsi, chaque fois
qu'ils ont omis d'exécuter leurs missions, ils peuvent voir leur
responsabilité être engagée sur le plan disciplinaire.
Cette responsabilité permet à l'autorité
hiérarchique de prononcer une sanction non pécuniaire contre un
agent qui aurait commis une faute de service.
Pour ce qui est de la responsabilité pécuniaire,
il s'agit de l'obligation de réparer sur ses fonds propres, le
préjudice que le receveur municipal ou régional a causé
à la collectivité territoriale. À ce titre, les
manquements du comptable public à son obligation de contrôle des
actes émis par l'ordonnateur303, son inobservation des
règles de la comptabilité publique, bref des
irrégularités constatées dans sa gestion, causent à
la collectivité locale un préjudice304.
Au regard des irrégularités telles que les
fautes de gestion et les gestions de fait, le comptable public peut être
l'objet de sanctions par la juridiction des comptes. Ces sanctions peuvent
être des amendes, des débets et même des
déchéances.
Toutefois, lorsque le préjudice financier est
qualifié d'infraction par le CONSUPE, le CDBF ou même la Chambre
des comptes de la Cour suprême, le comptable public et l'ordonnateur
peuvent voir leur responsabilité pénale engagée.
302 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », op.cit.
303 CHOUVEL (François), Finances publiques,
Gualino (23e éd.), 2020, p. 160.
304 DUTHEILLET DE LAMOTHE (Olivier), VANDENDRIESSCHE (Xavier),
« La notion de préjudice financier en dépenses »,
GFP, Vol. 100, no 2 - 2020/ Mars - Avril 2020, p. 112.
90
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe II : La responsabilité pénale
des agents publics du contrôle de l'exécution du budget des
CTD
La responsabilité pénale des agents publics
impliqués dans l'exécution du budget des CTD au Cameroun, en
raison des irrégularités, est régie par le droit
pénal camerounais. En général, les agents publics peuvent
être tenus responsables pénalement pour des infractions ayant une
incidence financière ou budgétaire.
Il convient donc d'examiner au préalable des faits
générateurs de la responsabilité pénale des agents
publics internes des CTD (A), avant de s'appesantir sur la
mise en oeuvre de cette responsabilité (B) proprement
dite par des juridictions répressives.
A - Les faits générateurs de la
responsabilité pénale des agents publics internes aux
CTD
Le comptable public voit sa responsabilité
engagée lorsqu'il se comporte comme un délinquant, c'est -
à - dire que dans la réalisation de ses missions, il commet un
acte expressément interdit par la loi305. Dès lors, il
tombe sous le coup de la sanction pénale. En effet, le Vocabulaire
juridique appréhende la responsabilité pénale comme
une obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine
prévue par le texte qui les réprime306. On
déduit donc de cette définition de la responsabilité
pénale que, les faits générateurs de celle - ci sont des
infractions ayant, dans le cadre des finances publiques locales une incidence
financière. La sanction pénale désigne l'ensemble des
peines prévues par le Code pénal, qui ont pour objectif de
sanctionner l'auteur des infractions pénales telles que la concussion,
l'enrichissement illicite, le détournement de derniers publics et la
corruption.
Au Cameroun, certains textes précisent les
hypothèses suivant lesquelles le comptable public ou l'ordonnateur
serait responsable de violation de la loi pénale307. Sans
prétendre à l'exhaustivité, l'on peut par exemple
mentionner le décret no 94/232 du 5 décembre 1994
précisant le statut et les attributions des receveurs municipaux, en son
article 13 qui relève que « Tout receveur municipal qui ne peut
établir de distinction entre les fonds et valeurs qu'il détient
ès - qualités et ceux qu'il possède à titre
personnel, est présumé coupable de concussion ». Or la
concussion est réprimée à l'article 137 du Code
pénal. Dans le même ordre d'idées, le dictionnaire
encyclopédique de finances publiques présente la concussion
305 AMOUGOU MBETOUMOU (Estelle Delphine), « Aspects de la
responsabilité des receveurs municipaux en
droit public financier camerounais », op.cit., p.
5084.
306 Ibid.
307 Idem.
91
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
comme une infraction aux règle du droit
budgétaire et de la comptabilité publique, et la définit
comme le fait d'ordonner l'établissement ou la perception
d'impôts, droits ou taxes non autorisées par la loi, ou encore le
fait de consentir sans autorisation de la loi, à des exonérations
d'impôts, droits ou taxes ou encore le fait de délivrer
gratuitement des produits de l'établissement public de
l'État308.
En outre, l'on peut par exemple mentionner la Convention
interaméricaine de lutte contre la corruption qui définit
l'infraction d'enrichissement illicite comme « une augmentation
significative du patrimoine d'un fonctionnaire qu'il ne peut raisonnablement
justifier par rapport aux revenus perçus légitimement dans
l'exercice de ses fonctions »309. Le propre dans cette
infraction est qu'une personne voit son patrimoine croître, mais ne peut
pas s'appuyer sur ses revenus légitimes pour en justifier
raisonnablement la légitimité et la légalité des
sources. Ce qui entraîne un allègement, un contournement, ou un
renversement de la charge de la preuve. La personne est ainsi, appelée
à s'expliquer sur les sources et les moyens d'accroissement de sa
fortune, sans que personne ne puisse prouver qu'elle a commis une
infraction.
C'est après constatation des infractions
susmentionnées (concussion, enrichissement illicite, détournement
de derniers publics, corruption...etc.) par les juridictions répressives
que, la responsabilité pénale des agents publics internes des CTD
chargé de l'exécution et du contrôle budgétaire est
mise en oeuvre.
B - La mise en jeu de la responsabilité
pénale des agents publics internes aux CTD
Les irrégularités dans l'exécution du
budget des CTD peuvent inclure des actes tels que la mauvaise gestion des
fonds, le non - respect des procédures légales, l'octroi des
contrats sans appel d'offres, entre autres. Lorsque de telles
irrégularités sont découvertes, les agents publics
responsables peuvent faire l'objet d'enquête et de poursuites
pénales.
Au plan pénal, les juridictions répressives ne
sont compétentes que si la faute reprochée (faute de service ou
personnelle) à l'ordonnateur et au comptable public est constitutive de
crime ou de délit, en vertu du principe du droit pénal selon
lequel il n'y a pas
308 PHILIP (Loïc), Dictionnaire encyclopédique de
Finances publiques, Economica, 1991, p. 1344.
309 Art. IX de la Convention interaméricaine de la lutte
contre la corruption du 29 mars 1996.
92
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
d'infraction, pas de sanction sans texte qui les
prévoie : « nullum crimen nulla poena sine lege ».
La responsabilité pénale des ordonnateurs, des
gestionnaires de crédits et des comptables publics peut être mise
en oeuvre dans le cadre des fautes de gestion qui constituent en même
temps des infractions pénales.
Compte tenu du développement des poursuites
pénales, introduites le plus souvent par les victimes, se constituant
partie civile et en déclenchant l'action publique, la
responsabilité pénale de ces agents publics se trouve
engagée à l'occasion des actes de détournement de derniers
publics, de concussion, de la corruption...etc. Il est crucial de noter que la
responsabilité pénale nécessite généralement
la preuve d'une intention criminelle ou de grave négligence de la part
des agents impliqués. Les sanctions peuvent aller de peines d'amende
à des peines privatives de liberté, en fonction de la
gravité des infractions commises et des circonstances spécifiques
de chaque cas.
En ce qui concerne les actes de détournement de
derniers publics, ce sera essentiellement l'oeuvre du TCS, du TPI et du TGI. Le
TCS sera compétent pour connaître des irrégularités
et des fautes de gestion qualifiables de crimes ou de délits, et portant
sur des infractions de détournement de derniers publics et des
infractions connexes lorsque le préjudice est d'un montant minimum de
cinquante millions (50 000 000) FCFA310. Le TPI sera
compétent pour connaître des irrégularités et fautes
de gestion qualifiables de délits lorsque le préjudice est d'un
montant inférieur ou égal à dix millions (10 000 000) FCA.
Le TGI quant à lui sera compétent pour connaître des
irrégularités et fautes de gestion qualifiables de crimes ou de
délits connexes, lorsque le préjudice est d'un montant
supérieur ou égal à dix millions (10 000 000) FCFA.
L'infraction de détournement de derniers publics par un agent public de
l'État ou des CTD est punie d'un emprisonnement à
vie311 au cas où la valeur des biens détournés
excède cinq cent mille (500 000) francs ; d'un emprisonnement de quinze
(15) à vingt (20) ans312 lorsque cette valeur est
supérieure à cent mille (100 000) francs et inférieure ou
égale à cinq cent mille (500 000) francs et au cas où
cette valeur est égale ou
310 Telle est la teneur de l'article 2 de la loi no
2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d'un Tribunal
Criminel Spécial qui dispose que : « Le Tribunal est
compétent pour connaître, lorsque le préjudice est d'un
montant minimum de 50 000 000 F CFA, des infractions de détournement de
derniers publics et des infractions connexes prévues par le Code
Pénal et les Conventions Internationales ratifiées par le
Cameroun ».
311 Art. 184, Al. 1 (a) de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal.
312 Ibid., Art. 184, Al. 1(b).
93
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
inférieure à cent mille (100 000) francs,
l'emprisonnement est de cinq (05) à dix (10) ans et d'une amende de
cinquante mille (50 000) francs à cinq cent mille (500 000)
francs313.
En ce qui concerne l'infraction de concussion, elle est
prévue par les articles 137 et 142 du code pénal. La concussion
est punie d'un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d'une amende
de vingt mille (20 000) à deux millions (2 000 000) de francs CFA. La
juridiction compétente pour connaître de cette infraction est le
TGI.
Pour ce qui est de l'infraction de corruption, la CONAC exerce
une activité remarquable314. À travers ses rapports,
on voit des avancées dans le cadre de la lutte contre cette infraction
en général, et d'une volonté dynamique de remplir les
missions assignées. La CONAC exerce donc une action conjoncturelle avec
les juridictions répressives, en enquêtant sur les cas de
corruption et en traduisant les responsables en justice dans le but de
promouvoir la transparence dans l'administration publique au Cameroun.
L'infraction de corruption est réprimée par les articles
134315 et 134 - 1316 du code pénal camerounais.
313 Idem., Art. 184, Al. 1 (c) de la loi portant code
pénal.
314 NDJIE MGBA (Marc Stéphane José), « La
lutte contre la corruption au Cameroun : un effort inachevé »,
RIDC, 2018/70 - 1, pp. 159 - 185, p. 183.
315 En ce qui concerne la corruption active, en principe,
l'alinéa 1 de l'article 134 de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal dispose que : « Est puni d'un
emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans et d'une amende de deux cent
mille (200 000) à deux millions (2 000 000) de francs, tout
fonctionnaire ou agent public national, étranger ou international qui,
pour lui - même ou pour un tiers, sollicite, agrée ou
reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire,
s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction ».
316 En ce qui concerne la corruption passive, en principe,
l'alinéa 1 de l'article 134 - 1 de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal dispose à cet effet que : «
Quiconque, pour obtenir soit l'accomplissement, l'ajournement ou le refus
d'accomplissement d'un acte, soit des faveurs ou des avantages tels que
prévus à l'article 134 ci - dessus, fait des promesses, offres,
dons, présents ou cède à des sollicitation tendant
à la corruption, est puni des peines prévues à l'article
134 alinéa 1 ci - dessus, que la corruption ait ou non produit son effet
».
94
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
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