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Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au cameroun


par Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO
Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023
  

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Paragraphe II : La règle du service fait

La règle du service fait revêt une importance capitale dans le cadre du contrôle de la régularité des opérations budgétaires. Cette règle, qui régit les relations entre l'administration publique et ses fournisseurs ou prestataires de services, constitue un pilier essentiel de la gestion transparente et efficace des ressources publiques au niveau local.

Cependant, cette règle est non absolue dans la mesure où elle est assortie de quelques dérogations. C'est la raison pour laquelle nous examinerons la consistance de la règle du service fait (A), et les exceptions (B) à ladite règle.

A - La consistance de la règle du service fait

La règle du service fait, édictée par le seul règlement général de la comptabilité publique, interdit, en principe, les paiements des dépenses publiques avant que les bénéficiaires aient exécutés les prestations qui en sont les contreparties265. Comme on n'ose pas la qualifier de principe général de droit - ce qu'elle n'est pas - on appelle la règle du service fait, dans la littérature administrative, « règle fondamentale de la comptabilité publique », « pilier fondamental du droit de la comptabilité publique »266, « pièce maîtresse du droit public financier »267, etc. Les expressions ne manquent pas pour dire son importance, même si cela ne dit rien sur sa portée ni son insertion dans la hiérarchie des normes.

Naturellement, aucun texte ne définit ce qu'est le « service fait ». Mais la notion même de « service fait » trahit l'origine de cette expression : le service dont il est question est celui du fonctionnaire, ou plus généralement l'agent public : c'est une « règlementation déjà ancienne et confirmée par le statut général comme par les principes de la comptabilité publique »268. Le fonctionnaire fait son service, on le paie, il ne le fait pas...en principe, on ne le paie pas. C'est d'ailleurs en matière de fonction publique que la règle de service fait donne lieu à l'essentiel de la jurisprudence et des écrits doctrinaux. Mais, même en matière de

265 CLAMOUR (Guylain), TERNEYRE (Philippe), Financement et contrats publics, éd. Cream, p. 32.

266 LEFEBVRE (Barbara), Une règle d'or de la comptabilité publique : le paiement après service fait, Rev. Trésor, 1995, p. 667.

267 AMSELEK (Pierre), Une instruction en clair - obscur : la règle du service fait. Mélanges en l'honneur de P - M. GAUDEMET, Economica, 1984, p.421.

268 PLANTEY (Alain), La Fonction Publique, Traité Général, Litec, 2e éd., 2001, no 1235.

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fonction publique, la règle est tout sauf simple : le service partiellement fait, le service mal fait, le service impossible, etc., donnent lieu à des discussions montrant que la notion de service fait n'est pas aussi manichéenne qu'il paraît. Le Professeur AMSELEK a pu parler à son sujet d' « institution en clair - obscur ».

Toute théorique, quel que soit sa pertinence, n'a de réelle importance qu'une fois traduite dans la réalité concrète quotidienne269. C'est ainsi que la régularité formelle tire toute sa pertinence lorsqu'elle est traduite sur le plan matériel ou lorsqu'elle est effective.

Et comme la précision en vaut la règle, il n'est pas exagéré de préciser que, le contrôle de l'effectivité a toujours existé au Cameroun contrairement à ce beaucoup le faisaient remarquer. Ce contrôle n'était pas seulement trop développé. Les récentes réformes des finances publiques270 engagées par les autorités camerounaises ont davantage milité dans le sens de renforcement du contrôle de l'effectivité de la dépense publique. Autrement dit, le contrôle de la régularité substantielle ou matérielle n'était pas trop ressenti jusqu'à une date récente. En dépit de la forte concentration du système de contrôle des finances publiques camerounaises au contrôle de la régularité, les récentes réformes ont pu instaurer plus que par le passé, un mariage assez serré entre le contrôle de la régularité formelle et le contrôle de la régularité matérielle271 ou d'effectivité. C'est d'ailleurs une bonne homogénéité entre le formel et le matériel dans la mesure où, le respect des règles de forme n'exclut pas la violation de celles de fond. Pour dire autrement, le respect des règles formelles peut mettre un pan de voile sur des irrégularités dans la réalisation physique272 de la dépense.

L'effectivité matérielle ou le service fait, est donc une investigation qui vise pour le contrôleur de se rassurer que la prestation qui a présidé à l'initiative de la dépense publique a été bel et bien réalisé273. Ainsi, les contrôleurs doivent, avant toute certification ou liquidation, s'assurer que les prestations et les livraisons constituent l'équivalent réel des sommes à décaisser et qu'elles ont été effectivement exécutées selon les règles de l'art274. Le contrôle de conformité matérielle vise donc une proportionnalité entre les prestations et les sommes à

269 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des finalités du contrôle de la dépense publique au regard des nouvelles réformes de finances publiques camerounaises », op.cit., p. 1231.

270 Voir à cet effet l'article 2 de la loi no 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l'État du Cameroun (dont le régime de 2018 n'a pas explicitement abrogé).

271 BILOUNGA (Steve - Thiery), op.cit., p. 320.

272 Ibid.

273 Idem., p. 341.

274 Idem.

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décaisser. Mais en sus de cela, ce contrôle a aussi pour objectif le respect des standards qualitatifs.

La règle du service fait ne voudrait pas tout simplement signifier la réalisation physique d'un ouvrage ou d'une prestation. Autrement dit, la livraison d'un bien ou la prestation de service à elles seules ne suffisent pas pour parler d'effectivité275. Il y a effectivité si et seulement s'il existe une équivalence entre le service rendu et la quantité ou le montant des crédits à sortir de la fortune publique276. Ainsi donc, contrôler l'effectivité signifie tout d'abord, s'assurer que les prestations ou services réalisés sont équivalents des sommes que l'on apprête à sortir des caisses de l'État ou des CTD.

Ainsi, le but n'est pas d'appauvrir l'agent qui rend service à l'État ou à la collectivité territoriale par la réalisation des prestations, ni de l'État ou de la CTD qui bénéficie des prestations et paie la créance ainsi générée. Mais qu'il y a une sorte d'égalité ou équivalence entre les sommes et les prestations afin qu'aucune des parties ne soit lésée.

Le contrôle du respect des standards qualitatifs se justifie par le fait que, dans certaines situations et qui est d'ailleurs récurent au Cameroun, d'importantes sommes d'argent étaient décaissées sans une quelconque prestation en contrepartie277. On dira alors que le contrôle de l'effectivité a un double objectif. En dehors du fait qu'il doit veiller à l'équivalence, il doit également assurer que les prestations ont été physiquement réalisées selon les règles de l'art278. Notamment en respectant les critères et standards qualitatifs en rapport avec la réalisation des ouvrages ou des services des CTD.

Même si la règle du service fait est prise en compte par le comptable public, celle - ci demeure cependant assortie de dérogation.

B- Les exceptions à la règle du service fait

La règle du service fait dans le cadre du contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun stipule que les paiements ne peuvent être effectués que pour des services réellement fournis, des travaux effectivement réalisés, ou des biens effectivement livrés. Cependant, il existe des exceptions à cette règle pour répondre à certaines situations

275 HASSANA (Barnabas), op.cit., p. 1231.

276 Ibid.

277 Idem., p. 1232.

278 Guide Pratique du contrôle budgétaire élaboré par la Direction Générale du Budget, version de mars 2002, p.

40.

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spécifiques. Si la règle du service fait était aussi simple que d'aucuns le prétendent et si elle avait la valeur quasi - constitutionnelle (puisqu'il est question de protection des derniers publics) que les comptables publics lui prêtent sans le dire, alors on n'y toucherait qu'avec stupeur et tremblements279. On le fait au mieux par voie règlementaire - qui est effectivement le niveau, dans la hiérarchie des normes, auquel cette supposée « règle d'or » se situe - mais aussi et surtout par de simples circulaires et autres directives émanant de la direction de la comptabilité publique ou visées par elle280.

Au titre des aménagements textuels, on trouve naturellement le régime des avances du Code des marchés publics281, les acomptes, les dépenses d'urgence et les indemnités et autres dépenses obligatoires.

En ce qui concerne les avances, elles peuvent être accordées aux prestataires, fournisseurs, ou entrepreneurs dans le cadre des marchés publics pour faciliter l'exécution des travaux, la fourniture de biens ou de services. Ces avances sont généralement prévues dans les termes du marché et sont remboursables sur les paiements futurs.

S'agissant des acomptes, ils peuvent être versés en cours d'exécution des marchés publics, sur la base des prestations partiellement réalisées, après vérification et certification par les services compétents.

En cas d'urgence ou de force majeure, des dépenses peuvent être engagées et payées avant la réalisation complète du service ou la livraison des biens. Cela inclut les situations d'urgence, les catastrophes naturelles, ou tout autre évènement nécessitant une intervention rapide282.

Concernant les indemnités et autres dépenses obligatoires, certaines dépenses comme les indemnités, les pensions, et les traitements des agents publics peuvent être payées sans exigence préalable de service fait283.

Cependant, lorsque les règles régissant la régularité des opérations budgétaires ne sont pas respectées, la responsabilité des agents publics (agents publics internes aux CTD) chargés de l'exécution et du contrôle budgétaire local peut être engagée.

279 CLAMOUR (Guylain), TERNEYRE (Philippe), Financement et contrats publics, op.cit., p. 36.

280 Ibid.

281 Idem.

282 Idem.

283 Idem.

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SECTION II : L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE DES AGENTS
PUBLICS DU FAIT DES IRREGULARITES

L'engagement de la responsabilité des agents publics en raison des irrégularités budgétaires constitue un sujet d'une importance capitale dans le domaine de la gestion des finances publiques. Cette question soulève des enjeux majeurs en termes de transparence, d'intégrité et de bonne gouvernance. Fondée sur des principes juridiques stricts, cette responsabilité est encadrée par des mécanismes de contrôle rigoureux et peut entraîner des conséquences sévères pour les agents fautifs.

Ainsi, il convient d'analyser d'une part, la responsabilité financière et budgétaire des agents publics des CTD (Paragraphe I), et d'autre part, la responsabilité pénale des agents publics du contrôle de l'exécution du budget des CTD (Paragraphe II).

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