Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au camerounpar Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023 |
Paragraphe I : La conformitéLa conformité dans le cadre de la régularité des opérations budgétaires locales implique que les dépenses et les recettes des CTD soient strictement alignées sur les lois, les règlements et normes établis, garantissant ainsi une utilisation appropriée et justifiable des fonds publics. Cette conformité est surveillée par divers mécanismes de contrôle. Les agents et organes de contrôle de régularité jouent un rôle déterminant pour assurer la conformité formelle (A) et la conformité matérielle (B). A- La conformité formelleLa conformité formelle dans le cadre du contrôle de régularité est l'objectif poursuivi par les agents comme le comptable public et le contrôleur financier. Ces acteurs vérifient la régularité des opérations budgétaires, notamment le contrôle de la qualité de l'ordonnateur, le contrôle des pièces justificatives, etc. Le coeur du contrôle de la qualité de l'ordonnateur par le comptable public ne fait pas de difficulté : ainsi que l'indique la lettre de l'article 19 du décret de 2012, il s'agit de contrôler la qualité de l'ordonnateur qui a signé l'ordre de payer, adressé au comptable public, le « mandat » qui constitue l'ordonnancement247. Ce contrôle comprend trois points bien identifiés : d'abord, vérifier que le mandat est signé et par qui ; ensuite vérifier si le signataire a bien été nommé ordonnateur de la CTD ; si ce n'est pas le cas, vérifier si le signataire a reçu délégation de l'ordonnateur et si le mandat entre dans le champ de sa délégation248. La vérification de ce que l'engagement juridique a été pris par la personne juridiquement compétente pour engager la CTD ou un établissement peut en revanche, sembler pertinente et consistante : on peut estimer qu'il est du rôle du comptable public de bloquer une dépense correspondant à une subvention, un contrat, un recrutement, une prestation résultant d'un acte pris incompétemment. 247 DUTHEILLET DE LAMOTHE (Louis), « Étendu du contrôle de la qualité de l'ordonnateur par le comptable », G&FP, 2018/4, no 4, pp. 94 - 99, p. 94. 248 Ibid. 76 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun Mais un tel contrôle nous semble impossible : il se heurte frontalement au principe selon lequel les comptables : « n'ont pas le pouvoir de se faire juges de la légalité » des actes administratifs249. Le comptable public doit donc en principe tenir pour légaux les justificatifs qui lui sont donnés par l'ordonnateur, qu'il s'agisse de normes générales ou de décisions administratives non règlementaires. Le reste regarde le respect des contrôles prévus par la nomenclature, ce qui n'interdit pas d'ailleurs au comptable d'interpréter les actes qui lui sont fournis et de vérifier que les justificatifs sont précis, complets et cohérents. Les opérations de liquidation sont effectuées en principe à la demande des créanciers. Les ordonnateurs - liquidateurs, au vu des pièces justificatives, procèdent à la liquidation après vérification de ces pièces. Au Cameroun comme en France, le contrôle de la loi de finances repose sur le contrôle des pièces relatives aux opérations budgétaires250. Il ne s'agit pas ici de vérifier la juridicité ou la légalité des opérations financières, mais plutôt procéder au contrôle des pièces relatives aux opérations c'est - à - dire au recouvrement251. C'est ainsi que toute proposition d'engagement de la dépense par exemple quelle que soit sa nature (décret, arrêté, lettre de commande, contrat, etc.), doit être soumis au contrôleur avec des pièces justificatives. À ce titre, en tant qu'agent désigné par le ministre des finances pour garantir en ses lieux et place, l'orthodoxie dans l'exécution des budgets publics à travers des avis et visas, le contrôleur financier, assure à cet effet, la centralisation des opérations budgétaires des ordonnateurs auprès desquels il est placé, par une bonne tenue des fiches de suivi des engagements et des ordonnancements252. L'absence de visa du contrôleur financier est un cas de suspension absolue de paiement pour le receveur municipal. Le délai prévu pour l'apposition dudit visa est de 72 heures. Ce principe peut être atténué lorsque ce dernier a adressé une demande d'informations 249 CE, Sect., 1971 - 02 - 05, Ministre de l'économie et des finances c/ Sieur BALME, p. 105, « (...) qu'il résulte de ces dispositions que les comptables doivent exercer leur contrôle sur la production des justifications mais alors même qu'il leur appartient, pour apprécier la validité des créances, de donner aux actes administratifs une interprétation conforme à la règlementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ». 250 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des finalités du contrôle de la dépense publique au regard des nouvelles réformes de finances publiques camerounaises », op.cit., p. 1229. 251 Ibid. 247 « Le contrôleur financier : juge de la régularité et acteur essentiel dans la chaîne d'exécution du budget de l'État », Disponible en ligne sur https://www.dgb.cm/le-controleur-financier-juge-de-la-regularite-et-acteur-essentiel-dans-la-chaine-dexecution-du-budget-de-letat, op.cit. 77 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun ou de documents complémentaires. Dans ce cas, le délai est suspendu jusqu'à la production des informations et documents sollicités. Concrètement, le contrôle est rendu possible du fait de la transmission au contrôleur financier, de toutes les pièces justifiant l'engagement de la dépense. C'est ainsi que le contrôleur se livre alors à l'examen de la régularité juridique c'est-à-dire imputation des crédits et disponibilité des crédits. Ici, le contrôle est nécessairement plus formel que celui exercé au stade de l'engagement de la dépense253. Le contrôleur financier et comptable qui, sont les principaux intervenants dans le circuit se soucient accessoirement si la dépense engagée ordonnancée est légale, leur souci premier porte sur l'existence de certaines pièces précises qui sont des conditions sine qua none de la suite à donner a1 l'opération. C'est ainsi que le contrôleur vérifie certes la régularité du dossier de l'engagement de la dépense, de l'accréditation du gestionnaire du crédit, du niveau des prix dans la mercuriale lorsqu'il s'agit d'un marché public, de l'existence des crédits, mais surtout il assure que les pièces y relatives sont conformes. Dans d'autres pays, le visa d'engagement de la dépense publique est une exigence et par conséquence constitue la pièce maîtresse sur laquelle porte le contrôle financier à cette étape de la dépense du droit commun. Pour ce qui est des comptables par exemple, ils ne s'attèlent qu'à vérifier les pièces sanctionnant le passage dans les étapes précédentes d'engagement, de la liquidation et de l'ordonnancement. Outre la conformité formelle, la régularité budgétaire implique également la conformité matérielle. |
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