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Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au cameroun


par Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO
Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023
  

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SECTION II : L'EFFECTIVITE PARTIELLE DES JURIDICTIONS FINANCIERES

Le Cameroun dispose de plusieurs textes régissant le contrôle de l'exécution du budget des CTD. Malgré la création des juridictions financières spécialisées par ces textes, il ressort que certaines d'entre elles ne sont pas encore effective sur le territoire national : on parle de l'effectivité partielle des juridictions financières. Cette effectivité partielle implique non seulement, l'absence des juridictions financières spécialisées (Paragraphe I) et l'existence d'une juridiction de substitution : la Chambre administrative de la Cour suprême (Paragraphe II).

Paragraphe I : L'absence des juridictions financières spécialisées

L'absence des juridictions financières spécialisées dans le cadre du contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun pose de nombreux défis et limites à la gouvernance locale efficace. Cette absence se traduit par l'absence des tribunaux régionaux des comptes (A) et l'absence de la Cour des comptes (B).

A - L'absence des tribunaux régionaux des comptes

Au Cameroun, l'absence de mise en place effective des tribunaux régionaux des comptes a des implications significatives pour la gouvernance financière et la gestion des ressources publiques des collectivités territoriales décentralisées. Même si ces tribunaux ont été créés par la loi no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes, leurs missions sont provisoirement dévolues à la Chambre des comptes de la Cour suprême.

Malgré l'absence d'une mise en place effective des tribunaux régionaux des comptes au Cameroun, il existe une loi fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes à savoir : la loi no 2006/017 du 29 décembre 2006.

191 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire du Cameroun », op.cit.

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Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun

Au sens de l'article 41 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996, les tribunaux régionaux des comptes sont des juridictions inférieures192.

D'après l'article 3 de la loi no 2006/017, le tribunal régional des comptes est composé :

Au siège : d'un Président, de Présidents de section, de juges, de greffiers, de greffiers en service extraordinaire, de juges en service extraordinaire, d'auditeurs, d'auditeurs

stagiaires ; Au parquet : du Procureur Général près de la Cour d'appel du siège du tribunal,
des substituts du Procureur Général près de ladite Cour, des substituts du Procureur Général en service extraordinaire.

En ce qui concerne sa compétence, elle est aussi bien territoriale que matérielle. Relativement à sa compétence territoriale, d'après l'article 2 alinéa 2 de la loi no 2006/017, il est créé un tribunal régional des comptes par région et son siège est fixé au Chef - lieu de ladite région. Toutefois, suivant les nécessités de service, le ressort d'un TRC peut être étendu à plusieurs régions193.

Pour ce qui est de sa compétence matérielle, il ressort à l'article 9 de la loi précitée que le TRC est compétent194 pour contrôler et statuer sur les comptes publics des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de leurs établissements publics ; il est également compétent pour connaître des comptes qui lui sont attribués par la chambre des comptes de la Cour suprême ; enfin, il connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi195.

Autrement dit, Le contrôle de l'exécution du budget des CTD par les TRC repose sur un cadre juridique rigoureux. Ce cadre est défini par plusieurs textes législatifs dont la Constitution et les lois spécifiques sur le régime financier des CTD, qui établissent des règles de transparence et de responsabilité financière. Les TRC ont été institués pour s'assurer que les comptes publics des CTD sont gérés de manière régulière et sincère, contribuant ainsi à une meilleure gouvernance locale.

Les TRC jouent un rôle central en tant que juridictions inférieures, dans ce processus en examinant et en jugeant les comptes des CTD. Leur mission inclut la vérification de la

192 L'article 41 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dispose à cet effet que : « (...) Elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes... ».

193 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire du Cameroun », op.cit., p. 114.

194 Sous réserve des attributions de la chambre des comptes.

195 Ibid., p. 114.

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régularité des comptes, l'évaluation de la gestion des comptables publics, et la sanction des irrégularités. C'est dans cette perspective que les comptabilités de fait sont, outre l'administration, l'audit interne ou externe, l'audit de l'Institution Supérieure de Contrôle des Finances Publiques, découvertes par le tribunal régional des comptes196.

Les procédures de contrôle commencent par la transmission des comptes annuels des CTD aux TRC, suivi d'un examen préliminaire pour vérifier leur complétude. Les comptes sont ensuite instruits en détail, avec des auditions et des enquêtes complémentaires si nécessaire. Les TRC délibèrent ensuite sur les comptes et rendent des jugements197 qui peuvent inclure des recommandations ou des sanctions198. Ce processus détaillé garantit que chaque étape de la gestion financière des CTD est scrutée et corrigée si besoin.

Tout comme les tribunaux régionaux des comptes, la Cour des comptes, juridictions financière prescrite par la directive CEMAC de 2011 est jusqu'à nos jours non effective sur le territoire camerounais, pour apporter son expertise dans le cadre du contrôle budgétaire.

B - L'absence de la Cour des comptes

Si l'on en croit à Jean BODIN, « les finances publiques sont le nerf de la république »199. De ce point de vue, elles constituent le point névralgique de la chose publique, doivent être sécurisées et faire l'objet d'une gestion saine. Signe des temps, aujourd'hui, même le législateur communautaire est conscient de la nécessité d'une gestion orthodoxe des fonds publics. Cela étant, à la fin de son ouvrage relatif au contrôle de l'État sur le continent africain, (J.M) BRETON suggérait que les organisations sous régionales

196 Telle est la teneur de l'article 29 (1) de la loi no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes qui martèle en fait que : « Les comptabilités de fait sont découvertes, soit par l'administration, soit par un audit interne ou externe, soit par une mission d'audit de l'Institution de Contrôle Supérieure des Finances Publiques, soit par le Tribunal Régional des Comptes ».

197 En tant que juridiction inférieure, juridiction financière de premier degré, le tribunal régional des comptes rend des jugements qui peuvent être provisoires ou définitifs conformément à la loi no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.

198 Ainsi, le comptable public peut être l'objet de la sanction des responsabilités comme l'indique l'article 35 (1)

de la loi no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des

tribunaux régionaux des comptes dispose à cet effet que : « Le comptable public est présumé responsable

personnellement et pécuniairement :

- des défauts comptables constatés dans ses comptes ;

- de l'exercice des contrôles par la loi et les règlements ;

- du recouvrement des recettes et du paiement des dépenses régulièrement justifiées ;

- de la conservation des fonds et valeurs ;

- du maniement des fonds et mouvements de disponibilités ;

- de la tenue de la comptabilité de son poste. ».

199 Cité par BUISSON (Jacques), Finances publiques, Dalloz (15e éd.), 2012, p. 3.

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puissent jouer un rôle appréciable dans l'ancrage institutionnel des principes de contrôle des finances publiques200. C'est dans cette optique que le législateur communautaire a instauré des mécanismes de surveillance multilatérale des politiques budgétaires aux niveaux de la CEMAC201 et de l'UE. Faisant spécifiquement sienne la suggestion de (J.M) BRETON, le législateur communautaire CEMAC adopta deux générations de directives en matière de finances publiques. Les directives de première génération sont adoptées en 2008. L'adoption des directives de la seconde génération interviennent en 2011 pour remédier aux incohérences et insuffisances de celles de 2008 susvisées, et les abroger. Ces directives de 2011 prises en exécution de celle portant Code de transparence adoptée le 19 décembre 2011, sont au nombre de cinq (5) :

? La Directive no 01/1/11-UEAC-190-cm-22 relative aux lois de finances ;

? La Directive no 02/08-UEAC-190-CM portant Règlement général sur la comptabilité

publique ;

? La Directive no 03/03-UEAC-190-CM portant nomenclature budgétaire ;

? La Directive no 04/08-UEAC-190-CM-17 relative aux opérations financières de

l'État ;

? La Directive no 05/08-UEAC-190-CM-17 relative au plan comptable de l'État.

Au-delà du souci de l'harmonisation du droit public financier dans la zone CEMAC, l'adoption des directives précitées, visait en filigrane la promotion d'une gestion financière responsable au sein des États de cet espace communautaire. Il s'ensuit que l'éradication des maladies infantiles des finances publiques africaines202 : la corruption, le détournement des derniers publics et la gabegie, est l'un de ses objectifs primordiaux.

La directive CEMAC de 2011 relative aux lois des finances, compte tenu des innovations remarquables qu'elle recèle, aura particulièrement retenu l'attention de l'opinion publique nationale203. Sans être exhaustif, ces innovations sont : le renforcement du contrôle parlementaire des derniers publics, la consécration du budget programme, la démocratisation

200 OUEDRAOGO (Djibrihina), L'autonomisation des juridictions financières dans l'espace UEMOA : Étude sur l'évolution des Cours de comptes, Thèse pour le doctorat, Université de Montesquieu de Bordeaux IV, p. 43.

201 Pour des développements sur la question, lire (Daniel) AVOM et (Désiré) GBETNKOM, « La surveillance multilatérale des politiques budgétaires dans la zone CEMAC : bilan et perspectives », Monde et développement, no 123, 2003, pp. 107 - 125.

202 DIARRA (Éloi), « Pour un observatoire des finances publiques africaines », Afrilex, p. 2.

203 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun », G&FP, 2020/6 no 6, pp. 113 - 122., p. 114.

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des processus budgétaires et la prescription de la Cour des comptes comme ISC204.

Indéniablement, la prescription de la Cour des comptes comme ISC aux États membres de la CEMAC, est l'innovation la plus saisissante dans le domaine du contrôle des finances publiques. Cette prescription procède de l'article 72 de la Directive no 01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011. Cet article dispose en effet que : « Le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations est assuré par une Cour des Comptes qui doit être créée dans chaque État (...). Elle est l'Institution Supérieure de Contrôle dans chaque État ».

Afin que nul n'en ignore, on entend par ISC, l'organe de nature juridictionnelle ou non, indépendant et autonome des trois pouvoirs, qui, au sein d'un État, assure au niveau le plus élevé le contrôle de la gestion des finances publiques, et coordonne l'activité des autres organes de contrôle. Pour faire bref, « Les ISC sont des organes supérieurs qui veillent à ce que les actes financiers de l'administration fassent l'objet de suivi selon les normes comptables »205. Traditionnellement, chaque État a le droit de choisir librement sa forme d'ISC. C'est pourquoi il existe une diversité d'ISC dans le monde. La nature de l'ISC peut varier d'une culture juridique à l'autre. Classiquement, la doctrine distingue trois modèles d'ISC : le modèle juridictionnel ou latino206, le modèle anglo-saxon207 et le modèle allemand (mixte)208. En marge de ces trois modèles précités, il existe le modèle administratif en vigueur notamment au Cuba, au Mali et au Cameroun. Ici, ce sont les services du CONSUPE209/l'inspection générale de l'État qui tiennent lieu d'ISC.

Parallèlement à ces considérations, l'État de droit et la démocratie constituent les prémisses essentielles pour le contrôle indépendant des finances publiques210. Toute ISC ne peut prétendre être du niveau, que si elle est consacrée par une législation. L'existence

204 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun », op.cit.

205 GONZALE (B), ALLII, « Les ISC et leurs stratégies de communication », RISA, no 3, Vol. 4, 2008, p. 463.

206 Qui a pour ISC la Cour des comptes. Pratiquent ce modèle, la France, l'Espagne, le Portugal, le Bre2sil et la plupart des États francophones d'Afrique, etc.

207 Ici, l'ISC renvoie à un organe généralement rattaché au parlement, mais vis-à-vis duquel il est inde2pendant. Comme exemples d'ISC relevant de ce modèle, on peut citer : le National Audit Office (NAO) en Angleterre, le Vérificateur Général au Canada, Le Government Accountability Office (GAO) en Corée du Nord, l'Office National d'Audit en Chine et l'Auditeur Général en Inde.

208 Modèle mixte en ce qu'il combine des éléments d'ordre administratif et juridictionnel. Comme les juges fédéraux allemands, ses membres sont nommés à vie.

209 Au Cameroun, les services CONSUPE tiennent lieu d'ISC. Tel est l'objet de l'article 2 alinéa 1er du décret no 2013/287 du 04 septembre 2013 portant organisation des services du Contrôle supérieur de l'État qui dispose que « les services du Contrôle supérieur de l'État constituent l'institution supérieure de contrôle des finances publiques (ISC) du Cameroun. Ils sont chargés de l'audit externe ».

210 Déclaration de Lima cité par BATIA EKASSI Sandrine dans sa thèse de doctorat,

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d'institutions opérationnelles faisant l'objet d'une sécurité juridique devient donc un impératif, voire une nécessité dans les démocraties où prévaut « l'État de droit »211.

La déclaration de Lima précise à cet effet que « l'établissement des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques et le niveau d'indépendance qui leur est nécessaire doivent être précisés dans la Constitution. Les modalités peuvent être détaillées dans les textes de loi »212. L'existence d'un cadre constitutionnel et législatif approprié et l'application des dispositions de ce cadre sont donc des exigences formelles pour toute ISC qui se veut efficace213.

Au Cameroun, l'institution qui se rapproche réellement de ces exigences textuelles et qui semble vêtir la carrure d'une ISC, n'est que la Chambre des comptes de la Cour suprême214. On relèvera que la Cour des comptes prescrite par le droit communautaire CEMAC aura deux types de missions : les missions juridictionnelles et les missions non juridictionnelles. La directive CEMAC de 2011 met en exergue les missions de contrôle de la Cour des comptes. À ce titre, la Cour devra exercer deux types de mission de contrôle à savoir : les missions juridictionnelles et les missions non juridictionnelles.

En ce qui concerne les missions juridictionnelles, il faut noter que la Cour assurera le jugement et l'apurement des comptes publics, et sanctionnera les irrégularités constatées durant ses investigations sur le compte apuré215. Selon DESHEEMAEKER, pour la Cour, juger un compte c'est vérifier que le comptable public a rempli correctement sa tâche216.

D'évidence, si lors du jugement d'un compte, des irrégularités y sont constatées, la Cour doit par un jugement, mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du contrôlé217. Bien entendu, « Ce jugement ne tranche pas un litige, mais s'assure de

211 NGUELE ABADA (Marcellin), État de droit et démocratie : Contribution à l'étude de l'évolution politique et constitutionnelle au Cameroun, Thèse de doctorat en Droit Public (NR), Université de Paris 1 - Panthéon Sorbonne, janvier 1995, p. 4. (Une définition usuelle de l'État de droit entendu comme « soumission de l'État au droit »), cité par BATIA EKASSI Sandrine, p. 46.

212 Art. 3 de la Section 5 de la déclaration de Lima, p. 7. Citée par BATIA EKASSI Sandrine.

213 BATIA EKASSI (Sandrine), L'Institution supérieure de contrôle des finances publiques au Cameroun, Thèse de doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2015 - 2016, p. 46.

214 Ibid.

215 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun », op.cit., p. 114.

216 DESHEEMAEKER (Christian), « Changer les procédures juridictionnelles de la Cour : une réforme attendue et de grande ampleur », G&FP, no 10, octobre 2009, p. 700.

217 Les sanctions dont ils sont passibles devant cette Cour sont : les déchéances et les amendes (débets).

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l'accomplissement parfait d'une obligation répétitive »218. Un litige suppose la présence de deux parties devant le juge : le demandeur et le défendeur. Or, tel n'est pas le cas en matière d'apurement des comptes publics par le juge des comptes. En l'espèce, le comptable public défère juste ses comptes à ce dernier afin qu'il les juge.

A contrario, des procédures contentieuses des autres juridictions, il n'y a pas de débat contradictoire dans le contentieux devant le juge des comptes. Quoi qu'il en soit, après avoir jugé le compte, la Cour sous analyse, rendra un arrêt déclarant le compte contrôlé quitte, en avance ou en débet.

Fait notable, la Cour des comptes, objet de cette étude, est compétente pour contrôler y compris au plan juridictionnel les ordonnateurs219, et sanctionner les fautes de gestions commises par ceux-ci220. De la sorte, elle s'éloigne de la Cour des comptes française et de l'actuelle Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun, qui ne peuvent contrôler au sens juridictionnel du terme les ordonnateurs, ni sanctionner les fautes de gestions commises par eux. En France, ces fautes sont sanctionnées par la Cour de discipline budgétaire et financière. Au Cameroun, si la loi portant régime financier de l'État précitée, à travers son article 76, élargit la compétence de ladite chambre en lui permettant notamment de juger les fautes de gestion des ordonnateurs, en l'état actuel de la pratique du contrôle de l'exécution du budget dans ce pays, réprimées par le CDBF221.

C'est dire que la Cour des comptes prescrite au par le législateur CEMAC au États membres, au plan fonctionnel, s'assimile à une forme de fusion entre la Cour des comptes française et la Cour de discipline budgétaire et financière de l'hexagone.

218 VACHIC (J - P ), « La sauvegarde des droits de l'hommes en matière de jugement des comptes », in (Dir. Alexis DIPANDA MOUELLE et Maurice KAMTO), Justice, Procédures juridictionnelles et Protection des droits de l'homme en Afrique, p. 82.

219 En matière de dépense publique, les ordonnateurs principaux sont : les chefs des départements ministériels et des institutions constitutionnelles (Sénat, AN, Conseil économique et social, CC, etc.). En matière de recettes, le Ministre des finances est l'ordonnateur principal de l'État alors que les autres chefs de départements ministériels sont des ordonnateurs secondaires.

220 Ainsi qu'il ressort de l'article 74 de la Directive no 01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 : « Toute personne appartenant au cabinet d'un membre du gouvernement, tout fonctionnaire ou agent d'un organisme soumis à un titre quelconque au contrôle de la Cour des comptes et toute personne à qui est reproché un des faits énumérés à l'article 75 de la présente directive, peut être sanctionné pour faute de gestion ».

221 Fonctionnellement parlant, il est l'équivalent de la Cour de discipline budgétaire et financière au Cameroun.

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La Cour des comptes est avant tout juge de la sincérité des comptes publics222. Contrairement au juge pénal qui statue in rem et in persona, le juge des comptes se limite à la stricte appréciation des actes du comptable public. Il ne saurait, lors de l'appréciation de la responsabilité de ce dernier, tenir compte de sa personnalité au moment où il concevait le compte scruté. On dit alors que devant le juge des comptes, on a à faire à un contentieux subjectif223. C'est un truisme, la fonction sanctionnatrice de la Cour sous analyse la particularise des modèles d'ISC ne relevant pas du modèle latin. En effet, la Cour a le pouvoir de sanctionner les irrégularités avérées lors de ses investigations sur les comptes à lui déférés. Or, les modèles d'ISC allemand, anglo-saxon et de type CONSUPE n'ont pas de pouvoir sanctionnateur. Ils constatent juste des irrégularités et formulent des observations y afférentes224. À charge pour les organes sanctionnateurs compétents de tirer les conséquences de droit et de prononcer les sanctions le cas échéant. À titre d'exemple, l'ISC actuelle du Cameroun (CONSUPE) se limite à la constatation des irrégularités commises, lors de l'exécution du budget, par les ordonnateurs et autres agents publics hormis les comptables, dont la responsabilité disciplinaire et financière relève de la compétence de la Chambre de comptes de la Cour suprême225. Il incombe au CDBF de les sanctionner.

Au vu de sa fonction sanctionnatrice, sus relevée, la Cour risque bousculer certaines habitudes en matière de gestion des finances publiques. En fait, jusque-là en France et dans les États francophones d'Afrique, les ministres sont irresponsables sur le plan de la discipline budgétaire et financière. Note un auteur : « Il est couramment admis que les ministres ordonnateurs principaux doivent disposer d'une certaine latitude, d'une marge de manoeuvre pour décider de l'opportunité des dépenses à engager ; il sera donc inutile de les incomber de règles paralysantes et leur responsabilité est d'autant plus atténuée »226. Or, au regard de la Directive no 01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 : « En cas de faute de gestion telle que définie à l'article 75 de la présente directive, tous les ordonnateurs encourent, en raison de l'exercice de leurs attributions, les responsabilités que prévoit la constitution de chaque État, sans préjudice des sanctions prononcées par la Cour des comptes ».

222 Pour Christophe NYOBE NLEND, Chef de la Division de la Magistrature et des greffes à l'ENAM : « Le

juge des comptes est le juge de la sincérité des écritures comptables » (Cours d'Éthique et Déontologie du Magistrat, (Année académique 2012 - 2013).

223 PHILIP (Loïc), Finances publiques, les dépenses, le droit budgétaire et financier, Paris, Cujas, 2000, p. 353.

224 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du

Cameroun », op.cit., p. 115.

225 Ibid.

226 TOURE (Cheickna), « Le système de contrôle des finances publiques au Mali », Afrilex, no 4, 2004, p. 156.

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En marge des missions juridictionnelles de contrôle, la Cour des comptes devra exercer des missions non juridictionnelles de contrôle budgétaire. À ce titre, les missions non juridictionnelles de la Cour s'articulent autour de la fonction de conseil ou d'assistance des pouvoirs publics, d'information227, de contrôle de gestion, d'audit228, d'évaluation des performances ainsi que de certification de la régularité, de la fidélité et de la sincérité des comptes publics229. Le contrôle de gestion concerne l'ordonnateur. Il porte sur la qualité de la gestion de derniers publics. Il vise spécifiquement à s'assurer de l'utilité de la dépense publique qui a été prescrite par l'ordonnateur.

L'amélioration de la qualité de la dépense publique est l'une des finalités primordiales du juge financier. La future Cour des comptes, pour rationaliser la dépense publique, devra, au-delà des audits de régularité, réaliser des audits de performances. Ces derniers ont pour objet la vérification des écarts éventuels existants entre les moyens déployés et les objectifs atteints pour s'assurer que l'entité auditée a économisé ou non. Ce type d'audit s'assure donc du respect de la loi des trois « E » (efficacité, économie et efficience) par l'opération de la dépense scrutée230.

Malgré l'absence des tribunaux régionaux des comptes et de la cour des comptes, la chambre des comptes de la cour suprême officie en tant que juridiction de substitution.

Paragraphe II : L'existence d'une juridiction de substitution : la Chambre des comptes
de la Cour suprême

Contrairement à la chambre judiciaire et administrative de la Cour suprême qui n'ont pas de textes d'application et sont régies par une loi générale, la chambre des comptes est régie par une loi spéciale, la loi no 2003/005 du 21 avril 2003231 ses attributions, son organisation et son fonctionnement.

Elle est considérée comme une juridiction de substitution en raison l'ineffectivité des tribunaux régionaux des comptes et de la Cour des comptes sur le territoire national.

227 À travers la publication de ses rapports, elle informera les pouvoirs publics et l'opinion nationale sur les irrégularités commises lors de l'exécution du budget.

228 Il s'agit de l'audit de conformité, de l'audit de performance et de l'audit financier. Ce dernier consiste à déterminer si les états financiers sont fidèles.

229 À l'instar du compte général de l'État.

230 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun », op.cit., p. 116.

231 Loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême.

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Puisqu'elle exerce provisoirement des missions des juridictions susmentionnées, il convient d'analyser son organisation (A), avant de s'appesantir sur ses attributions (B).

A - L'organisation de la Chambre des comptes de la Cour suprême

La chambre des comptes de la Cour suprême, en tant que juridiction de substitution comprend :

- Une section de contrôle et de jugement des comptes des comptables des collectivités territoriales décentralisées et de leurs établissements publics, sous réserve des attributions dévolues aux juridictions inférieures des comptes ;

- Une section de contrôle et de jugement des comptes des entreprises du secteur public et parapublic ;

- Une section des pourvois232.

La chambre des Comptes est composée d'un siège, d'un Ministère Public et d'un greffe233.

En ce qui concerne le siège, il comprend : le Président de la Chambre ; les Présidents de section ; les conseillers ; les conseillers maîtres ; les conseillers référendaires ; les Auditeurs et les Auditeurs stagiaires234.

Les fonctions du Ministère Public sont exercées par le Procureur Général près de la Cour suprême235.

Le greffe de la chambre des comptes de la Cour suprême comprend : le greffier en chef de la Chambre des Comptes ; les greffiers des sections ; les greffiers236.

Toutefois, en dehors de son organisation, la Chambre des comptes de la Cour suprême a également des attributions en matière de contrôle budgétaire d'une manière générale, et particulièrement le contrôle de l'exécution du budget des CTD.

232 Art. 13 de la loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême.

233 Art. 14 de la loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême.

192 Ibid., Art. 15.

235 Loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême, op.cit., Art. 17.

236 Ibid., Art. 16.

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B - Les attributions de la Chambre des comptes de la Cour suprême

La juridiction des comptes présente au Cameroun est la structure constituée de tribunaux régionaux des comptes et de la Chambre des comptes de la Cour suprême. Encore non effectifs jusqu'à nos jours, les tribunaux régionaux des comptes consacrés par la loi du 29 décembre 2006, voient leurs attributions provisoirement exercées par la Chambre des comptes de la Cour suprême237. Cette dernière, assure conformément à la loi du 21 avril 2003 la certification des comptes des comptables publics de l'État, des établissements publics, des CTD et des entreprises publiques.

Dans ce sillage, la Constitution du 18 janvier 1996 de la République du Cameroun ordonne que la Cour suprême, est la plus haute juridiction en « matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes». Elle prévoit l'existence d'une Chambre des comptes au sein de cette juridiction. En vertu de l'article 41 de la Constitution, « la Chambre des comptes est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes publics de l'État et de tous ses démembrements notamment : les entreprises et les établissements publics ainsi que les collectivités territoriales décentralisées ». Elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes238.

Il convient d'abord de rappeler les attributions de la Chambre des comptes telles qu'elles figurent dans la Constitution, et d'analyser les transformations apportées par la loi de 2003, la loi de 2006, la loi de 2007 sur le régime financier de l'État ainsi que le décret de 2013 sur le Règlement Général de la Comptabilité Publique.

Ceci étant, le cadre juridique est posé par la loi no 2003/005 du 21 avril 2003 relative aux attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes de la Cour suprême, précise en substance que la fonction juridictionnelle de contrôle des comptes est son activité principale239. L'examen de la gestion, autre attribution traditionnellement reconnue à toute juridiction financière n'est malheureusement pas de son ressort.

237 « La juridiction des comptes : un acteur au service de la sincérité dans la gestion des finances publiques », Disponible sur https://rfp.cm/la-juridiction-des-comptes--un-acteur-au-service-de-la-sincerite-dans-la-gestion-des-finances-publiques/, Consulté vendredi, 7 juin 2024 à 15h42 min.

238 Ibid.

239 Idem.

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Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun

Structurée en sections, la Chambre des comptes est composée d'un Président, de présidents de sections, de conseillers et d'auditeurs. Le ministère public y est représenté par le Procureur Général et les magistrats sont nommés par décret du Président de la République.

Toutefois, la loi de 2003 a une compréhension restrictive, voire en recul ou en contradiction avec la Constitution. Elle réduit la compétence de la Chambre des comptes aux comptes des comptables publics patents ou de fait240. Cette malencontreuse écriture a amené certaines entreprises publiques et parapubliques ainsi que certaines sociétés d'économie mixte qui n'ont pas de comptable public à estimer qu'elles ne rentrent pas dans le champ de compétence de la Chambre des comptes241. Ce problème est aujourd'hui résolu pour la plupart des entreprises, grâce à une sensibilisation de la Chambre des comptes auprès des organes de gestion242.

La Chambre des comptes en tant que juridiction financière exerçant les missions de contrôle en lieu et place des tribunaux régionaux des comptes a donc pour mission d'assister le parlement dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances ; de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité du compte général de l'État ; de juger les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics, de contrôler la légalité financière et la conformité budgétaires de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l'État ; d'évaluer l'économie, l'efficacité et l'efficience de l'emploi des fonds publics au regard des objectifs fixés, des moyens utilisés et des résultats attendu ainsi que la pertinence et la fiabilité des méthodes, indicateurs et données permettant de mesurer la performance des politiques et administrations publiques.

240 « La juridiction des comptes : un acteur au service de la sincérité dans la gestion des finances publiques », Disponible sur https://rfp.cm/la-juridiction-des-comptes--un-acteur-au-service-de-la-sincerite-dans-la-gestion-des-finances-publiques/, op.cit.

241 Ibid.

242 Idem.

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