Le contrôle de l'exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au camerounpar Fabien Félicien Prosper NOAH AWONO Université de Yaoundé II - Master en Théorie et Pluralismes Juridiques 2023 |
B- Le Tribunal criminel spécialL'évocation de son nom seul fait sursauter bon nombre de gestionnaires des fonds publics. Le Tribunal criminel spécial, est devenu un véritable cauchemar pour certains hauts cadres de l'administration. On se souvient pourtant qu'à sa création, une bonne tranche de la population ne vendait pas cher la peau de cette juridiction, au regard de nombreuses critiques dont elle avait fait l'objet. L'un des reproches que les citoyens faisaient à ce tribunal était la discrimination basée sur le critère financier175. Aux termes de la loi mettant sur pied le TCS en effet, ne sont justiciables de cette juridiction que les justiciables suspectés d'avoir détourné les derniers publics à hauteur de cinquante millions (50 000 000) de FCFA au moins. Ceux au passif de qui sont mis des atteintes à la fortune publique inférieures à ce montant ne méritent pas l'attention du TCS. C'est le TGI et le TPI qui sont compétents pour juger ces « petits » présumés voleurs. 172 Idem. 173 Idem. 174 Idem. 175 TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel spécial au Cameroun », Disponible en ligne sur https://www.cabinettakam.com/index.php/le-cabinet//publications/165-le-tribunal-criminel-special-au-cameroun, Consulté jeudi le 6 juin 2024 à 20h17 min. 54 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun Avant l'entrée en vigueur de la loi instituant le TCS, toutes les affaires inhérentes aux indélicatesses avec la gestion de la fortune publique relevaient de plein droit de la compétence du TGI176. Certains n'ont pas compris où se trouvait la nécessité de créer un autre tribunal pour lutter contre les détournements de derniers publics. D'autres estimant que si l'efficacité de la protection des biens publics passait par la naissance d'une juridiction spéciale, il fallait alors que tous les cas de malversations financières publiques soient renvoyés devant cette nouvelle juridiction177. L'une des particularités du TCS est qu'il s'agit d'un tribunal statuant en premier et en dernier ressort. Ce qui signifie que ses jugements sont sans appel. Autrement dit, lorsque le TCS a rendu une décision, aucune voie de recours ordinaire n'est possible178. Ce qui constitue le principal reproche que bon nombre de spécialistes du droit pénal, et notamment les Avocats, font à cette juridiction. Dans l'ordonnancement juridique classique en effet, toute décision rendue par un tribunal doit pouvoir normalement faire l'objet d'appel. Cette voie de recours fondamentale en droit permet à celui qui, étant partie au procès, n'est pas satisfait du jugement rendu par le tribunal de porter l'affaire devant la Cour d'Appel territorialement compétente. C'est ce qu'on appelle le principe du double degré de juridiction179. En vertu de ce principe, l'affaire portée devant la juridiction d'appel, qui est une juridiction supérieure au tribunal, est à nouveau examinée, afin de voir si l'appel est fondé ou non. Avec cette particularité, qu'en appel, le dossier est jugé par les magistrats ayant plus d'expérience que ceux officiant au tribunal. Et non pas par un seul juge, mais par un collège d'au moins trois juges. Ce qui diminue sensiblement les risques d'erreurs judiciaires180. Et c'est probablement conscient de la réalité de ce risque que le législateur camerounais a prévu dans la loi régissant le TCS que toutes les affaires y soient jugées en collégialité. Étant entendu qu'après le verdict, aucun appel n'est recevable. Que faire donc si l'on n'est pas satisfait d'un jugement prononcé par le Tribunal criminel spécial ? 176 TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel spécial au Cameroun », op.cit. 177 Ibid. 178 Idem. 179 Idem. 180 Idem. 55 Le contrôle de l'exécution du budget des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun La loi en interdisant l'appel a néanmoins autorisé le pourvoi en cassation181. C'est une voie de recours ouverte contre toutes les décisions rendues en dernier ressort. Et qui permet à la partie ayant perdu le procès de porter l'affaire devant la Cour suprême. Cette voie de recours est extraordinaire, en ce sens qu'elle est sans effet sur la sentence prononcée, laquelle doit être exécutée malgré tout. De plus, le pourvoi en cassation ne doit pas être fondé sur les faits, mais essentiellement sur le droit. En d'autres termes, pour que le pourvoi soit recevable, il faut avoir indiqué clairement la disposition légale qui a été violée par la décision attaquée. C'est malheureusement la seule voie de recours dont disposent les justiciables du TCS. Il en résulte que la loi créant ce tribunal veut que ses décisions soient acceptées même si on n'est pas d'accord de l'appréciation que le tribunal a donnée aux faits. Toute chose qui contribue à faire craindre le TCS. Compte tenu du principe de double degré de juridiction, il ressort que les parties déboutées insatisfaites des jugements rendus par les juridictions inférieures, peuvent soit faire appel, soit pourvoir devant les juridictions supérieures. |
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