L'intelligence artificielle est actuellement dans une phase
d'essor, à la fois technologique et économique, et entraîne
avec elle la croissance de tout un marché. Le rythme de la recherche
scientifique s'est intensifié et le grand public commence tout
juste à saisir l'impact que ce nouvel outil peut avoir. Ce
rapport avait donc pour objectif de regarder la compatibilité de ce
nouveau secteur aux enjeux environnementaux pour lesquels la prise de
conscience croit tout autant.
Si de plus en plus d'acteurs s'intéressent à
l'intelligence artificielle et à ses potentialités, il en est de
même pour l'écologie. Il devient désormais rare de
considérer un projet sans s'intéresser à son impact, afin
de s'assurer de limiter ses coûts financiers, mais également
humains et environnementaux. Lorsque l'on regarde l'impact écologique de
l'intelligence artificielle, il est rapidement évident qu'une grande
partie du coût est lié au matériel utilisé. Si faire
fonctionner un algorithme nécessite une alimentation électrique,
il est impossible de négliger le poids que vont représenter les
serveurs, les ordinateurs, les capteurs, etc. Pour avoir des
performances croissantes, de plus en plus de données sont
utilisées et du matériel de plus en plus exigeant est
fabriqué (notamment avec le deep learning), ce qui va à
l'encontre des nécessités écologiques.
S'il est possible d'étudier la compatibilité
entre l'intelligence artificielle et l'écologie, il est indispensable de
prendre en compte le contexte dans lequel ces éléments
interagissent. Celui de la France, qui est également celui de l'Europe,
et dirigé par l'univers des startups. Alors que dans le reste du monde,
et notamment aux États-Unis, l'IA est guidée par les
géants du numérique (avec les MAAMA en tête), le vieux
continent voit plutôt son secteur porté par une
pluralité et une diversité de micro-acteurs.
Cette organisation originale permet de multiplier les
initiatives et l'innovation : elle est propice au développement de
solutions variées, avec des applications dans de nombreux domaines. En
revanche, cela limite sa structuration, et en fait un ensemble
protéiforme. Au sein de cette variété
d'entreprises résident alors deux lignes technologiques directrices :
l Le Green IT, dont l'objectif est
de penser l'IA et le matériel nécessaire différemment,
dans le but de limiter l'impact des pratiques;
l L'IT for Green, dont le concept
est de trouver des applications dans lesquelles l'IA peut apporter une solution
améliorant l'impact environnemental.
Dans les deux cas, l'essentiel est d'arriver au net zero
: le recours au nouvel outil ne doit pas avoir suscité plus
d'impact que la solution précédemment utilisée. Il est
donc indispensable, au-delà des développements scientifiques,
d'assurer la mesure des coûts des solutions proposées. Si un
système d'irrigation se met à être structuré
grâce à une intelligence artificielle mais que les
économies d'eau générées sont entièrement
consommées pour le rafraîchissement des data centers,
cette solution ne présente pas d'intérêt
écologique.
Dans l'idéal, le Green IT et l'IT for
Green sont conjointement mis en oeuvre pour réduire au maximum les
impacts. À l'heure actuelle, la majorité des startups sont
séparées entre ces
56/62
deux doctrines, et une minorité arrive à les
traiter conjointement. Pour autant, rares sont les entreprises qui sont
indifférentes à un des deux éléments, elles
définissent généralement une priorité, leur
permettant d'assurer la rentabilité de leur modèle. La
difficulté de ces petites structures réside donc dans leur
stabilité économique, dont les moyens réduits ne
permettent pas d'avoir un travail sur plusieurs dimensions en
parallèle.
En outre, il ne faut pas oublier que l'intelligence
artificielle est un sujet récent, dont le spectre est encore mal
défini. S'il reste compliqué d'appréhender ce que
l'intelligence artificielle sera demain, il faut comprendre que nous nous
appuyons actuellement sur ce que nous connaissons : le numérique.
L'essentiel du cadre économique et législatif dans lequel ces
entreprises évoluent s'appuie sur les modèles
développés dans les années 90 et 2000 pour l'informatique.
Le secteur manque donc cruellement d'un ancrage
dédié puisqu'il ne s'agit plus d'un nouveau
matériel mais bien d'une manière disruptive de fonctionner.
L'intelligence artificielle modifie à la fois le travail des
entreprises, mais également les pratiques des individus.
L'Union Européenne se positionne comme
précurseur mondial en proposant l'AI Act, mais réalise
également un saut dans l'inconnu. Il existe actuellement peu de labels,
ou de normes régissant l'intelligence artificielle dans le monde. Si
ceux-ci commencent à se développer pour les questions
d'éthique et de responsabilité sociale, nous sommes
encore loin d'avoir un cadre s'intéressant aux impacts environnementaux.
Cela interroge d'ailleurs sur la priorité qui est mise sur
l'écologie dans le développement de ces technologies. Le
Ministère de la Transition Ecologique et l'AFNOR commencent d'ailleurs
tout juste à s'approprier ce sujet dans le but de mettre en place un
ensemble de normes permettant d'avoir un référentiel en IA
frugale.
La jeunesse de ce secteur explique ses lacunes, notamment
à cause du manque de formation et de sensibilisation des acteurs
impliqués. Si bon nombre d'organisations veulent s'approprier
l'intelligence artificielle, peu d'entre elles disposent des outils et
compétences nécessaires pour le faire. Il est donc encore
difficile de manipuler ce sujet, et encore plus d'en déterminer les
impacts.
Or, de plus en plus d'acteurs veulent avoir un rôle
dans ce domaine. Qu'il s'agisse des grandes et des petites entreprises, des
structures privées ou publiques, les demandes se multiplient mais la
formation des individus ne va pas aussi vite. Ce secteur d'activité a
donc besoin de temps pour se structurer alors que pour l'instant aucune
organisation européenne ne semble leader sur le marché. Le fait
de ne pas disposer d'une ou plusieurs structures suffisamment massives et
disposant des compétences nécessaires maintient l'activité
désordonnée. En outre, les multinationales
déjà présentes imposent partiellement leur vision et leurs
pratiques. La majorité des startups dépendent de ces
entreprises et se voient donc contrainte de conserver de bonnes relations avec
elles.
Actuellement, la médiatisation dont
bénéficie l'intelligence artificielle génère une
effervescence des entreprises, mais également du grand public, dans le
but de s'approprier cette
57/62
nouvelle technologie. Il est avant tout indispensable de
regarder si cet engouement va persister sur le long terme, et si les
perspectives scientifiques permettent de considérer cette nouvelle
technologie comme disruptive.
Seuls les acteurs connaissant le sujet depuis plusieurs
années arrivent pour l'instant à prendre le recul
nécessaire pour s'interroger sur les impacts. On peut donc
espérer qu'une fois la vague de médiatisation passée, la
question des externalités liées à l'intelligence
artificielle va se poser. Si elle commence actuellement à émerger
dans le domaine de l'éthique, elle n'est presque pas présente
pour l'écologie. L'objectif à terme serait ainsi que l'IA
ne soit pas une solution systématique mais que son recours soit
réfléchi de manière à ce qu'elle ne soit
sollicitée que lorsque son impact est négatif.
Ainsi, une grande partie du changement nécessaire
à opérer pour aller dans le sens de l'écologie et de la
sobriété dépend des utilisateurs finaux, et non
exclusivement des startups, qui sont les créatrices de technologie. Leur
taille et leur diversité ne leur permettent pas d'avoir un discours
unique, et laisse la porte ouverte aux géants du numérique
américains. S'il est indéniable que cette variété
de petits acteurs permet un foisonnement de l'innovation,
à la fois dans le fonctionnement des modèles, dans le
matériel, et dans les applications, elle est également à
l'origine d'une instabilité économique qui empêche pour
l'instant la diffusion massive des impacts écologiques.
58/62
Liste des entreprises françaises
évoquées
ITfor Green:
Accenta : L'entreprise a pour objectif
d'utiliser l'intelligence artificielle pour optimiser l'utilisation du
géostockage et adapter son recours à la consommation
énergétique nécessaire. s
https://www.accenta.ai/
Eficia : L'entreprise a
développé des modèles d'analyse des données de
consommation pour réguler le fonctionnement des appareils de chauffage
et climatisation des bâtiments.
s https://eficia.com/
Firetracking : L'entreprise surveille des
forêts grâce à des analyses vidéo dans le but de
détecter des départs de feux, de les localiser et d'informer les
secours au plus vite.
s https://firetracking.io/
Qonfluens : L'entreprise de conseil en
environnement permet de réaliser des analyses afin d'étudier les
modélisations d'espaces, les risques environnementaux et l'analyse de
données en lien avec l'écologie.
s https://www.qonfluens.com/
Skyvisor : L'entreprise propose un
système d'inspection des éoliennes et panneaux solaires à
l'aide de drones équipés de caméras afin d'analyser les
images et anticiper la maintenance. s
https://fr.skyvisor.fr/
Ullmanna : L'entreprise a conçu un
robot pouvant reconnaître les plantes à désherber dans un
champ à partir d'images et guider des lames pour les retirer.
s https://www.ullmanna.eu/
Green IT :
DeepHawk : L'entreprise a créé un
algorithme de détection des défauts à partir d'analyse
d'images (classiques, rayons-X, thermiques, microscopiques...) sur les
chaînes de production. s
https://www.deephawk.ai/
Deepl : La startup allemande offre un outil de
traduction en ligne basé sur l'intelligence artificielle et dont les
serveurs se veulent de plus en plus éco-responsables.
s
https://www.deepl.com/fr/translator
Infogreen Factory : L'entreprise offre des
prestations de diagnostic, de conseil et de formation pour faciliter la mise en
place du numérique durable et éco-responsable.
s https://infogreenfactory.green/
Stratosfair : L'entreprise construit des
data centers qui sont pensés pour être vertueux et
implantés pour répondre aux besoins locaux. [Stratosfair a
été liquidée en 2023] s
https://lorient-technopole.fr/entreprises/stratosfair/