L'intelligence artificielle, bien que popularisée
depuis moins de dix ans, n'est pas un concept nouveau. Sa naissance est
généralement attribuée à l'Université de
Darthmouth en 1956, lors d'une conférence de John McCARTHY et Marvin LE
MINSKY. Même si les techniques ont largement évolué en
presque 70 ans, il n'en reste pas moins que le concept est le même :
comme son nom l'indique, l'objectif est de créer un système
capable de simuler l'intelligence humaine. Ce domaine scientifique à
part entière ne commencera alors à se développer que dans
les années 80. C'est à cette période que les performances
informatiques commencent à être remarquables, les puissances de
calcul augmentent, les temps d'exécution diminuent, et de nouvelles
perspectives apparaissent.
L'objectif de l'IA est simple : reproduire la machine avec la
meilleure capacité de réflexion connue, le cerveau humain. Les
travaux du domaine ont donc pour objectif de recréer les raisonnements
et les liens logiques faits naturellement par les hommes, dans le but de les
faire opérer par une machine afin de les accélérer
grâce à la puissance de l'informatique. Les chercheurs du domaine
partent donc du constat qu'un homme, à partir d'une phase
d'apprentissage, est ensuite capable de réfléchir en autonomie :
il faut donc apprendre à la machine (on parle alors de machine
learning).
En effet, un enfant ne sait pas ce qu'est un chien avant d'en
avoir observé plusieurs. Il va donc retenir que l'animal qu'il voit
correspond au mot «chien» et sera alors capable de le
reconnaître la prochaine fois qu'il en verra un. L'IA fonctionne de la
même manière : après avoir enregistré plusieurs
images présentant un chien, elle pourra, sur de nouvelles images,
attribuer le bon nom d'animal en retrouvant les principales
caractéristiques (museau, taille, queue...). C'est donc la
répétition qui permet l'apprentissage et qui limite les erreurs.
Plus le nombre
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d'exemples vus précédemment est important, plus
il sera facile de distinguer le chien du chat, en affinant la définition
des critères propres à chaque espèce.
Lorsqu'arrive enfin la phase de test où un animal se
présente, chaque critère va être interrogé pour
vérifier si les caractéristiques observées ressemblent
bien à celles d'un chien, comme dans les exemples
précédemment étudiés. Parfois, le résultat
sera évident, mais parfois le doute persistera : est-ce un loup ou un
chien ? Pour trancher et décider de la réponse à donner,
chaque élément identifié comme une caractéristique
clé du chien va alors être évalué, et sa
ressemblance à ce qui est déjà connu va être
quantifiée par le biais d'une probabilité. L'agrégation de
ces probabilités permettra donc de donner une réponse : 'il
s'agit d'un chien, et ce résultat est sûr à 96%». La
seule différence avec le cerveau humain est donc que la machine
quantifie le résultat, plutôt que d'y répondre
instinctivement. Il y a donc une probabilisation des scénarios.
Le concept d'intelligence artificielle part donc du principe
qu'il est possible de reproduire le processus d'apprentissage de l'homme afin
de résoudre des problèmes en s'appuyant sur une machine. Mais sa
progression récente est liée à un nouveau concept
informatique arrivant dans le machine learning : il s'agit de la
naissance du deep learning depuis les années 2000. Cette
nouvelle technologie permet d'appréhender des éléments
plus complexes, en multipliant les phases d'apprentissages s'attardant sur
différents niveaux de détails. En effet, elle va fonctionner par
couche, où chaque couche va regarder des nouvelles
caractéristiques, allant du plus général ('est-ce un
animal ?») au plus spécifique ('la forme de ses yeux
correspond-elle à celle d'un chien ?»).
Cette découverte, notamment liée au chercheur
français Yann LECUN permet d'utiliser l'IA dans de nouveaux domaines,
avec un besoin de haute précision (comme l'analyse de radiographies par
exemple). Toutefois, il n'en reste pas moins que la reconnaissance d'un
élément ne pourra se faire que lorsqu'un apprentissage
poussé sera effectué, sur un grand nombre de données
préalables. La quantité de données à traiter pour
apprendre reste, pour l'instant, plus importante que celle d'un cerveau humain,
mais la puissance actuelle des ordinateurs tend à faire diminuer le
temps accordé à cette phase.
Afin de clarifier les propos, dans ce mémoire,
nous désignerons les programmes nécessitant d'une phase
d'apprentissage comme de l'intelligence artificielle.
1.2.2. L'IA au service de l'écologie : la
technologie comme facilitateur de la
protection environnementale
Il a bien souvent été constaté que la
machine la plus performante actuellement était le cerveau humain : sa
capacité de réflexion est inédite, et représente
une réelle opportunité dans un monde du 'toujours plus». En
effet, compte tenu des capacités multisectorielles permises par le
cerveau, transposer ce fonctionnement dans une machine afin d'accroître
son efficacité et sa rapidité ne semble que
bénéfique.
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Dans un monde confronté à des défis
environnementaux croissants, l'intelligence artificielle émerge comme un
outil puissant et innovant pour soutenir les efforts de préservation de
l'environnement et de lutte contre le changement climatique. L'exploitation de
l'intelligence artificielle dans des domaines où l'évaluation
quantitative et qualitative est nécessaire peut donc permettre
d'améliorer l'efficacité et l'impact des actions
écologiques. Il est ainsi possible de classer les thématiques de
travaux selon trois axes : la surveillance, la gestion et la
modélisation des ressources naturelles et de leurs usages.
L'IA se développe ainsi de plus en plus dans le
domaine de la surveillance environnementale en permettant d'automatiser la
collecte, l'analyse et l'interprétation des données, même
en grand nombre. Grâce aux technologies d'apprentissage automatique, les
drones équipés de capteurs peuvent survoler les zones sensibles,
comme les forêts, des captures peuvent mesurer les
caractéristiques de certains milieux, comme l'océan ou l'air,
afin de détecter d'éventuels changements ou dépassements
de seuils d'alertes. Dans ce cadre, l'IA a donc un rôle de
prévention, pour identifier, au plus tôt, des
dérèglements afin d'agir rapidement sur les conséquences
qu'ils peuvent engendrer. Cette surveillance proactive permet une
réaction plus efficace aux menaces environnementales et facilite la
prise de décisions pour la conservation et la gestion durable des
écosystèmes.
Une application en forte expansion est par exemple le domaine
d'activité de la startup Firetracking, spécialisée en
prévention des incendies. L'entreprise a ainsi développé
un modèle d'IA pour la détection des fumées et
départs de feux sur des images vidéo afin de les localiser et
prévenir les secours au plus vite dans le but de limiter les dommages.
Ce concept a été déployé en Nouvelle
Calédonie pour limiter les conséquences des incendies et met donc
à profit les capacités d'apprentissage de l'IA.
En matière de gestion des ressources, l'IA peut
également être présentée comme un atout pour
optimiser l'utilisation durable des ressources naturelles. Les systèmes
d'IA analysent les schémas de consommation, identifient les
inefficacités et proposent des solutions innovantes pour réduire
les déchets et minimiser l'impact environnemental. Ce type de
technologies se retrouve par exemple dans le domaine de la gestion
énergétique des bâtiments. C'est notamment ce que propose
Eficia, dont l'approche est présentée dans l'interview
effectuée avec Faustin DUBUIS en annexe 3, en analysant les besoins des
infrastructures pour ensuite réguler les systèmes de chauffage et
climatisation de manière autonome. Cette approche permet, à
l'aide de capteurs installés sur les sites, d'anticiper les besoins, de
façon à n'allumer les dispositifs que lorsque cela est
nécessaire afin de limiter leur fonctionnement, très
énergivore.
De plus, l'IA contribue à la modélisation
environnementale en développant des modèles permettant de
prédire l'évolution des phénomènes. En analysant de
vastes ensembles de données climatiques, géographiques et
biologiques, les algorithmes peuvent alors anticiper le comportement des
écosystèmes et les impacts des activités humaines. Ces
modèles aident les scientifiques et les décideurs à mieux
comprendre les dynamiques environnementales, à
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anticiper les changements futurs et à concevoir des
stratégies d'adaptation et d'atténuation efficaces. La
modélisation peut prendre des formes variées, comme les
trajectoires de températures régulièrement mises à
jour par le GIEC appuyées uniquement sur des statistiques, ou des
travaux de prospection comme peut le faire la startup Qonfluens. Ces derniers
travaillent à la description des dynamiques de population et
d'écotoxicité9 pour tenter de prédire par
exemple la pollution des sols dans plusieurs années ou l'impact sur la
biodiversité présente. L'IA va donc au-delà de la
surveillance, mais devient ainsi un outil permettant d'informer sur
d'éventuels dommages à venir afin d'en prévenir les causes
au plus tôt.
Par ces approches, l'intégration de l'intelligence
artificielle dans les initiatives écologiques représente une
opportunité transformative pour accélérer les
progrès vers un avenir plus durable. En exploitant les capacités
de ces systèmes informatiques en matière d'analyse des
données, il devient possible de renforcer les actions environnementales,
afin de mieux préserver la biodiversité et contribuer à
atténuer les effets du changement climatique. L'IA au service de
l'écologie ouvre la voie à des solutions novatrices, qui exploite
des technologies au champ d'application très large. Ce secteur encore
jeune est, en outre, amené à évoluer dans les prochaines
années pour gagner en performance, ce qui pourra alors permettre le
développement de dispositifs plus précis et dans des secteurs
pour l'instant non-exploités (comme le tri de déchet ou la
gestion du stress hydrique10, peu développés avec l'IA
aujourd'hui).
Cette convergence entre l'intelligence artificielle et
l'écologie marque le début d'une nouvelle ère où la
technologie devient un allié potentiel dans la lutte pour la
durabilité environnementale. Toutefois, la mise en oeuvre d'un tel plan
reste à exécuter et il est central d'identifier les acteurs de ce
changement. En France et en Europe, la dynamique d'innovation se voit largement
portée par les nombreuses startups se développant. Cela interroge
donc sur les qualités que présentent ces structures pour mener de
tels chantiers.