Depuis plusieurs années, l'écologie est devenue
un critère central dans les systèmes de prise de décision.
Si la conscience écologique grandit progressivement dans la
société, elle n'est pour autant pas toujours le premier
critère d'évaluation. Or les dérèglements
environnementaux se font de plus en plus nombreux et les experts, tels que ceux
du GIEC (Groupes Intergouvernemental d'Experts sur l'évolution du
Climat), insistent pour dire que cet enjeu doit devenir crucial si l'on veut
s'assurer de disposer d'un monde soutenable pour les prochaines
années.
Le concept d'écologie naît au XIXème
siècle, grâce au biologiste allemand Ernest HAECKEL, s'appuyant
sur l'alliance grecque des mots «oikos» («maison» ou
«habitat») et «logos» («connaissance» ou
«raison»). A l'origine une science, l'écologie s'invite au fil
de son histoire dans la sphère politique, grâce à son lien
avec le bien-être des Hommes. Ce n'est qu'à la moitié du
XXème siècle que les premières considérations
alarmistes apparaissent, notamment faisant suite aux conséquences des
bombes nucléaires de la Seconde Guerre Mondiale. Ces
événements marquants illustrent alors la fragilité de
notre environnement et sa nécessité pour notre survie. Les
premières interrogations apparaissent alors : toutes les
activités humaines sont-elles acceptables?
C'est dans ce contexte que l'écologie telle que nous la
connaissons aujourd'hui apparaît. Les enjeux deviennent explicites
à la suite du rapport Meadows de 1972 : des premières
trajectoires sont modélisées pour évaluer l'avenir du
système Terre. Les travaux de recherche dans le domaine se sont
multipliés depuis, aboutissant notamment à ceux de Johan
ROCKSTROM et Will STEFFEN présentant les limites
planétaires6.
L'idée de cette étude est qu'il existe neuf
limites planétaires définissant les ressources et le
fonctionnement de notre planète et dont le dépassement conduit
à un basculement irréversible de l'équilibre
écologique mondial. Cette analyse permet de regarder les implications
des activités humaines sur les
écosystèmes, et interroge ainsi sur les conditions de vie sur
Terre sur le régime de l'Holocène7. Les limites
établies sont les suivantes :
l Nouvelles pollutions chimiques;
l Changement climatique (concentration de CO2 / forçage
radiatif);
l Intégrité de la biosphère
(diversité génétique / diversité fonctionnelle);
l Changement d'usage des sols;
l Cycle de l'eau douce (eau bleue / eau verte);
l Perturbation des cycles biogéochimique (P/N) ;
l Acidification des océans;
l Concentration atmosphérique en aérosols;
l Appauvrissement de l'ozone stratosphérique.
Aujourd'hui, sur les neuf limites planétaires
établies, six ont déjà été
dépassées, ce qui interroge sur la viabilité de la
planète dans les années à venir, et sur la capacité
de l'Homme à autoréguler ses pratiques. Au-delà de ce
constat, il est également important de penser que les limites sont
étroitement liées, et peuvent s'impacter mutuellement. Les
solutions doivent donc être globales, afin de ne pas tenter
d'améliorer une dimension au détriment d'une autre.
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Figure 1 : Evolution des limites planétaires entre 2009
et 2023 [Source : RICHARDSON, 2023]
En effet, en restant sous le seuil de ces limites
planétaires, une autorégulation des systèmes
environnementaux est possible. Le dépassement d'un des seuils peut alors
causer des dégâts irréversibles, entraînant
eux-mêmes des conséquences dramatiques. Une bonne illustration de
ce mécanisme est par exemple le cas de pergélisol, un sous-sol
gelé en permanence et couvrant environ 20% de la surface de la
planète. Le réchauffement mondial entraîne sa fonte, et
cette glace expulse alors des quantités importantes de méthane,
un gaz à effet de serre qui va également contribuer à
l'augmentation des températures. Un cycle de dommages est alors
enclenché.
7 L'Holocène correspond à l'ère
géologique des 11 000 dernières années,
particulièrement favorable à la vie sur Terre.
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Le GIEC a donc décidé depuis plusieurs
années de prendre le rôle de lanceur d'alerte, en
établissant des rapports successifs présentant la situation
actuelle, les prévisions et les leviers d'action. Dans son
sixième rapport, des conséquences sont présentées
dans de nombreux secteurs, parmi lesquelles il est possible de retrouver:
l L'intensification d'événements
météorologiques extrêmes;
l La disparition locale d'espèces animales et
végétales impactant la biodiversité ;
l L'augmentation de la mortalité et de la
morbidité liées à la chaleur;
l L'accroissement des pénuries d'eau pendant certaines
parties de l'année.
Pour limiter ces effets, le GIEC établit donc des
scénarios plus ou moins optimistes sur l'évolution des
températures mondiales. Le célèbre objectif d'une
augmentation inférieure à 2°C d'ici 2100, acté par
l'accord de Paris sur le climat, paraît même insuffisant pour
conserver un mode de vie considéré comme 'agréable»
d'après les études effectuées. Or, les trajectoires
actuelles donnent plutôt une tendance à 3,2°C, soit bien
supérieure à l'objectif fixé. Cette évolution
incite donc de plus en plus la société civile à
s'interroger sur la viabilité des années à venir. Les
études scientifiques unanimement alarmistes sont de plus en plus
écoutées, mais n'engendrent pour l'instant pas suffisamment
d'action pour changer la trajectoire du centenaire. Les initiatives se
multiplient donc, même si leur effet est pour l'instant peu impactant,
dans le but d'aller à contre-sens des scénarios et pour garantir
la qualité de vie sur Terre.
1.1.2. L'envie et la nécessité
d'agir
Les constats cités précédemment se
suffisent à eux-mêmes pour prouver la gravité de la
situation et la nécessité de trouver des solutions. Le concept
d'urgence climatique raisonne désormais de plus en plus, illustrant la
nécessité d'agir afin d'éviter des effets de cascades,
rendant plus difficiles la vie sur Terre. Comme le souligne Audrey BOEHLY,
ingénieure et journaliste en écologie, 'Il nous faut
réduire notre empreinte écologique : nous produisons davantage de
pollution que la nature ne peut en absorber, et nous consommons
trop»8.
Ainsi, de plus en plus d'initiatives apparaissent dans la
société afin de mobiliser des forces variées pour tenter
de mettre un terme aux dommages environnementaux, en agissant auprès
d'acteurs multiples (citoyens, pouvoirs publics, entreprises, médias,
etc.). Les actions sont de différentes natures, allant de la
sensibilisation à la désobéissance civile, en passant par
le lobbyisme. Or, il est indéniablement difficile de demander à
chacun de changer ses habitudes pour une raison dont il ne verra pas les
conséquences à court terme. La difficulté réside
donc dans l'acte de convaincre de l'importance d'agir.
Le passage à l'action n'est pas systématique
mais plusieurs études démontrent que la conscience
écologique progresse dans la société. En effet, comme le
prouve le graphique ci-dessous pour le cas du réchauffement climatique,
la prise de conscience prend de l'ampleur dans la société civile,
et la thématique environnementale est une préoccupation
grandissante des dernières années.
8 NASTASIA Michaels. Quelles sont les limites
planétaires et à quoi servent-elles ? GEO. 05/06/2023.
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Figure 2 : Evolution de la préoccupation liée au
réchauffement climatique [Source : INSEE/CEPREMAP, 2022]
Toutefois, force est de constater qu'il subsiste une
disparité importante dans la population concernant le degré
d'intérêt pour l'écologie. Certains acteurs n'acceptent pas
cette lenteur d'action, conscient de l'urgence de la situation. C'est pour cela
que les initiatives sur le sujet se multiplient, se présentant
essentiellement sous trois axes majeurs :
l La formation, dans le but d'aider à la prise de
conscience sociétale pour la compréhension des
phénomènes et de l'urgence liée;
l La mobilisation individuelle et collective, ayant pour but
d'influencer des décisions;
l Le développement de solutions alternatives, ayant
pour but de remplacer le fonctionnement actuel de notre société
en imposant des moyens durables et responsables.
Toutefois, ce qui interroge reste le troisième axe :
est-ce qu'agir se limite à trouver des substituts durables ? Intervient
alors la question de la sobriété. Au-delà de la
volonté de faire autrement, il subsiste la possibilité de ne pas
faire, ou d'en faire moins. L'exemple souvent utilisé à cet effet
est celui de l'alimentation : est-il nécessaire de manger de la viande
rouge à chaque repas ? Plusieurs options sont alors possibles :
remplacer par la viande blanche et le poisson, devenir flexitarien ou
végétarien, voire végétalien.
Pour cela, de nombreuses entreprises oeuvrent pour
développer des solutions technologiques permettant de choisir parmi les
options possibles. Faire autrement n'est pas toujours évident, si
l'exemple de la viande est parlant, c'est parce que les alternatives sont
déjà existantes. Pour autant, il existe de nombreux cas où
trouver une autre voie demande un réel travail de recherche. Cet
objectif nouveau, le fait de proposer de nouvelles possibilités, devient
de plus en plus un marché : celui des solutions
«éco-responsables».
C'est par exemple le travail que cherche à faire la
startup Ullmanna : pour éviter le recours systématique aux
pesticides dans l'agriculture, un robot a été
développé pour analyser les images des champs, reconnaître
les plantes à désherber, et guider ensuite des lames pour les
retirer. Il n'y a ainsi aucun recours à des solutions chimiques
fortement polluantes.
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Pour aborder les problèmes sous un nouvel angle, comme
le fait Ullmanna, le recours à une technologie inédite peut
parfois apporter de nouvelles idées. Les champs d'application
particulièrement vastes de l'intelligence artificielle en font donc un
outil de choix. Son essor récent, grâce à des performances
et une visibilité inédites, incite donc une multiplicité
d'acteurs à s'intéresser à ces nouvelles approches pour
trouver des réponses innovantes aux problématiques
environnementales.