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IA et startups: une technologie et un modèle économique à  façonner autour de l'écologie


par Sibyline MOUKARZEL
Sciences Po Rennes - Master Management des Organisations et des Projets 2024
  

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1.1. Un contexte favorable : l'urgence écologique

Depuis plusieurs années, l'écologie est devenue un critère central dans les systèmes de prise de décision. Si la conscience écologique grandit progressivement dans la société, elle n'est pour autant pas toujours le premier critère d'évaluation. Or les dérèglements environnementaux se font de plus en plus nombreux et les experts, tels que ceux du GIEC (Groupes Intergouvernemental d'Experts sur l'évolution du Climat), insistent pour dire que cet enjeu doit devenir crucial si l'on veut s'assurer de disposer d'un monde soutenable pour les prochaines années.

1.1.1. Le constat écologique : que se passe-t-il?

Le concept d'écologie naît au XIXème siècle, grâce au biologiste allemand Ernest HAECKEL, s'appuyant sur l'alliance grecque des mots «oikos» («maison» ou «habitat») et «logos» («connaissance» ou «raison»). A l'origine une science, l'écologie s'invite au fil de son histoire dans la sphère politique, grâce à son lien avec le bien-être des Hommes. Ce n'est qu'à la moitié du XXème siècle que les premières considérations alarmistes apparaissent, notamment faisant suite aux conséquences des bombes nucléaires de la Seconde Guerre Mondiale. Ces événements marquants illustrent alors la fragilité de notre environnement et sa nécessité pour notre survie. Les premières interrogations apparaissent alors : toutes les activités humaines sont-elles acceptables?

C'est dans ce contexte que l'écologie telle que nous la connaissons aujourd'hui apparaît. Les enjeux deviennent explicites à la suite du rapport Meadows de 1972 : des premières trajectoires sont modélisées pour évaluer l'avenir du système Terre. Les travaux de recherche dans le domaine se sont multipliés depuis, aboutissant notamment à ceux de Johan ROCKSTROM et Will STEFFEN présentant les limites planétaires6.

L'idée de cette étude est qu'il existe neuf limites planétaires définissant les ressources et le fonctionnement de notre planète et dont le dépassement conduit à un basculement irréversible de l'équilibre écologique mondial. Cette analyse permet de regarder les implications

6 ROCKSTRÖM, Johan, STEFFEN, Will, NOONE, Kevin, et al. Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity. Ecology and society, 2009, vol. 14, no 2.

des activités humaines sur les écosystèmes, et interroge ainsi sur les conditions de vie sur Terre sur le régime de l'Holocène7. Les limites établies sont les suivantes :

l Nouvelles pollutions chimiques;

l Changement climatique (concentration de CO2 / forçage radiatif);

l Intégrité de la biosphère (diversité génétique / diversité fonctionnelle);

l Changement d'usage des sols;

l Cycle de l'eau douce (eau bleue / eau verte);

l Perturbation des cycles biogéochimique (P/N) ;

l Acidification des océans;

l Concentration atmosphérique en aérosols;

l Appauvrissement de l'ozone stratosphérique.

Aujourd'hui, sur les neuf limites planétaires établies, six ont déjà été dépassées, ce qui interroge sur la viabilité de la planète dans les années à venir, et sur la capacité de l'Homme à autoréguler ses pratiques. Au-delà de ce constat, il est également important de penser que les limites sont étroitement liées, et peuvent s'impacter mutuellement. Les solutions doivent donc être globales, afin de ne pas tenter d'améliorer une dimension au détriment d'une autre.

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Figure 1 : Evolution des limites planétaires entre 2009 et 2023 [Source : RICHARDSON, 2023]

En effet, en restant sous le seuil de ces limites planétaires, une autorégulation des systèmes environnementaux est possible. Le dépassement d'un des seuils peut alors causer des dégâts irréversibles, entraînant eux-mêmes des conséquences dramatiques. Une bonne illustration de ce mécanisme est par exemple le cas de pergélisol, un sous-sol gelé en permanence et couvrant environ 20% de la surface de la planète. Le réchauffement mondial entraîne sa fonte, et cette glace expulse alors des quantités importantes de méthane, un gaz à effet de serre qui va également contribuer à l'augmentation des températures. Un cycle de dommages est alors enclenché.

7 L'Holocène correspond à l'ère géologique des 11 000 dernières années, particulièrement favorable à la vie sur Terre.

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Le GIEC a donc décidé depuis plusieurs années de prendre le rôle de lanceur d'alerte, en établissant des rapports successifs présentant la situation actuelle, les prévisions et les leviers d'action. Dans son sixième rapport, des conséquences sont présentées dans de nombreux secteurs, parmi lesquelles il est possible de retrouver:

l L'intensification d'événements météorologiques extrêmes;

l La disparition locale d'espèces animales et végétales impactant la biodiversité ;

l L'augmentation de la mortalité et de la morbidité liées à la chaleur;

l L'accroissement des pénuries d'eau pendant certaines parties de l'année.

Pour limiter ces effets, le GIEC établit donc des scénarios plus ou moins optimistes sur l'évolution des températures mondiales. Le célèbre objectif d'une augmentation inférieure à 2°C d'ici 2100, acté par l'accord de Paris sur le climat, paraît même insuffisant pour conserver un mode de vie considéré comme 'agréable» d'après les études effectuées. Or, les trajectoires actuelles donnent plutôt une tendance à 3,2°C, soit bien supérieure à l'objectif fixé. Cette évolution incite donc de plus en plus la société civile à s'interroger sur la viabilité des années à venir. Les études scientifiques unanimement alarmistes sont de plus en plus écoutées, mais n'engendrent pour l'instant pas suffisamment d'action pour changer la trajectoire du centenaire. Les initiatives se multiplient donc, même si leur effet est pour l'instant peu impactant, dans le but d'aller à contre-sens des scénarios et pour garantir la qualité de vie sur Terre.

1.1.2. L'envie et la nécessité d'agir

Les constats cités précédemment se suffisent à eux-mêmes pour prouver la gravité de la situation et la nécessité de trouver des solutions. Le concept d'urgence climatique raisonne désormais de plus en plus, illustrant la nécessité d'agir afin d'éviter des effets de cascades, rendant plus difficiles la vie sur Terre. Comme le souligne Audrey BOEHLY, ingénieure et journaliste en écologie, 'Il nous faut réduire notre empreinte écologique : nous produisons davantage de pollution que la nature ne peut en absorber, et nous consommons trop»8.

Ainsi, de plus en plus d'initiatives apparaissent dans la société afin de mobiliser des forces variées pour tenter de mettre un terme aux dommages environnementaux, en agissant auprès d'acteurs multiples (citoyens, pouvoirs publics, entreprises, médias, etc.). Les actions sont de différentes natures, allant de la sensibilisation à la désobéissance civile, en passant par le lobbyisme. Or, il est indéniablement difficile de demander à chacun de changer ses habitudes pour une raison dont il ne verra pas les conséquences à court terme. La difficulté réside donc dans l'acte de convaincre de l'importance d'agir.

Le passage à l'action n'est pas systématique mais plusieurs études démontrent que la conscience écologique progresse dans la société. En effet, comme le prouve le graphique ci-dessous pour le cas du réchauffement climatique, la prise de conscience prend de l'ampleur dans la société civile, et la thématique environnementale est une préoccupation grandissante des dernières années.

8 NASTASIA Michaels. Quelles sont les limites planétaires et à quoi servent-elles ? GEO. 05/06/2023.

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Figure 2 : Evolution de la préoccupation liée au réchauffement climatique [Source : INSEE/CEPREMAP, 2022]

Toutefois, force est de constater qu'il subsiste une disparité importante dans la population concernant le degré d'intérêt pour l'écologie. Certains acteurs n'acceptent pas cette lenteur d'action, conscient de l'urgence de la situation. C'est pour cela que les initiatives sur le sujet se multiplient, se présentant essentiellement sous trois axes majeurs :

l La formation, dans le but d'aider à la prise de conscience sociétale pour la compréhension des phénomènes et de l'urgence liée;

l La mobilisation individuelle et collective, ayant pour but d'influencer des décisions;

l Le développement de solutions alternatives, ayant pour but de remplacer le fonctionnement actuel de notre société en imposant des moyens durables et responsables.

Toutefois, ce qui interroge reste le troisième axe : est-ce qu'agir se limite à trouver des substituts durables ? Intervient alors la question de la sobriété. Au-delà de la volonté de faire autrement, il subsiste la possibilité de ne pas faire, ou d'en faire moins. L'exemple souvent utilisé à cet effet est celui de l'alimentation : est-il nécessaire de manger de la viande rouge à chaque repas ? Plusieurs options sont alors possibles : remplacer par la viande blanche et le poisson, devenir flexitarien ou végétarien, voire végétalien.

Pour cela, de nombreuses entreprises oeuvrent pour développer des solutions technologiques permettant de choisir parmi les options possibles. Faire autrement n'est pas toujours évident, si l'exemple de la viande est parlant, c'est parce que les alternatives sont déjà existantes. Pour autant, il existe de nombreux cas où trouver une autre voie demande un réel travail de recherche. Cet objectif nouveau, le fait de proposer de nouvelles possibilités, devient de plus en plus un marché : celui des solutions «éco-responsables».

C'est par exemple le travail que cherche à faire la startup Ullmanna : pour éviter le recours systématique aux pesticides dans l'agriculture, un robot a été développé pour analyser les images des champs, reconnaître les plantes à désherber, et guider ensuite des lames pour les retirer. Il n'y a ainsi aucun recours à des solutions chimiques fortement polluantes.

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Pour aborder les problèmes sous un nouvel angle, comme le fait Ullmanna, le recours à une technologie inédite peut parfois apporter de nouvelles idées. Les champs d'application particulièrement vastes de l'intelligence artificielle en font donc un outil de choix. Son essor récent, grâce à des performances et une visibilité inédites, incite donc une multiplicité d'acteurs à s'intéresser à ces nouvelles approches pour trouver des réponses innovantes aux problématiques environnementales.

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