B- La Recevabilité en cas de l'incapacité d'un
Etat
Mis à part le manque de volonté, la
recevabilité comprend également le critère de
l'incapacité d'un à mener à bien les poursuites à
l'encontre de la personne mise en cause. Tout comme la notion de manque de
volonté, l'incapacité n'a pas été définie
par le Statut de Rome. Elle est également cristallisée dans le
Statut de Rome comme suit : « 3- Pour déterminer s'il y a
incapacité de l'État dans un cas d'espèce, la Cour
considère si l'État est incapable, en raison de l'effondrement de
la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil
judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de
l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les
témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la
procédure »111.
En partant de ce qui précède, force est donc de
constater l'incapacité d'un Etat peut s'expliquer de trois
manières. Il s'agit de prouver l'effondrement ou
l'indisponibilité de l'appareil judiciaire national, pour commencer.
L'effondrement du système national de la
108 MBAYE (A.A.) et SHOAMANESH (S.S.), « Commentaire
article par article : la Cour », in Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale : commentaire article par article, Edition A.
PEDONE, p. 687 -709.
109 Statut de Rome de la CPI, Article 17, paragraphe 2,
alinéa (b).
110 Statut de Rome de la CPI , Article 17, paragraphe 2,
alinéa (c).
33
111 Statut de Rome de la CPI, Article 17, paragraphe 3.
magistrature doit être total ou substantiel. Un
effondrement total peut être défini par un effondrement complet de
l'administration de la justice, soit en raison de la perte par l'État de
son contrôle sur le territoire ou en raison d'une décision
nationale de supprimer l'administration de la justice. Pour ce qui concerne
l'effondrement substantiel, elle comprend une situation, où les
autorités de l'État ne sont pas nécessairement
complètement dysfonctionnelles, mais tout de même incapables
d'assurer l'instruction de l'affaire. Il est nécessaire de mettre en
valeur le lien de cause à effet, c'est-à-dire démontrer
que cette incapacité est le résultat de l'effondrement ou de
l'indisponibilité de l'appareil judiciaire. Dans ce cas, nous pouvons
imaginer que l'Etat, après avoir constaté son incapacité,
décide de lui-même de se dessaisir et de déférer la
situation devant la CPI. A titre d'exemple l'Ouganda, la République
Démocratique du Congo et la République Centrafricaine,
après avoir constaté leur incapacité à mener
véritablement à bien les poursuites des personnes
présumés avoir commis des crimes internationaux sur leurs
territoires ont déféré ces situations à la
CPI112.
Il s'agira de démontrer, ensuite, que l'Etat est
incapable de se saisir de l'accusé, de réunir les
éléments de preuve et les témoignages nécessaires
ou de mener autrement à bien la procédure. Le premier cas peut
être le résultat de difficultés rattachées à
l'extradition, qui peut se fonder par exemple sur des motifs futiles, à
des questions d'asile, dont l'octroi peut s'avérer
discrétionnaire, à l'immunité ou à des obstacles
logistiques, comme le fait de bloquer des commissions rogatoires. Pour ce qui
concerne le second cas, il peut résulter d'un empêchement
d'accéder au lieu où les crimes se sont déroulés,
de l'absence d'un programme de protection des témoins ou encore d'un
manque de personnel qualifié pour recueillir les témoignages.
La Cour Pénale Internationale n'est pas une simple cour
des droits de l'homme. Son but premier n'est pas de détecter les
violations des principes du procès, mais plutôt de
déterminer si le système national est capable ou non de
poursuivre les principaux crimes prévus par le Statut113.
Voyons maintenant l'évolution de la notion de
complémentarité de la Cour.
112 RDC : ICC-01/04-01/06 Affaire Le
Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo , ICC-01/04-01/07 Affaire Le Procureur
c/Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui , ICC-01/04-02/06 Affaire Le
Procureur c/ Bosco Ntaganda ; RCA :ICC-01/05 -01/08 Affaire Le
Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo ; OUGANDA :
ICC-02/04-01/05 Affaire Le Procureur c/ Joseph Kony, Vincent Otti, Okot
Odhiambo et Dominic Ongwen
34
113 HELLER (K), « Le côté obscur de la
complémentarité : l'effet de l'article 17 du Statut de Rome sur
la procédure régulière nationale », Forum de droit
pénal, Vol. 17, 2006, pp. 255-280.
Paragraphe 2 : L'évolution de la
complémentarité de la Cour : la complémentarité
positive
En effet, les normes régissant la
complémentarité ont été conçues pour
répondre à la confrontation entre la juridiction nationale et la
CPI. Cependant, force est de constater qu'après l'entrée en
vigueur du Statut de Rome, les lacunes de la complémentarité
passive de la Cour ont été remarquées et
élaborées par plusieurs auteurs et même par le Procureur de
la CPI. Nous sommes partis alors d'une complémentarité passive de
la Cour à une forme avancée, dite complémentarité
positive. Cependant, tout comme la complémentarité passive, la
complémentarité positive n'est pas non plus définie dans
le Statut de Rome, ce dernier se limite à consacrer la forme et les
modalités d'une assistance que la Cour peut fournir aux tribunaux
nationaux114.
En effet, L'émergence vers le concept de «
complémentarité positive » en droit pénal
international s'inscrit dans l'optique de remédier aux lacunes du Statut
de Rome quant à la définition de l'assistance globale pour le
renforcement des capacités des systèmes judiciaires
nationaux115. Pour aller plus en profondeur, nous analyserons la
notion de la complémentarité positive (A) ainsi que les
différentes formes d'assistance dans la complémentarité
positive (B).
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