WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La CPI et la lutte contre l'impunité des crimes internationaux


par Berger-Le-Bonheur RAWAGO
Institut Supérieur de Droit de Dakar - Master 2 Droit Public 2023
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : Les modalités de saisine de la Cour Pénale Internationale

Si les compétences de la Cour se trouvent très encadrées, il convient également de souligner que le Traité impose encore d'autres garde-fous quant aux modalités de sa saisine. Il n'entre pas dans les attributions de la Cour pénale internationale de se saisir d'office pour exercer sa compétence à l'égard d'un ou de plusieurs crimes définis par le Statut de Rome77. Aux termes de l'article 13 du statut de Rome : « La Cour peut exercer sa compétence à l'égard

75 Statut de la CPI, article 11§2.

76 UN Doc. A/CONF. 183/ C1/ L. 65/ Rev.1, p. 2. A noter toutefois que cette note infrapaginale n'a pas été reprise dans la version finale adoptée par la Conférence : UN Doc.A/CONF.183/C.1/L.76/Add.3, pp.1-2 .

24

77 ONGONDO (D.F.)., « La Cour pénale internationale : réflexions sur la saisine », Gaz.Pal.Rec. Nov.-déc. 2009, pp. 3687-3691.

d'un crime visé à l'article 5, conformément aux dispositions du présent Statut : Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l'article 14 ; Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; ou Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l'article 15 »78.

En vertu de l'article 13 du statut, la Cour peut être saisie de trois manières : par n'importe quel État-partie ou sur l'initiative du Procureur de la Cour (A) ou encore par l'entremise du Conseil de Sécurité des Nations Unies79 (B).

A) La saisine par les Etats-parties ou par le procureur de la Cour Pénale Internationale

De nos jours, la ratification du Statut de Rome s'est faite par plus de 120 Etats dans le monde. A la lumière de l'article 13 du Statut Rome, la Cour pénale internationale peut exercer sa compétence si un Etat partie saisit le procureur d'une affaire dans laquelle un ou plusieurs des crimes visés à l'article 5 du même statut semblent avoir été commis. Ainsi, les Etats parties au traité de Rome ont le droit de déférer au procureur tous les éléments qui font présumer qu'un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis et de lui demander d'enquêter sur cette situation en vue de déclencher des poursuites pénales à l'encontre de la personne ou les personnes qui semblent être complices ou auteurs de ces crimes. Cela étant, l'Etat partie qui dénonce au procureur une situation pénale entrant dans le champ de sa compétence, devra spécifier les circonstances de l'affaire et produire tous les éléments de preuve et les pièces à l'appui80.

Notons que tous les Etats ne sont pas autorisés à saisir le procureur de la Cour pénale internationale, mais seulement les Etats parties, c'est-à-dire ceux qui ont ratifié le Statut de Rome comme le dispose en effet, l'article 13 (a) du Statut de Rome : « La Cour peut exercer sa compétence à l'égard d'un crime visé à l'article 5, conformément aux dispositions du présent

78 Statut de la CPI, article 13 du

79 Les ONG et les Organisations internationales, les individus et les États non partie au traité n'ont aucune compétence de saisir la Cour. Toutefois, en pratique, ils peuvent tous contacter le Procureur et le persuader à engager des poursuites.

25

80 DUMONT (H) et BOISVERT (A.M), « La voie vers la Cour pénale internationale : tous les chemins mènent à Rome », Revue québécoise de droit international, Montréal, Thémis, 2005, pp. 423-425.

Statut : a) si une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un Etat partie comme prévu à l'article 14 ;(...) ». En effet l'article 14 du Statut de Rome dispose : « Tout État Partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d'enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes ». La cour peut donc non seulement être compétente si un Etat défère au Procureur une situation survenue sur son territoire propre, comme l'ont fait la République Centrafricaine et la République démocratique de Congo, mais également si un Etat défère au Procureur une situation survenue sur le territoire d'un Etat tiers si par exemple, le national d'un Etat partie a commis un des crimes visés à l'article 5 sur le territoire d'un Etat non partie.

Ainsi pour les Etats, il s'agit de porter plainte devant la CPI. C'est ici la plus importante des prérogatives accordées aux Etats devant la CPI. La saisine de la Cour par un Etat partie est l'hypothèse la plus favorable, surtout lorsque la situation se déroule sur son sol. Dans un tel cas, le principe de complémentarité voudrait que les organes judiciaires de l'Etat puissent conduire des poursuites en vue de rechercher et de juger les responsables des crimes internationaux ou de les extrader vers un Etat qui s'estimerait compétent pour de telles actions, ou encore de les déférer devant la CPI. Trois Etats ont déjà renvoyé une situation pénale au Procureur de la Cour pénale internationale : L'Ouganda81, la République démocratique du Congo82et la République Centrafricaine83.

Mis à part la possibilité de la Cour d'être saisi par les Etats-parties au Statut de Rome, la Cour peut également être saisi par le Procureur agissant « propio motu »84. Le pouvoir attribué par le Statut de la CPI au Procureur de s'autosaisir et d'engager de sa propre initiative des enquêtes et poursuites restait un des points les plus controversés et essentiels de la

81 Renvoi de la situation à la CPI par le Gouvernement ougandais : janvier 2004, Crimes actuellement visés : crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui auraient été commis en Ouganda depuis le 1er juillet 2002 (date d'entrée d'en vigueur du Statut de Rome) dans le contexte d'un conflit opposant l'Armée de résistance du seigneur (ARS) aux autorités nationales

82 Renvoi de la situation à la CPI par le Gouvernement congolais : avril 2004, Crimes actuellement visés : les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité qui auraient été commis depuis le 1er juillet 2002 (date d'entrée en vigueur du Statut de Rome) dans le contexte d'un conflit armé en RDC.

26

83 Renvoi de la situation à la CPI par le Gouvernement centrafricain : décembre 2004, crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui auraient été commis dans le contexte d'un conflit en RCA depuis le 1er juillet 2002, les violences ayant été à leur paroxysme en 2002 et 2003. (Voir RCA II pour la situation dans ce pays à partir de 2012).

84 Expression latine, signifiant « de sa propre initiative ».

Conférence de Rome. Les participants à cette Conférence se sont convenus que le Procureur est habilité à ouvrir proprio motu des enquêtes au sujet des quatre crimes les plus graves prévus par le Statut de Rome85. Selon les dispositions de l'article 13 (b) la Cour est compétente « Si le Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu de l'article 15 ». L'article 15 quant à lui dispose : « Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ».

Nous pouvons alors comprends en partant sur les bases des article 13 (b) et 15 (§1) que le Procureur de la CPI dispose de la capacité d'ouvrir une enquête de sa propre initiative en absence d'un renvoi par un Etat partie ou par le Conseil de Sécurité des Nations Unies à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat partie. Cependant les Etats signataires ont décidé de soumettre la décision de l'ouverture d'une enquête du Procureur à un examen a priori, une sorte de validation avant la poursuite de la procédure. C'est ainsi que si le Procureur décide d'ouvrir une enquête, il devra obtenir au préalable l'autorisation de la Chambre préliminaire de la CPI86.

En effet, après avoir obtenu l'autorisation des juges ; ce fut le cas pour le Kenya87, Côte d'Ivoire88, Géorgie89 et le Bangladesh/Myanmar90, le Procureur peut sans contrainte ouvrir une enquête de sa propre initiative. Le Procureur ne peut donc pas, de sa propre initiative, ouvrir des enquêtes concernant un État non partie au Statut de Rome, sauf si les ressortissants d'États parties sont soupçonnés d'avoir commis des crimes visés par le Statut de Rome sur le territoire de l'État non partie concerné. Alors, mis à part la saisine de la Cour par les Etats parties et par le Procureur, comment est-ce que celle-ci peut être saisie par le Conseil de Sécurité des Nations Unies ?

85 Statut de la CPI, Article 15.

86 Statut de la CPI, Article 15§3 : « 3. S'il conclut qu'il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande d'autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif recueilli. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au Règlement de procédure et de preuve. »

87 Mars 2010, Crimes visés : crimes contre l'humanité qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales au Kenya en 2007 et 2008.

88 3 octobre 2011, Crimes visés : crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales en Côte d'Ivoire en 2010 et 2011, mais aussi du 19 septembre 2002 à ce jour

27

8927 janvier 2016, Crimes visés : les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui auraient été commis dans le contexte d'un conflit armé international entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.

90 Crimes allégués de déportation, de persécution et de tout autre crime relevant de la compétence de la CPI, commis à l'encontre des Rohingya ou d'autres personnes, actes de violence perpétrés dans l'État de Rakhine (Myanmar) et tout autre crime relevant de la compétence de la CPI et suffisamment liés à ces événements

B) La saisine de la Cour Pénale Internationale par le Conseil de Sécurité des Nations Unies

En effet, le troisième mode de saisine de la Cour pénale internationale est celle initiée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. La Cour Pénale Internationale est une juridiction pénale internationale dont le rôle tourne autour de la promotion et de la répression des crimes de droit international. Pour ce qui concerne le Conseil de Sécurité des Nations Unies, il est un organe politique des Nations Unies chargé de la mission du maintien de la paix et de la sécurité internationale91. Il s'agit donc ici d'une collaboration entre la justice, incarnée par la CPI, et la politique, incarné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans le but de lutter contre l'impunité. La CPI a une compétence mondiale en cas de saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies92.

Selon les dispositions pertinentes de l'article 13 (b) du Statut de Rome : « la Cour peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l'article 5, conformément au présent Statut : « b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ;(...) »93. Cette saisine, par le Conseil de sécurité, constitue ainsi l'une des trois possibilités de saisine de la Cour, aux côtés de celle reconnue à un Etat partie (article 13a) et au Procureur lui-même (article 13c).

Cependant, il revient de préciser que le Conseil de sécurité ne peut saisir la Cour que dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations Unies94, cela veut tout simplement dire qu' « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». En effet, pour que le Conseil de Sécurité des Nations Unies puisse déférer une « situation » au Procureur auprès de la Cour, celle-ci doit comporter une menace à la paix et à la sécurité internationales. Le fondement de cette disposition se situe dans les pouvoirs et devoirs du Conseil de Sécurité des Nations Unies de garantir l'établissement de la responsabilité pénale individuelle dans le

91 Article 24§1 de la Charte des Nations Unies : « 1. Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité, le Conseil de sécurité agit en leur nom. »

92 Statut de Rome de la CPI, supra note 23, art 13.b.

28

93 Statut de la CPI, Article 13 al.b.

94 La Charte des Nations Unies est un instrument constitutif des Nations Unies, signée le 26 Juin 1945. Elle établit les droits et les obligations des Etats membres et instaure les principaux organes et procédures des Nations Unies.

cadre de ses prérogatives de maintien de la paix et de la sécurité internationales en cas de perpétration des crimes internationaux les plus graves95.

Notons que lorsque le Conseil de Sécurité renvoie une « situation » à la CPI sur la base du Chapitre VII de la Chartre des Nations Unies, la seule condition à respecter est celle de la situation (le ou les crimes qui relèvent de la compétence de la Cou) comporte une « menace à la paix et la sécurité internationales ». Ainsi donc, la Cour ne pas le droit de s'assurer que le renvoie de la situation répond aux conditions préliminaires prévues par l'article 12 (2) du Statut de Rome, à savoir que les crimes soient commis par un ressortissant d'un Etat partie, soit sur le territoire d'un Etat partie. Ce qui veut dire que le Conseil de sécurité est le seul sujet compétent pour renvoyer une « situation » au procureur de la cour pénale internationale indépendamment de toute liaison entre l'Etat territorial ou de nationalité du suspect et le crime, en plus de cela, il est le seul sujet qui n'a pas ratifié le Statut de Rome.

La première utilisation de cette prérogative de déférer une affaire devant la Cour par le Conseil de Sécurité s'est faite en 2005. En effet, en application de l'article 13 du Statut de Rome, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, le 31 mars 2005, la résolution 1593 qui renvoi une situation pénale devant le procureur de la Cour pénale internationale et qui prévoit que les suspects de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre au Darfour dans l'ouest du Soudan soient jugés devant la Cour pénale internationale. Le texte permettra à la Cour pénale internationale de poursuivre les responsables de meurtres, viols et pillages qui ont ravagé la région soudanaise du Darfour96. Le Procureur de la CPI dispose certes d'un pouvoir d'appréciation sur les situations qui lui sont déférer, cependant, malgré ces larges pouvoirs d'appréciation, son autonomie d'accusation et celle de la Cour elle-même sont soumises au contrôle indirect et général exercé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Ainsi, la compétence de la CPI est fondée sur le Statut de Rome, cependant, il faut noter que son mode de fonctionnement également est de même fondé sur le même texte ;

95 SUR (S), « Vers une CPI : La convention de Rome entre les ONG et le Conseil de sécurité », Revue Générale de droit international public, 1999, Numéro 1, pp.29-49.

29

96 Le vote est intervenu après deux mois de tractations au Conseil de sécurité et entre les capitales, divisées sur l'autorité à saisir pour les jugements des criminels de guerre au Soudan. Mais les Américains, hostiles à tout ce qui pourrait légitimer l'autorité de la Cour pénale internationale, plaidaient pour l'établissement d'un tribunal en Tanzanie adapté de celui qui a jugé les victimes du génocide Rwandais, idée jugée trop coûteuse et longue à mettre en place par la France et les pays membres du Conseil ayant ratifié le Statut de la Cour pénale internationale. Le vote a été enfin arraché au terme de longues discussions et aux prix d'une concession accordée aux Etats-Unis, qui se sont par ailleurs abstenus avec trois autres pays (Algérie, Brésil, Chine).

précédent sommaire suivant






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme