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La CPI et la lutte contre l'impunité des crimes internationaux


par Berger-Le-Bonheur RAWAGO
Institut Supérieur de Droit de Dakar - Master 2 Droit Public 2023
  

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Paragraphe 2 : La défiance des Etats africains à l'égards de la CPI

« La méfiance des Etats africains vis-à-vis de la Cour Pénale Internationale (CPI) s'explique par son éloignement et le fait qu'elle ne juge que des Africains », pour reprendre les propos de Demba KANDJI247, exprimés lors de la conférence internationale sur le thème «Souveraineté des Etats et justice pénale internationale», tenue à Dakar le 23 juillet 2015. A travers ces mots, nous pouvons remarquer une certaine défiance des Etats africains envers la CPI. Il est certes acceptable, pour les Etats africains, de manifester une certaine défiance envers la CPI en raison de ces agissements sur les situations africaines. Cependant, il y'a lieu de noter également que cela constitue aussi un obstacle qui se dressant en face de la CPI et l'empêchant dans une certaine mesure d'accomplir pleinement et efficacement sa mission, celle de la lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Dans la pratique, la méfiance des Etats africains envers la CPI se matérialise par le refus de coopération avec la Cour pénale internationale (A) ainsi que le retrait collectif des Etats africains du Statut de Rome (B).

A) Le refus des États africains de coopérer avec la Cour pénale internationale

En effet, après que soient émis les mandats d'arrêt contre les présidents Mouammar Kadhafi et Omar Al Bashir, l'Union africaine avait automatiquement demandé à ses États membres de ne pas coopérer avec la CPI en refusant d'arrêter ces personnalités. Lors de la 17e Sommet à Malabo le 1er juillet 2011, l'Union africaine pris la résolution Assembly/AU/Dec. 270 (XIV) par laquelle elle exhorta ses États membres à ne pas coopérer avec la CPI dans l'exécution des mandats d'arrêt contre Omar Al Bashir, résolution résultant du refus du conseil de sécurité des Nations unies de sursoir aux poursuites contre le président soudanais en vertu de ses pouvoirs qu'il tire de l'article 16 du Statut de Rome.

Plusieurs Etats d'Afrique ont répondu positivement à l'appel à la défiance de l'Union Africaine. Nous pouvons prendre le comme exemple les États comme le Tchad, le Malawi, et le Nigéria qui ont décidé volontairement de s'aligner sur la position de l'Union africaine en refusant de coopérer avec la Cour pénale internationale dans sa demande d'arrestation du

247 Actuel Médiateur de la République du Sénegal.

président soudanais Omar Al Bashir. Pratiquement, ce refus se matérialisa par la visite sans crainte du président soudanais dans ces différents pays, quoique faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI. Elle se traduit également par les présences des chefs d'États du Tchad, du Malawi, de l'Éthiopie, de la République Centrafricaine, et de la Mauritanie lors de la prestation de Serment du président Bashir à l'occasion de sa réélection en Mai 2010.

Suite à cela, la réponse de la CPI a été sanctionnatrice. En effet la Cour pénal internationale a émis des sanctions contre le Tchad et la Malawi pour la violation de leur engagement vis-à-vis de celle-ci en refusant de coopérer dans l'arrestation du président Soudanais. Pour se défendre, le Malawi avança qu'il accorde au Chef d'État Omar Al Bashir une immunité en raison des principes établis par le droit international public pour la double raison que le Soudan n'est pas un État partie au Statut de Rome et que l'article 98 dudit Statut lui accorde cette faculté248. Il évoqua également qu'en tant que membre de l'Union africaine, le Malawi avait fait le choix de s'aligner sur la position de l'organisation à l'égard de la mise en accusation d'un chef d'État en exercice des pays qui ne sont pas parties au Statut de Rome249.

Le Kenya quant à lui, a adopté une double démarche de coopération/non-coopération. Il commença par se conformer à la décision de l'Union africaine de ne pas coopérer avec la CPI lorsqu'en 2010 le président Al Bashir s'y est rendu sans être arrêté. Des auteurs ont estimé que le refus de coopération du Kenya avec la CPI, manifesté par l'accueil d'Omar Al Bashir en Aout 2010 était motivé par les configurations complexes à l'intérieur du pays après les violences postélectorales de 2009148 à l'issue desquelles le Procureur de la CPI Louis Moreno Ocampo avait identifié, le 15 décembre 2010 six personnalités impliquées. Etant elles-mêmes visées par la CPI, les autorités kenyanes ont décidé de tenir tête à celle-ci en accueillant en 2009 le président Bashir avec tous les honneurs dus à un chef d'État. Mais la position kenyane changea lorsqu'en fin octobre 2010, la CIJ-KENYA saisit la Haute Cour du Kenya pour obtenir l'émission d'un mandat d'arrêt provisoire contre le président Al Bashir et la délivrance d'une ordonnance exigeant de l'exécutif la mise en oeuvre des mandats d'arrêt si le président devait à nouveau se trouver en sol kenyan. La Haute Cour kenyane donna satisfaction à la requérante en émettant un mandat d'arrêt contre le président soudanais250. La décision de Haute Cour

248 CPI, Affaire le procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, CHAMBRE PRÉLIMINAIRE I, ICC-02/05-01/09-13J9-Corr-tFRA

249 Ibid.

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250 Kenya Section of the international commission of jurists V. Attorney General and another, 28 november 2011, pp. 16-19.

kenyane était basée sur le principe de la compétence universelle et sur le « principe Aut dedere, aut judicare »251 (obligation de juger ou d'extrader), ce que fustigeait la doctrine en soutenant que la compétence universelle ne s'applique pas aux juridictions pénales internationales et ne vaut que pour les États, et qu'il en est de même du « principe Aut dedere Aut judicare ».

Comme nous pouvons le constater, les États africains ont adoptés des postures diverses dans la mise en oeuvre des résolutions de l'Union africaine au sujet de la coopération avec la CPI dans l'arrestation du président Al Bashir252. Ces positions apparaissent plus soucieuses de l'implémentation des politiques internes de ces États que d'une vision globale de défiance de la CPI comme le souhaite l'Union africaine. A parcourir la jurisprudence de la CPI au sujet de la détermination du fondement de l'obligation des États de coopérer avec la Cour dans l'arrestation des dirigeants des États tiers au Statut de Rome, l'on s'aperçoit que cette juridiction semble confuse.

Le refus de coopération de la plupart des Etats Africains constitue alors, en définitif, un obstacle majeur qui se dresse face à la CPI. Cela est allé jusqu'au point où certains Etats ont manifesté leurs volontés de se retirer de l'Organisation.

B) Les menaces de retrait des Etats africains du Statut de Rome

« Il serait contraire à la souveraineté des États que leur appartenance à une organisation déterminée ne découle pas de leur volonté exprimée par leur participation à la conférence de création, la signature et l'acceptation du traité constitutif ou par le dépôt d'une demande d'adhésion »253. Ce qui revient effectivement à dire que les États membres d'une organisation internationale peuvent individuellement ou collectivement décider de mettre un terme à leur participation à la vie de l'organisation, étant donné que le droit international est un droit volontaire, un droit de consentement. Mis à part le droit international général, le Statut de Rome prévoit également la possibilité de retrait d'un membre à condition de respecter les dispositions de l'acte constitutif de la Cour. La procédure de retrait est indiquée à l'article 127254. Il en est de même des

251 Idid.

252 MANDIANG I., Les États africains et l'obligation de coopération avec les juridictions pénales internationales, Thèse de doctorat en Droit Public, UCAD, 2017, 489 p.

253 NYABEYEU TCHOUKEU (L.), « L'Afrique et la Cour pénale internationale », In: Recherches Internationales, n°105, 2015. Quelle politique étrangère de gauche pour la France ? pp. 153-168.

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254 Article 127(1), Statut de Rome de la CPI : « Tout État Partie peut, par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, se retirer du présent Statut ».

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obligations incombant à l'État membre ayant décidé de se retirer. Si les États africains veulent se retirer de la Cour, ils doivent le faire par écrit au secrétaire général de l'ONU.

Il est alors clair que le projet des États africains de se retirer de la CPI est une perspective réalisable. Mais pour de nombreuses raisons, cette perspective est défavorable pour la Cour Pénale Internationale et pour la justice pénale internationale.

Nous ne sommes pas sans ignorer que beaucoup d'États du continent africain contestent l'impartialité de la CPI et que d'autres sont allé jusqu'à manifester expressément leur volonté de se retirer de l'organisation. En effet, en 2016, les Etats africains comme le Burundi, en tête, ont pris la décision alarmante de se retirer du Statut de Rome, à la surprise de la Communauté Internationale. Ceci a été une grande première dans l'histoire de la Cour. L'Afrique du Sud et la Gambie sont les deux autres Etats ayant annoncé leur retrait également. Après des années de critiques, les pays africains qui s'estiment lésés semblaient prêts à mettre leurs menaces à exécution. Le Burundi et l'Afrique du Sud avaient alors adressé un courrier officiel au Secrétaire général de l'ONU pour notifier leur décision. Au même moment, la Gambie, un petit pays d'Afrique de l'Ouest, indiqua également qu'elle se retirerait, avant de faire marche arrière presque immédiatement après l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement.

Pour ce qui concerne le cas du Burundi, en 2015, la décision du Président Pierre NKURUNZIZA de briguer un troisième mandat, en violation de la constitution burundaise, a occasionnée des soulèvements durement réprimés par le régime en place. Ce qui emmena la CPI à entamer un examen préliminaire le 25 Avril 2015255 sur des attentats aux droits humains perpétrés dans le pays. Suite à cela le Burundi a accusé la CPI de mener une chasse contre les dirigeants africains. Ces mêmes arguments ont été repris par la Gambie qui parle de « persécution envers les Africains et en particulier les dirigeants africains ». L'Afrique du Sud quant à elle, a manifesté sa volonté de se retirer de la CPI suite aux critiques émises aux plans national et international concernant le refus du gouvernement de Jacob Zuma d'arrêter Omar El Béchir - le président de la République du Soudan accusé de dix chefs de crimes - en application des mandats d'arrêt lancés contre lui en 2009 et 2010 par la CPI.

En 2018, la République Démocratique du Congo avait également manifesté son envie de se retirer de la CPI en avançant l'argument qu'elle doutait désormais de la crédibilité de cette juridiction qu'elle accusait de subir les pressions de certains gouvernements. Le gouvernement du

255 https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/itemsDocuments/2017-PE-rep/2017-otp-rep-PE-Burundi_FRA.pdf , Site Officiel de la CPI, consulté le 24 Octobre 2023.

président hors mandat Joseph Kabila assurait que « plusieurs indices concordants en sa possession indiquent que certains gouvernements exerceraient des pressions sur les juges de la CPI »256, la Cour pénale internationale, « susceptibles d'avoir une incidence sur le processus électoral en cours »257. Contrairement aux autres Etats cités ci-haut, le Burundi est le seul ayant mis sa menace à exécution en se retirant expressément du Statut de Rome et de la CPI le 27 octobre 2017.

En partant de toutes ces considérations, force est alors de constater que le CPI est constamment en proie à des menaces de retrait des Etats, pour la plupart africains, pour diverses raisons. Ce qui constitue un frein à son bon fonctionnement dans la poursuite et la répression des crimes de droit international dans le but de lutter contre l'impunité.

En signalant négativement le cas de la RDC, Daniele PERISSI258 disait : « Cela signifierait que certains crimes, dont la RDC ne pourrait ou ne voudrait pas poursuivre les auteurs présumés, pourraient tout simplement demeurer impunis. »259. A travers ces mots, nous pouvons constater la nécessité d'une collaboration avec la CPI et ce qui pourrait résulter un potentiel retrait de l'organisation.

Section 2 : Les obstacles issus de la collaboration entre le Conseil de Sécurité de l'ONU et la CPI

Les notions de justice et de politique se complètent et s'imbriquent ; cela tient de leur essence même. L'existence de la première est tributaire de la bonne volonté de la seconde qui peut garantir son efficacité ; paradoxalement, elle peut aussi la décrédibiliser260. En effet, le rapport entre la CPI et le C.S peuvent dans une certaine mesure être source d'inefficacité de la CPI dans la répression des crimes touchant la communauté internationale. Pour aller plus loin, nous nous étudierons la supériorité d Conseil de Sécurité face à la CPI (Paragraphe 1) ainsi que l'influence notoire des grandes puissances (Paragraphe 2).

256 https://afrique.lalibre.be/24423/rdcjustice-internationale-le-congo-quittera-t-il-la-cpi/, consulté le 24 Octobre 2023.

257 Ibid.

258 PERISSI (D.), Responsable de Programme (GRANDS LACS), Créé en 2018, ce programme rassemble les activités de TRIAL International au Burundi et en RDC.

259 https://trialinternational.org/fr/latest-post/retrait-de-la-cour-penale-internationale-linquietante-declaration-de-kinshasa/ , Site officiel TRIAL International, Consulté le 24 Octobre 2023.

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260 NDIAYE (S.A.), Le conseil de sécurité et les juridictions pénales internationales, Thèse de Doctorat en Droit Public, école doctorale sciences de l'homme et de la société, Université d'Orléans, 2011, 417 p.

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