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La CPI et la lutte contre l'impunité des crimes internationaux


par Berger-Le-Bonheur RAWAGO
Institut Supérieur de Droit de Dakar - Master 2 Droit Public 2023
  

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Chapitre 2 : Les entraves politiques de la Cour Pénale Internationale

Le souci d'efficacité de la CPI dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux peut s'expliquer, sur le plan politique, par les nombreux défis auxquels la Cour fait face, notamment dans sa collaboration avec l'Afrique (Section 1) d'une part et avec le Conseil de Sécurité de l'ONU (Section 2) d'autre part.

Section 1 : Les obstacles liés à la collaboration entre la CPI et l'Afrique

La CPI est la cible d'attaques extérieures contre son pouvoir et l'autorité de ses décisions menées par certains États, notamment africains, qui dénoncent son illégitimité dans le but de l'affaiblir. A cet effet, la difficile coopération entre la CPI et l'Union Africaine (Paragraphe 1) et la défiance de certains Etats africains à l'égard de la CPI (Paragraphe 2) constituent bien un défis extrême causant l'inefficacité de la Cour dans l'exécution de la mission qui lui incombe.

Paragraphe 1 : La difficile coopération entre la CPI et l'UA

Crée en application de la déclaration de Syrte du 09 septembre 1999, l'Union africaine est une organisation intergouvernementale d'États africains qui a vu jour le 9 juillet 2002 à Durban. Elle remplace l'Organisation de l'unité africaine. La mise en place de ses institutions a été faite en juillet 2003, au sommet de Maputo. Elle a pour but d'oeuvrer à la promotion de la démocratie, du développement des investissements extérieurs et des droits humains. Cependant, contrairement à l'Union Européenne, l'Union Africaine n'est pas partie au Statut de Rome. En effet, l'UE est liée avec la CPI sur la base d'un accord de coopération et d'assistance conclu qui est entré en vigueur en 2006219. Ce qui n'est pas le cas pour l'UA qui n'a non plus conclu d'accord de coopération avec la CPI. Sur une recommandation de la CPI d'ouvrir un Bureau de liaison à Addis-Abeba, le siège de l'UA, cette dernière ayant formellement rejetée l'examen de la demande. Cette action marque belle et bien le signe que l'opposition entre l'UA et la CPI est une réalité constante220. Cette difficile collaboration peut s'expliquer par le refoulement de la saisine extra-africaine de la CPI (A) ainsi que la lutte concurrentielle menée par l'UA face à la CPI dans la répression des crimes internationaux (B).

219 Accord de Coopération et d'assistance entre la Cour pénale internationale et l'Union européenne, ICC-PRES/01-01-06, 1er mai 2006.

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220 MOUANGUE KOBILA (J.), « L'Afrique et les juridictions internationales », Centre Thucydide - Analyse et recherche en relations internationales, Université Panthéon-Assas (Paris II), Paris, Cahier Thucydide n°10, Février 2012, pp.1-61.

A. Le refoulement de la saisine extra africaine de la CPI

L'Union Africaine ne cesse depuis quelques années d'entacher la fragile réputation de la Cour Pénale Internationale.221 Accusé d'être partial, colonialiste, ou encore de manquer d'indépendance, le CPI apparaît aux yeux de certains pays africains comme un instrument d'intrusion dans leur politique nationale222. L'Afrique serait directement dans les viseurs du Procureur. Le fait que la Procureure, Fatou BENSOUDA, soit Gambienne, que cinq magistrats soient issus de pays africains et que le Président de l'Assemblée des États partis soit sénégalais ne semble pas ébranler la solide conviction que l'Afrique est une fois de plus stigmatisée.

Accusée de viser « trop bas », la CPI ne s'attaquerait qu'aux États les plus faibles, notamment soigneusement de se lancer dans des combats incommodes à la hauteur des plus influents. Machine de détournement politisée, la CPI ne vivrait ainsi qu'au gré des intérêts occidentaux. Les rapports entre la Cour Pénale Internationale et l'Union Africaine font effectivement l'objet de controverses récursives. Les raisons d'une telle situation se trouvent dans les multiples feuilletons judiciaires dont les deux entités sont les principaux acteurs223.

En effet, le rejet par l'Union Africaine de la politique de poursuite de la CPI, s'articule autour de deux raisons particulières. D'une part, force est de constater un malaise de l'UA sur les forts pouvoirs du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le fonctionnement de la CPI224. Aux termes de l'article 12 du Statut de Rome, l'action de la CPI n'est possible que sur le territoire de ses États-parties ou lorsque les crimes ont été commis par l'un des ressortissants de ses États-parties. En ce sens, l'article 13 du même texte évoque les modes de saisine de la Cour par le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui, pour être recevable, principe de complémentarité oblige, doit précéder l'inaction des autorités nationales225. Selon les

221 GEOFFROY (V), « La CPI perd une bataille, mais perdra-t-elle la guerre face à l'Union Africaine? », consulté

sur https://www.cdiph.ulaval.ca/en/blogue/la-cpi-perd-une-bataille-mais-perdra-t-elle-la-guerre-face-lunion-
africaine, le 22 Octobre 2023.

222 SOMA (A), « L'africanisation du droit international pénal », in L'AFRIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL PÉNAL, Actes du troisième colloque annuel de la Société africaine pour le droit international (SADI), éditions A.Pedone, 2015 pp. 7-37.

223 GUEMATCHA (E.), « L'Afrique et la Cour Pénale Internationale », Annuaire Français de Relations Internationales, Volume XIX, 2008, pp 624-636.

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224 DJEMBO (A.), L'Afrique face à la justice pénale internationale, Institut Supérieur de Droit de Dakar, Master en droit public, , Sénégal, 2022, 84p.

225 Statut de Rome de la CPI, Article 17

dispositions pertinentes du Statut de Rome, le Conseil de sécurité des Nations unies dispose alors du pouvoir de saisir la CPI pour des situations dans lesquelles un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis dans une quelconque partie du monde226. Car l'action du Conseil de sécurité des Nations unies puise son fondement dans le chapitre VII de la Charte des Nations unies, C'est-à-dire dans le cadre d'une « menace contre la paix » ou d'une « rupture de la paix ». Ce qui revient à dire que l'action du CSNU n'est pas limitée dans l'espace. Elle peut se déployer au-delà des territoires des États-parties au Statut de Rome pour s'intéresser à une situation dans un État-tiers. La seule condition de recevabilité demeure outre le respect du champ de compétence matérielle de la CPI, « le vote à l'unanimité des cinq (05) membres permanents dudit conseil ».

Tout le problème des Etats africains sur la légitimé de ce pouvoir du conseil de sécurité des Nations unies se trouve là. En effet, les prises de position du conseil de sécurité des nations unies peuvent diriger la CPI dans son action judiciaire. A titre d'exemple, il est fort possible que la CPI ne poursuive jamais par renvoi par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, une personnalité américaine quand bien même celle-ci aurait commis les crimes relevant de la compétence de la Cour parce qu'il suffirait aux Etats unis d'user du « droit de veto »227 pour empêcher les poursuites. La situation serait identique dans le cas où une personnalité étatique africaine qui servirait les intérêts des « États puissants ». La situation ivoirienne est forte évocatrice de ce dernier cas de figure avec le soutien des forces pro Ouattara par la France.

En utilisant son pouvoir de saisine fondé sur l'article 13 du Statut de Rome, le 31 mars 2015, le CSNU a décidé de traduire les auteurs présumés de crimes commis au Darfour (Nord Soudan) depuis le 1er juillet 2002 devant la CPI228. Quelques années après, en vertu du paragraphe 4 et 8 de la résolution 1970229 le Conseil de Sécurité décida de porter la situation Libyenne devant la CPI. Ainsi, deux mandats d'arrêt ont été émis par le Procureur contre le président Soudanais le

226 Statut de Rome de la CPI, Article 13

227 Le droit de veto individuel autorise un seul votant à empêcher la prise d'une décision à laquelle celui-ci est opposé, même si une majorité est en faveur de cette décision. Le veto réside dans la possibilité de s'opposer à la règle de la majorité lors d'un vote. Au Conseil de sécurité des Nations unies, les cinq membres permanents disposent d'un droit de veto (article 27.3 de la Charte des Nations unies). Il s'agit de la Chine, la Russie, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Pendant la guerre froide, il a permis de geler totalement toute prise de décision au sein du Conseilde sécurité des Nations unies, notamment en matière de gestion des conflits et de maintien de la paix.

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228 DAVID (E.), La cour pénale internationale, In : Cours collectifs de l'Académie de droit international de La Haye, RCADI, vol. 313, pp. 441-442.

229 Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye.

04 mars 2009 et le 12 juillet 2010230. Les charges retenues contre le Président soudanais étaient respectivement des crimes de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide. Dans la même optique nous pouvons évoquer le mandat d'arrêt contre le président Kadhafi et deux proches de son régime le 27 Juin 2011231.

Le problème de la coopération de l'UA pour la capture et de la remise à la CPI de ces personnes, inculpées à l'initiative du Conseil de sécurité, s'est alors posé. D'autant plus que les mandats d'arrêt contre le président soudanais, toujours en fonction quelque trois ans après l'émission du premier d'entre eux, ont suscité une grande prudence dans la communauté internationale, à l'exception des pays occidentaux et que le mandat contre le colonel Kadhafi, alors en fonction, et contre ses proches a aussitôt été rejeté par l'UA. Il apparait donc clairement établi, pour l'UA, que cinq États232 disposent de l'opportunité de décider de soustraire la situation d'un pays de la portée du procureur de la CPI comme ce fut le cas en Syrie en raison d'une division de la communauté internationale sur la solution politique à y apporter233, ou au contraire d'influencer pour qu'une situation ou plus précisément un cas particulier de cette situation fasse l'objet d'enquête. Il s'agit là de « la mise en oeuvre de la puissance d'un État qui écarte lamentablement l'application du droit au détriment des États faibles que sont les États africains »234. C'est également ce pouvoir entre les mains du conseil de sécurité de Nations unies qui est à l'origine des poursuites sélectives devant la CPI, la source du traitement différencié devant cette Cour235. Ainsi, mis à part la contestation de la légitimité du CSNU à déférer des situations devant la Cour, le problème de la coopération de l'UA et la CPI trouve son fondement dans le rejet par l'UA de l'utilisation abusif et intempestif de la « Compétence Universelle » de la CPI par certains Etats occidentaux contre des dirigeants africains, en particulier peu après l'exécution du mandat d'arrêt contre le chef du protocole du président Rwandais, Mme Rose KABUYE.

D'autre part, le rejet de la politique de saisine de la Cour par les Etats africains s'explique par une contestation, par l'UA, du revirement du Procureur de la CPI à l'endroit des Etats africains. En effet, l'UA a longtemps critiqué le « comportement du procureur de la CPI » qu'il juge

230 L'article 98 est lu comme impliquant que « l'Etat requis doit faire prévaloir l'immunité d'une personne recherchée ou de ses biens sur une demande d'assistance de la Cour ». Voir aussi DAVID (E), La Cour pénale internationale, RCADI, vol. 313, 2005, pp.441,442.

231 Voir le paragraphe 1 de la Résolution 1593 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 31 mars 2005.

232 Les cinq (5) membres permanents du conseil de sécurité des Nation Unies.

233 MBOKANI (J.B.), « La cour pénale internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines ? », Revue québécoise de droit international, Volume 26, numéro 2, 2013, p. 47-100.

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234 AGUEZOMO ELLA (S.L.), les tensions entre l'Union africaine et la Cour pénale internationale a l'occasion de la poursuite des chefs d'Etat africains, Université de Limoges, Faculté de Droit et des Economies, Mémoire de Master 2 Droit Pénal International et Européen, 97 p.

235 Ibid.

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préoccupant, à cause de l'émission des mandats d'arrêts contre le président soudanais et à l'origine des poursuites engagées contre des responsables kenyans et contre des responsables de la crise post-électorale en Côte-d'Ivoire. Le lendemain de l'émission de son mandat d'arrêt, El-Béchir déclare que le Soudan est prêt pour « une nouvelle bataille » contre la « nouvelle colonisation » qu'incarne la CPI. Il n'est pas seul à réagir de la sorte. Le président de la Commission de l'UA de l'époque, Jean Ping, estimait « que la justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l'impunité qu'en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase »236 - une opinion exprimée dans la même journée par le président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a regretté que la CPI ne poursuive « que des Africains »237. Kadhafi - Ex-président de l'UA - décrit quant à lui la Cour comme « une nouvelle forme de terrorisme mondial »238. Pour l'UA, quelle que soit l'origine des poursuites en effet, le fait est que ce sont exclusivement des Africains qui sont poursuivis devant la CPI. Ce qui a entrainé une lutte concurrentielle menée par l'UA pour la lutte contre l'impunité des crimes internationaux.

B. La lutte concurrentielle menée par l'UA face à la CPI dans la répression des crimes internationaux

La difficile collaboration entre l'UA et la CPI s'est effectivement soldée par une lutte concurrentielle menée par l'UA dans la répression des crimes de droit international. Avec une perception négative du caractère universel de la justice pénale internationale, l'UA prendra une série de décisions au regard de la situation d'incompréhension à laquelle elle fait face. Dans un sens qui n'améliorera pas ces rapports avec la CPI mais les dégradera au contraire. L'UA va vouloir détacher ses États membres d'une telle institution, ce qui s'analyserait comme un recul pour l'Afrique pour certains analystes car au lieu de trouver des points de réconciliation avec la Cour, l'UA dans son attitude montre qu'il n'est plus possible de revenir en arrière et qu'elle est réfractaire au droit international pénal tel qu'il est appliqué par la CPI.

Ainsi, Lors de la 3ème Session ordinaire de l'Assemblée des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union Africaine (UA) tenue en juillet 2004, une résolution sur le siège des organes de l'UA a été adoptée. La décision la plus remarquable était celle qui décidait de la création de la Cour africaine de Justice et des droits de l'homme (CAJDH). Pour la création

236 Jean PING, cité dans Le Monde, 4 mars 2009.

237 Abdoulaye WADE, cité dans le Monde, 2009

238 Mouammar Kadhafi, cité dans BBC News en 2010

de cette cour, les chefs d'États membres de l'UA ont décidé de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) et la Cour de justice de l'UA. La fusion de celles-ci donnera lieu à la création de la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples (CAJDH).

C'est en juillet 2008, lors de sa 13ème session ordinaire de l'Assemblée des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union Africaine que les États membres ont adopté le protocole relatif au Statut de la CAJDH (Protocole de 2008 ou « Protocole relatif à la fusion239 »), qui n'est pas encore une cour opérationnelle car le protocole n'ayant pas obtenu le nombre minimum de ratifications par les États membres pour entrer en vigueur. Le protocole sur le statut de la CAJDH fera l'objet d'amendements lors du sommet de l'UA tenu à Malabo par le protocole de Malabo240 en 2014. Le protocole de 2014 à mis en place la future CAJDH et lui attribué trois compétences principales dont une compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, une compétence dans les affaires générales et une compétence en droit pénal international en matière de crimes internationaux.

Les États africains par le biais de l'Union ont voulu en attribuant une compétence en matière de crimes internationaux à ce nouveau mécanisme africain de lutte contre l'impunité, exprimé leur indéfectible volonté commune de prévenir la perpétration de tels crimes et leur répression selon des valeurs africaines241.

En effet, l'attribution d'une telle compétence à la CAJDH (Cour Africaine de Justice et des Droit de l'Homme), participe à la formulation africaine d'une compétence pénale régionale et partant de l'émergence du régionalisme pénal en Afrique. Le régionalisme s'entend en droit international comme « le phénomène de développement de normes et d'organisations

239 Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme (Protocole de Malabo), 1er juillet 2008, Malabo. https://www.amnesty.org/fr/wpcontent/uploads/sites/8/2021/05/AFR0130632016FRENCH.pdf , consulté le 22 Octobre 2023.

240 Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) , 27 Juillet 2014, Malabo.

https://au.int/sites/default/files/treaties/36398-treaty-

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0045_protocol_on_amendments_to_the_protocol_on_the_statute_of_the_african_court_of_justice_and_human_ rights_f.pdf , consulté le 22 Octobre 2023.

241 MANIRAKIZA (P), AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES, L'Afrique et le système de justice pénale internationale, 2009, pp21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true , consulté le 22 Octobre 2023.

internationales propres à une partie de la communauté internationale »242 ; il se distingue en cela de l'universalisme qui fait référence à l'adoption de règles uniformes et communes destinées à régir les membres et institutions de la communauté internationale dans son ensemble243 et renvoi au droit international général244.

La création d'une Cour pénale régionale (CAJDH) aura pour conséquence directe de créer une nouvelle forme de complémentarité entre la CPI et la juridiction régionale. L'article 46H du Protocole de Malabo précise que la Cour fonctionnera en complémentarité avec les juridictions nationales et avec les cours des communautés économiques régionales quand cela est expressément prévu par lesdites communautés. Cette complémentarité vient se joindre à la précédente qui existait entre la CPI et les juridictions nationales, en ce sens que ce n'était qu'en cas d'inaction des États (incapacité ou manque de volonté) dans la répression des crimes internationaux que la CPI grâce à cette règle de la complémentarité pouvait s'estimer compétente conformément à l'article 17 du Statut. Dorénavant, cette complémentarité jouera en priorité pour la juridiction régionale sur celle de la juridiction internationale. Toutefois le Protocole ne mentionne pas le devenir des relations entre la Cour africaine et la CPI mais l'article 46L alinéa 3 évoque la possibilité d'une coopération avec les cours internationales dont la CPI.

En définitive, la création de la CAJDH par l'UA à travers le Protocole de Malabo marque une véritable avancée dans le développement de la justice pénale internationale en Afrique. C'est une émergence. Jusqu'ici le seul cas de régionalisation était les chambres extraordinaires africaines au sein des juridictions sénégalaises, mais la CAJDH contrairement à celles-ci est permanente, ce qui signifie qu'elle fixera les bases en Afrique de la justice internationale et de l'implication de l'Afrique dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Cependant l'on se demande également si cette double complémentarité facilitera la lutte contre l'impunité ou assurerait plutôt un répit à celui-ci245. L'on ne pourra apporter une réponse à cette interrogation qu'après l'entrée en vigueur du Protocole de Malabo, jusque-là la CPI reste encore compétente sur les affaires en cours246.

242 SOMA (A), « L'africanisation du droit international pénal », in L'AFRIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL PÉNAL, Actes du troisième colloque annuel de la Société africaine pour le droit international (SADI), éditions A.Pedone, 2015 pp. 7-37.

243 Ibid.

244 SALMON (J), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1200p.

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245 MABIALA (M), « L'élargissement du mandat de la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal », Revue Internationale de Droit Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm , (consulté le 22 Octobre 2023.

246 Ibid.

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