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La CPI et la lutte contre l'impunité des crimes internationaux


par Berger-Le-Bonheur RAWAGO
Institut Supérieur de Droit de Dakar - Master 2 Droit Public 2023
  

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Chapitre 1 : Une compétence juridictionnelle fondée sur le Statut de Rome

Si la compétence s'entend de l'« ensemble des pouvoirs que le droit reconnaît à un sujet de droit ou à une institution ou encore à un organe de sorte à lui conférer l'aptitude de remplir des fonctions déterminées et d'accomplir les actes juridiques connexes »26, la compétence juridictionnelle est quant à elle, et simplement l' « aptitude d'un tribunal à connaître d'une affaire »27.

« La Cour est un gage d'espoir pour les générations futures qu'elle devrait protéger contre les crimes épouvantables dont leurs ancêtres ont été victimes »28, disait Kofi ANAN, afin de montrer l'importance de cette juridiction internationale dont la compétence est fondée sur le Statut de Rome. Le Statut de Rome, autrement appelé le Statut de la Cour Pénale Internationale, est le document officiel de la Cour Pénale Internationale. C'est le traité international qui a donné naissance à la Cour Pénale Internationale. Il a été adopté lors d'une conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations Unies, dite la Conférence de Rome, qui s'est ténue du 15 juin et 17 juillet 1998 à Rome, en Italie. Il est entré en vigueur le 1er juillet 200229. Le Statut de Rome contient les crimes relevant de la compétence de la CPI (Section 1) ainsi que modalités du déclenchement d'exercice de la compétence de la Cour (Section 2).

Section 1 : Les crimes relevant la compétence de la Cour Pénale Internationale

En matière d'organisation juridictionnelle, la compétence d'attribution ou compétence matérielle (ratione materiae) sert à caractériser l'aptitude légale d'une juridiction à accomplir un acte juridique ou à juger un litige ou un procès, en fonction de l'objet de ce dernier30.

Les crimes relevant de la compétence de la Cour sont énumérés à l'article 5 du Statut de Rome. Ce document définit les crimes internationaux sur lesquels la Cour peut exercer un pouvoir juridictionnel à savoir les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, et pour finir les crimes d'agression, conformément aux amendements apportés

26Juridictionnaire, https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/juridi/indexeng.html?lang=eng&lettr=i ndx_catlog_j&page=9VTmjj8qhfBE.html, consulté le 23 septembre 2023.

27 Ibid.

28 Propos de l'ex-Secrétaire Général des Nations Unies, KOFI ANAN, au sujet de l'avènement de la Cour pénale internationale cités dans le journal le Monde du 04 août 1998.

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29 Notes de la couverture du Statut de Rome, https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Statut-de-Rome.pdf , consulté le 08 septembre 2023

30 https://www.toupie.org/Dictionnaire/Competence_attribution.htm, consulté le 23/09/2023 à 16h43

en 201031, s'ils sont commis sur le territoire d'un État partie ou par l'un de ses ressortissants. Dans cette optique, le crime de génocide et le crime contre l'humanité (Paragraphe 1) feront l'objet de notre étude dans un premier temps avant de nous orienter vers une étude du crime de guerre et du crime d'agression (Paragraphe 2) dans un second temps.

Paragraphe 1 : Le génocide et le crime contre l'humanité

Du point de vu définitionnel, le crime contre l'humanité désigne les crimes commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque ; il comprend notamment l'assassinat, l'extermination, la déportation et tous les autres actes inhumains commis de manière concertée contre des populations civiles.32 Le crime de génocide désigne les crimes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel. Ils sont tous deux imprescriptibles, ce qui signifie que leurs auteurs peuvent être poursuivis jusqu'à leur mort.33

La différenciation entre le crime de génocide et le crime contre l'humanité se situe au niveau de la gravité de ces crimes. Les crimes contre l'humanité sont réputés être perpétré contre l'espèce humaine. Il est en de même pour les crimes de génocide. Seulement, le crime de génocide est vu comme la version la plus poussée ou la forme exagérée et aggravée34 du crime contre l'humanité. Nous tenterons d'opérer une étude au cas part cas dont il sera question de mettre en lumière la particularité du crime de génocide (B) après que nous nous soyons penchés sur la question de la spécificité du crime contre l'humanité (A).

A) La spécificité du crime contre l'humanité

En effet, il est a noté que la révolution française et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 ont joué un grand rôle dans la préparation et la transition du concept de lèse-majesté dans lequel le corps du roi est le pivot de la souveraineté, à celui de « lèse-nation », puis de « lèse-humanité ». Pendant longtemps le crime contre l'humanité avait un caractère religieux, car Dieu était placé comme fondement du droit. En effet l'idée du

31 Amendements. De l'article 8 bis, 15 bis et 15 ter, Kampala, 10 juin 2010

32 Petit manuel de survie démocratique, Fondation du Camp des Milles, 2019, 40p, « http://www.campdesmilles.org/upload/contenus/pages_off/Survie_democratique.pdf » consulté le 08 Novembre 2023.

33 Ibidem.

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34 ROBINSON (N), The genocide Convention: A commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1960, 158 p.

caractère religieux du crimes contre l'humanité a été soutenue et acceptée par plusieurs auteurs35, mais comme nous le savons il relève essentiellement du droit pénal national et international.

C'est à travers l'un des orateurs de la convention de 1794 pour la dénonciation de l'esclavage envers les noirs que la notion de « crime de lèse-humanité » a été utilisée pour la première fois. L'expression « crimes contre l'humanité et la civilisation » quant à elle, a vu jour en 1915 dans une déclaration commune des gouvernements britanniques et français pour la condamnation du génocide arménien. Le concept de crime contre l'humanité est apparu pour la première fois dans le droit positif en 1945 précisément dans le statut du tribunal militaire de Nuremberg qui a été établi par la charte de Londres. En plus de la définition donnée, c'est bien le statut juridique du crime contre l'humanité qui se précise également. En 1968, la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité déclare l'imprescriptibilité de ces derniers36.

Dans le Statut de Rome, le crime contre l'humanité trouve son fondement dans l'article 7. De façon générale, l'article 7 du Statut de Rome est un proche descendant de l'article 6 (c) de la Charte de Nuremberg37 et des articles 5 et 3, respectivement des statuts des TPIY38 et TPIR39.

Ainsi, le Statut de la Cour Pénale Internationale à son article 7 dispose qu' aux fins du statut de Rome, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématisée lancé contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : Le meurtre ; L'extermination ; La réduction en esclavage ; La déportation ou le transfert forcé de population ; L'emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; La torture ; Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en

35 PERRY (M.J), The Idea of Human Rights: Four Inquiries, Oxford University Press, Revised edition, 2000, 162 p.

36 Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des contre l'humanité, 11 novembre 1970

37 Article 6 (c), Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe et Statut du tribunal militaire international. Londres, 8 août 1945.

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38 Article 5, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, 25 mai 1993

39 Article 3, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, 8 novembre 1994

fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; La disparition forcée de personnes ; Le crime d'apartheid ; D'autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

De ce fait, en partant de l'article 7 et des textes qui le précèdent, force est de constater que trois grands principes de droit international peuvent être dégagés, et qui régissent le crime contre l'humanité : premièrement le crime contre l'humanité peut être commis en tout temps (en temps de guerre extérieure ou intérieure comme en temps de paix) ; deuxièmement le crime contre l'humanité est imprescriptible40, et troisièmement personne ne peut échapper à la répression à ce crime, en partant des chefs de l'État aux exécutants.

B) La particularité du crime de génocide

Dans le but de faire face aux horreurs observées dans la première moitié du XXème siècle, le génocide a dû apparaître pour décrire les situations dans lesquelles un groupe d'individus décide d'anéantir des groupes humains entiers41. En effet, nous pouvons remarquer que le crime de génocide dépasse par son ampleur, le cadre strict du Droit International Humanitaire, car l'existence d'un conflit armé n'est pas indispensable pour que soit commis un fait génocidaire42.

Etymologiquement, le mot « génocide » a été prononcé pour la première fois dans les années 1940 par Raphael LEMKIN43. Ce mot a été forgé à partir de la racine grecque « génos » qui veut dire « race » et du suffixe « -cide », qui signifie en latin « caedere », qui veut dire « tuer » voire « massacrer ». Ainsi, le terme "génocide" prendra rang dans la famille des termes tyrannicide, homicide, parricide44. De nos jours, le génocide constitue la forme la plus aggravée

40 ZOLLER (E.), « La définition des crimes contre l'humanité », JDI, 1993, IX- pp. 549-568.

41 SASSOLI (M), A. BOUVIER (A.A), Un droit dans la guerre ?, Volume I Présentation du droit international humanitaire, Genève, Comité International de la Croix Rouge, 2003, 1398 p.

42 Ibid.

43 LEMKIN (R), né le 24 juin 1900 à Azyaryska, actuellement en Biélorussie, et mort le 28 août 1959 à New York, est un juriste juif polonais puis américain qui forge en 1943, le terme et le concept de génocide et le fait valoir d'abord au tribunal de Nuremberg, puis auprès de l'ONU en 1948.

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44 LEMKIN (R), « Crime de génocide », Revue de Droit International, de Sciences Diplomatiques et Politique, vol. 24, octobre -décembre, 1946, pp.213-222.

du Crime contre l'humanité45. Le TPIR l'a même qualifié du « crime des crimes »46. Et naturellement, il constitue le premier crime défini par le Statut de Rome et le seul à avoir été adopté par les négociateurs sans controverse.

Du point de vue juridique, la première consécration indirecte mais officielle du concept « génocide » dérive du Statut du Tribunal de Nuremberg, aux termes duquel le génocide délibéré et systématique constitue une extermination de groupes raciaux et nationaux parmi la population civile de certains territoires occupés afin de détruire des races ou classes déterminées de population et des groupes religieux particulièrement les juifs, lors de la deuxième guerre mondiale. La définition juridique internationale du génocide, ou définition de 1948, est une définition importante, à la fois en soi (sous sa forme inchangée jusqu'à ce jour, elle sert d'incrimination de génocide pour les tribunaux internationaux) et pour les spécialistes des génocides de toutes les disciplines, qui l'ont critiquée, expliquée, adaptée, adoptée dans une littérature abondante47. On la trouve dans deux documents officiels fondamentaux : la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide48 adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948, et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale adopté en 1998.

Il convient de se baser sur la Convention pour la prévention et répression du crime de génocide, entrée en vigueur en 1951 et qui fait aujourd'hui partie du droit international coutumier. La définition donnée par les articles I et II de cette convention a été reprise textuellement par les Statuts des juridictions internationales49 dont celui de la Cour Pénale Internationale.

Ainsi, le Statut de la Cour Pénale Internationale à son article 6 dispose qu'aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un des actes ci- après commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique racial, ou religieux comme tel : Meurtre de membres du groupe ; Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existante devant entraîner

45 ROBINSON (N), The Genocide Convention: A Commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1960, 158p.

46 Procureur c. Kambanda, Affaire n° ICTR-97-23-S, Jugement et Sentence, 4 septembre 1998, §16.

47 MANDIANG (I.), Le crime de génocide en droit international, mémoire de Maîtrise, FSJP, UCAD-DAKAR, 2010.

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48 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951, conformément aux dispositions de l'article XIII.

49 BAZALAIRE (J. P) et CRETIN (T), La justice pénale internationale: Son évolution, son avenir Broché, PUF , 31 juillet 2000, 272 p.

sa destruction physique totale ou partielle ; Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

En effet, le crime de génocide présente des éléments constitutifs qui sont à la fois des éléments moral et matériel tel que nous le trouvons dans la Convention de 1948 sur la Prévention et la Répression du Crime de Génocide repris par le Statut de la CPI.

L'élément matériel du crime de génocide constitue une altération physique ou une suppression des victimes qui se retrouve dans cette énumération de cinq types d'actes. Mais le coeur de la définition, sensible aux interprétations, est l'exposé de l'élément moral spécifique. L'élément central parmi les éléments constitutifs d'un crime de génocide est l'intention qui est à l'origine des faits souvent appelé intention génocidaire50. Ainsi il ne suffit pas que les actes contre des membres du groupe soient commis sciemment, pour la raison que ces individus appartiennent au groupe ; ils doivent être commis ou on doit les faire commettre en vue de la destruction du groupe en tant que groupe (« comme tel »), ils doivent en quelque sorte frapper intentionnellement le groupe à travers (certains de) ses membres51. Voyons alors ce qu'il en est du crime de guerre et du crime d'agression.

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