A. La prevention
L'expérience et l'expertise scientifique prouvent que
la prévention doit être la règle d'or de l'environnement,
à la fois pour des raisons écologiques et économiques. Il
est souvent impossible de remédier aux dommages environnementaux:
l'extinction d'une espèce de
37 Affaire C 180/96, le Royaume-Uni contre la
Commission, [1996] Rec. I-3903, par. 83; Affaire T-76/96 R, l'Union nationale
des fermiers (UNF) [1996] Rec. II-815, par. 88).
38 Article 5(7) de l'Accord sanitaire et
phytosanitaire (ASP)
39 OMC, les caractères variétaux au
Japon, Mesures affectant les produits agricoles, OMC Doc. WT/DS76/AB/R (22
février 1999) par. 92, 93.
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la faune ou de la flore, l'érosion et le
déversement de contaminants persistants dans la mer créent des
situations insolubles, voire irréversibles. Même lorsqu'on peut
remédier au dommage, le coût de la réhabilitation est
souvent prohibitif.
Dans de nombreux cas, il est impossible de prévenir
tous les risques de dommage. Dans ces cas-là, on peut juger utile de
prendre des mesures pour rendre le risque «aussi minime que possible dans
la pratique» afin d'autoriser des activités nécessaires en
protégéant en même temps l'environnement et les droits des
autres.40 Dans d'autres cas, une injonction permanente peut
être nécessaire pour éviter des dommages graves ou
irréversibles.
Ce principe n'impose pas un devoir absolu de prévenir
tous les dommages, mais plutôt une obligation pour chaque Etat
d'interdire les activités risquant de provoquer un dommage important
à l'environnement, par exemple le déversement de déchets
toxiques dans un lac international. L'Etat est également obligé
de minimiser les conséquences néfastes des activités
autorisées en imposant des limites, par exemple sur les
déversements d'anhydride sulfureux (SO2) dans l'atmosphère.
De toutes les affaires judiciaires discutant du principe de
prévention nous pouvons relever: l'affaire Greenpeace Australie SPRL
contre la compagnie d'électricité Redbank SPRL et le Conseil de
Singleton;41 l'affaire Leatch contre les parcs nationaux, le Service
pour la vie sauvage et le conseil municipal de Shoalhaven;42
l'affaire du Forum pour le bien-être des citoyens de Vellore contre
l'Union indienne;43l'affaire Shela Zia contre WAPDA44
B. Le principe du pollueur payeur
Le principe du «pollueur payeur» a été
énoncé pour la première fois par l'Organisation pour la
coopération au développement économique (OCDE) pour
empêcher les autorités publiques nationales de subventionner les
frais de contrôle de la pollution des entreprises privées. Au lieu
de cela, les entreprises devraient internaliser les externalités
environnementales en assumant les frais de contrôle de leur pollution
dans la mesure requise par la loi.
40 Affaire Solothurn contre Aargau, Tribunal
fédéral de Suisse, 1er novembre 2000).
41 Affaire Greenpeace Australie SPRL contre la
compagnie d'électricité Redbank SPRL et le Conseil de Singleton
86 LGERA 143, Australie, 1994.
42 Affaire Leatch contre les parcs nationaux, le
Service pour la vie sauvage et le conseil municipal de Shoalhaven 81 LGERA 270
Australie, 1993.
43 Affaire du Forum pour le bien-être des
citoyens de Vellore contre l'Union indienne, AIR 1996 SC 2715.
44 Affaire Shela Zia contre WAPDA, Vol. XLVI A11,
décisions judiciaires du Pakistan, 693.
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Ce principe a évolué et inclut maintenant la
notion de «l'utilisateur payeur», appelant le consommateur de
ressources environnementales à payer pour prévenir ou corriger
les conséquences de l'utilisation des ressources sur l'environnement.
Historiquement, les frais de contrôle de la pollution ont
été supportés par la communauté toute
entière plutôt que par les pollueurs euxmêmes. L'exemple
d'une entreprise déversant des contaminants dans une rivière
prouve que c'est la communauté qui assume ces frais. Il existe au moins
trois façons possibles pour la communauté d'assumer les frais
économiques de la pollution:
1. La rivière peut rester polluée et devenir
impropre à certaines activités en aval, faisant subir une perte
économique à la communauté en aval;
2. La communauté en aval peut mettre sur pied une usine
de traitement des eaux appropriée à ses propres frais;
3. Le pollueur peut recevoir des subventions publiques pour
contrôler la pollution.
Dans chaque cas, la communauté affectée supporte
les frais de la pollution et des mesures destinées à
l'éliminer ou à réduire ses effets. Le principe du
pollueur payeur évite ce résultat en obligeant le pollueur
à supporter les frais du contrôle de la pollution, à les
«internaliser».
Dans la plupart des cas, l'entreprise va en fait incorporer
dans une certaine mesure les frais dans le prix des produits et les faire
supporter par le consommateur. Par conséquent, le principe du pollueur
payeur est une méthode d'internalisation des externalités. Ceux
qui bénéficient d'un filtre à air ont une
externalité positive s'ils ne paient pas le filtrage. La où l'air
est pollué par un producteur qui n'assume pas de frais, il s'agit d'une
externalité négative; ceux qui achètent le produit font
également cavalier seul si les frais de pollution ne sont pas
reflétés dans le prix des biens.
L'application du principe peut être difficile dans la
pratique là où l'identification du pollueur se
révèle impossible parce que la pollution résulte de
plusieurs causes simultanées ou de plusieurs causes consécutives
ou là où le pollueur est devenu financièrement insolvable.
Dans de telles situations, il risque de ne pas y avoir d'autre alternative que
de faire assumer les frais de remédiation par la communauté. Les
tribunaux nationaux peuvent définir et donner des détails sur les
implications du principe du pollueur payeur.
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Dans l'affaire Marlene Beatriz Duran Camacho contre la
république de Colombie, 45 la Cour constitutionnelle, en
examinant la constitutionnalité d'une certaine législation
environnementale, a approuvé des clauses imposant une charge
économique spéciale à ceux qui contribuent à la
détérioration de l'environnement et imposant à ceux qui
tirent avantage des ressources naturelles d'assumer les frais de
remédiation aux effets négatifs que leurs actions ont sur
l'environnement.
La Cour a fait la distinction entre les taxes visant à
préserver les ressources naturelles telles que l'air, l'eau ou le sol et
celles visant à compenser ou à remédier aux dommages
causés aux ressources naturelles par des individus. La Cour
suprême indienne a déclaré que, dès qu'une
activité est risquée ou fondamentalement dangereuse, la personne
pratiquant cette activité est responsable de dédommager la perte
qu'elle a fait subir à toute autre personne à cause de cette
activité.46
45 Affaire Marlene Beatriz Duran Camacho contre la
république de Colombie, 26 septembre 1996.
46 Affaire du Conseil indien pour l'action
légale environnementale contre l'Union indienne, AIR 1996 SC 1446
(1996), 2 SCR 503, 3 SCC 212 (1996).
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Chapitre 2. LES MÉCANISMES DE MISE EN OEUVRE DE
LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT
L'accès à la justice exige « que les Cours
et Tribunaux environnementaux soient des forums qui favorisent la participation
des peuple autochtones et offrent des mécanismes appropriés
d'incorporation des savoirs traditionnels [...].47 Par dessus ce ci,
il faut aujoter certains moyens qui permettent et servent de de se
prémunir, de réduire ou même de stopper les transgressions
des règles environnementales.
En effet, depuis plus d'une trentaine d'années, l'outil
juridique est sollicité pour protéger l'environnement, et tout
particulièrement le droit international dès lors que les enjeux
revêtent une forte dimension transnationale. Le droit international de
l'environnement a connu une remarquable expansion aussi bien sur le plan
quantitatif qu'au regard des domaines couverts.
En dépit d'une activité diplomatique soutenue,
les chefs d'États et de gouvernement réunis à l'occasion
du Sommet Rio+5 en juin 1997 à New York déclaraient constater
«avec une profonde inquiétude que, pour ce qui est du
développement durable, les perspectives d'ensemble sont plus sombres
aujourd'hui qu'en 1992 » et s'engageaient « à faire en sorte
que le prochain examen d'ensemble de la mise en oeuvre d'Action 21, en 2002,
fasse apparaître davantage de progrès mesurables sur la voie du
développement durable».48
Bien qu'il fasse preuve d'une remarquable vitalité,
l'effectivité du droit international de l'environnement n'est pas
toujours assurée, son renforcement devient ainsi un enjeu majeur pour
l'avenir. De part cet ultime intérêt en définitive, que
nous verrons dans le présent chapitre, d'une part, les mécanismes
internationaux, c'est-à-dire ceux organisés par les institutions
intergouvernementales (Section I) et d'autre part, les mécanismes
organisés par l'Etat (section II).
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