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Les conflits entre associés en droit des sociétés commerciales OHADA


par Osiris Samuel Zaki
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master II recherche 2019
  

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B - Le déroulement de l'instance arbitrale

Les associés en conflits qui ont fait le choix de recourir à l'arbitrage pour résoudre leurs différends, devront ainsi saisir le tribunal arbitral et se soumettre aux règles de déroulement de l'instance arbitrale. Dans le cas échéant si les parties ont décidés de convenir de règles devant régir l'instance ils devront donc s'y soumettre163(*). Rappelons qu'ils ont la possibilité de recourir soit à l'arbitrage institutionnel ou ad hoc.

La première phase préalable à l'instance est la constitution du tribunal arbitral. Les associés en conflit peuvent choisir jusqu'à trois arbitres. À défaut d'accords entre les parties le tribunal est constitué d'un arbitre unique164(*) .Mais il peut arriver que les parties décident de nommer chacune un arbitre, dans ce cas elles devront aussi nommer un troisième d'un commun accord pour compléter les deux autres165(*). Lorsque les parties ne s'accordent pas sur soit le nombre d'arbitre, ou soit sur le nom du troisième arbitre dans un délai déterminé, celui-ci est désigné par la juridiction compétente sur demande d'une partie ou dans certains cas où les parties désignent déjà deux arbitres, le troisième est désigné par les deux arbitres choisis166(*). L'arbitre choisi, doit porter à la connaissance des parties son acceptation par note écrite. Dans le cas échéant il doit porter à la connaissance des parties par la même procédure les raisons de son indisponibilité. Toute partie désireuse de récuser un arbitre pour quelque moyen que ce soit doit le faire dans un délai de trente jours à compter de la découverte du fait justificatif. La demande de récusation est portée devant le tribunal compétent de l'État membre qui devra statuer sur la demande après audition des parties, c'est ce qu'énonce l'acte uniforme en disposant « En cas de différend, et si les parties n'ont pas réglé la procédure de récusation, la juridiction compétente dans l'État Partie statue au plus tard dans un délai de trente (30) jours sur la récusation, les parties et l'arbitre entendus ou dûment appelés. Faute pour la juridiction compétente d'avoir statué dans le délai ci-dessus indiqué, elle est dessaisie et la demande de récusation peut être portée devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage par la partie la plus diligente. »

Le recours en annulation de la décision de récusation ou de rejet de la demande de récusation ne peut être porté que devant la CCJA. Cependant « La récusation d'un arbitre n'est admise que pour une cause révélée après sa nomination. ». Lorsque l'arbitre est récusé il est procédé à un remplacement de ce dernier suivant la même procédure que sa nomination.

Les parties peuvent régler d'un commun accord la procédure, et devront ainsi s'y soumettre167(*). Cette procédure doit être observée par le tribunal arbitral sauf si elle est contraire aux impératifs fondamentaux devant régir une instance. Ainsi les parties peuvent convenir d'une étape préalable à observer. Dans ce cas le tribunal arbitral s'assure de l'observation de cette étape, si celle-ci n'est pas respectée par l'une des parties, il est observé un délai raisonnable pour satisfaire à cette étape168(*).

Conformément au principe de compétence-compétence, le tribunal arbitral est seul à statuer sur sa compétence. Il a la compétence exclusive sur le différend, il doit instruire l'affaire conformément aux règles préétablies par les parties, ou au règlement de l'institution arbitrale lorsque les parties ont recours à l'arbitrage institutionnel. En effet l'acte uniforme dispose « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage. L'exception d'incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, sauf si les faits sur lesquels elle est fondée ont été révélés ultérieurement. Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence dans la sentence au fond ou dans une sentence partielle sujette au recours en annulation169(*). ». Les tribunaux Étatiques ne sont donc compétents ni pour connaître de l'affaire, ni pour juger de la validité de la convention d'arbitrage170(*).les arbitres ont donc les mêmes prérogatives que le juge classique concernant l'affaire même si « l'élément psychologique »171(*) n'est pas le même. En effet pendant que le juge Étatique cherche uniquement l'application du droit à travers les faits, pour trancher le litige et donner raison ou tort à une partie, l'arbitre quant à lui va au-delà de l'application du droit qu'il peut d'ailleurs ne pas appliquer, il va aussi au-delà des faits en ne recherchant que l'intérêt ultime des parties, des associées en conflit, de la société, la préservation du lien d'affaire. La sentence arbitrale apparait donc comme un compromis consenti par chacune des parties.

Tout comme dans une instance classique, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver leurs prétentions dans le respect des règles classiques et impératives de l'instance. Elles sont traitées de façon égalitaire par le tribunal. Le tribunal est donc soumis au principe du contradictoire, il auditionne les parties et peut leur demander de lui fournir des explications de faits ou des preuves nécessaires à l'instruction. Les arbitres ne peuvent pas retenir des preuves qui n'ont pas été soumis au contradictoire, ou même retenir par déductions des faits sans pour autant avoir au préalable invité les parties à se prononcer dessus. Quand l'une des parties ne comparait pas à l'audience ou, quand le défendeur omet de présenter sa défense, l'arbitre poursuit la procédure en ne considérant que les éléments en sa disposition, cependant il ne considèrera pas le défaut de défense du défendeur comme acquiescement des allégations du demandeur. « Le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles de droit choisies par les parties. A défaut de choix par les parties, le tribunal arbitral applique les règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international. Il peut également statuer en amiable compositeur lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir ».la procédure d'arbitrage prend fin lorsque la sentence arbitrale est prononcée172(*) ou par une ordonnance de fin d'instance prise par le tribunal arbitral. Selon l'article 16173(*) de l'Acte Uniforme consacré au Droit d'Arbitrage le tribunal arbitral prend une ordonnance de clôture lorsque , le demandeur retire sa demande, ou quand au cours de l'instance les parties trouvent un accord par la transaction, quand le tribunal arbitral constate que la poursuite de la procédure est devenue impossible dans le cas où les parties ne parviennent pas à communiquer, à trouver un accord ou lorsqu'elles ne se disposent pas manifestement à l'arbitrage en ne présentant pas leurs mémoires ,défense ou lorsqu'elle ne comparait pas. L'instance prend fin aussi lorsque le délai d'arbitrage initial ou prorogé est écoulé174(*), ou lorsqu'il y'a acquiescement, désistement ou quand les parties y mettent fin. « Le tribunal arbitral fixe la date à laquelle l'affaire sera mise en délibérer. Après cette date, aucune demande ne peut être formée ni aucun moyen soulevé. Aucune observation ne peut être présentée, ni aucune pièce produite s1 ce n'est à la demande expresse et par écrit du tribunal arbitral. »175(*). La sentence arbitrale doit contenir des informations sur le ou les noms des arbitres qui l'ont rendue leurs signatures, le siège du tribunal arbitral, le nom des parties ou associés, leurs adresses ou siège sociale, la date de la sentence et l'exposé des prétentions des parties.

Le recours en annulation contre la sentence arbitrale doit se faire dans un délai d'un mois après la notification176(*). Il doit être porté devant la juridiction Étatique compétente qui elle devra statuer dans un délai de 3mois faute de quoi elle sera dessaisie au profit de la CCJA qui statuera dans les 6mois après réception.

Cependant pour que le recours en annulation soit recevable, il faut remplir certaines conditions. Il faut que le tribunal ait statué sans convention d'arbitrage ou sur la base d'une convention nulle. Il faut que la sentence soit contraire à l'ordre public international, qu'il y ait violation du contradictoire. Il y'a recours en annulation lorsque le tribunal arbitral viole les règles et missions qui lui ont été assignées par les parties et que la décision manque de motivation. Lorsque le recours est porté devant la juridiction Étatique compétente, il n'est susceptible que de pourvoi en cassation devant la CCJA. Toute personne justifiant d'un droit ou à qui la décision arbitrale préjudicie peut s'opposer à celle-ci devant la juridiction Étatique compétente177(*).

Au-delà de l'arbitrage qui est le procédé phare de règlement amiable des conflits, les associés en conflits ont la possibilité de recourir à d'autres modes de règlement moins contraignant. Ils peuvent ainsi dans l'optique d'un règlement amiable faire appel à un tiers pour les assister.

* 163 Ceci sur une base contractuelle entre les parties qui auront définit les règles devant régir l'instance arbitrale « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

* 164 Article 5 de l'AUDA « À défaut d'accord entre les parties, le tribunal est constitué d'un arbitre unique »

* 165 Article 6 al 2 de l'AUDA « lorsque les parties ont décidé la nomination de deux arbitres nonobstant les dispositions de l'article 5 alinéa 2 du présent acte uniforme, le tribunal arbitral est complété d'un troisième arbitre choisi par les parties d'un commun accord »

* 166 Article 6 de l'AUDA « En l'absence d'accord, le tribunal arbitral est complété par les arbitres désignés ou, à défaut d'accord entre ces derniers, par la juridiction compétente dans l'État Partie. Il en est de même en cas de nomination rendue nécessaire pour cause de récusation, d'incapacité, de décès, de démission ou de révocation d'un arbitre »

* 167 Article 14 de AUDA

Les parties peuvent, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage, régler la procédure arbitrale. Elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de leur choix.

Faute d'une telle convention, le tribunal arbitral peut procéder à l'arbitrage comme il le

Juge approprié.

* 168 Article 8-1 de l'AUDA « En présence d'une convention imposant aux parties de suivre une étape de résolution du différend préalable à l'arbitrage, le tribunal examine la question du respect de l'étape préalable si l'une des parties en fait la demande et renvoie, le cas échéant, à l'accomplissement de l'étape préalable.

Si l'étape préalable n'a pas été engagée, le tribunal arbitral suspend la procédure pendant un délai qu'il estime convenable, afin de permettre à la partie la plus diligente de mettre en oeuvre cette étape.

Si l'étape préalable a effectivement été engagée, le tribunal arbitral constate, le cas échéant, son échec. »

* 169 Article 11 de l'AUDA

* 170 Hormis lorsque la clause compromissoire est manifestement nulle, ou inapplicable en l'espèce.

* 171 Terme emprunté au droit pénal qui ici détermine l'intention propre de l'arbitre, la mission qui l'anime et qui guide ses actions au cours de l'instance arbitrale.

* 172 Article 19 « La sentence arbitrale est rendue selon la procédure et les formes convenues par les parties. A défaut d'une telle convention, la sentence est rendue à la majorité des voix lorsque le tribunal est composé de trois arbitres. Si les parties se mettent d'accord au cours de la procédure arbitrale, elles peuvent demander au tribunal arbitral que cet accord soit constaté en la forme d'une sentence rendue d'accord parties. Cette sentence a le même statut et produit les mêmes effets que toute autre sentence mettant fin au différend. »

* 173 « La procédure arbitrale s'achève par le prononcé d'une sentence définitive. Elle prend également fin par une ordonnance de clôture. Le tribunal arbitral prend une ordonnance de clôture lorsque :

a) le demandeur retire sa demande, à moins que le défendeur ne s'y oppose et que le tribunal arbitral reconnaisse qu'il a légitimement intérêt à ce que le différend soit définitivement réglé

b) les parties conviennent de clore la procédure ;

c) le tribunal arbitral constate que la poursuite de la procédure est, pour toute autre raison, devenue superflue ou impossible ;

d) le délai d'arbitrage initial ou prorogé a expiré

e) il y a acquiescement à la demande, désistement ou transaction »

* 174 Article 12 « Si la convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, la mission du tribunal arbitral ne peut excéder six (06) mois à compter du jour où le dernier des arbitres l'a acceptée. Le délai d'arbitrage, légal ou conventionnel, peut être prorogé, soit par accord des parties, soit à la demande de l'une d'elles ou du tribunal arbitral, par la juridiction compétente dans l'État Partie. »

* 175 L'article 17 de AUDA

* 176 « Le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence. Il cesse de l'être s'il n'a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l'exequatur. La juridiction compétente statue dans les trois (03) mois de sa saisine. Lorsque ladite juridiction n'a pas statué dans ce délai, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dans les quinze (15) jours suivants. Celle-ci doit statuer dans un délai maximum de six (06) mois à compter de sa saisine. Dans ce cas, les délais prévus par le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage sont réduits de moitié »

* 177 Alinéa 5 de l'article 25 de l'AUDA « La sentence arbitrale peut faire l'objet d'une tierce opposition par toute personne devant la juridiction de l'État Partie qui eût été compétente à défaut d'arbitrage et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits. »

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery