9.3. SUGGESTIONSAUX
AUTORITÉS EN CHARGE DE L'ORDRE URBAIN
Les pouvoirs publics, notamment la Communauté Urbain de
Yaoundé, pour s'attaquer efficacement au phénomène
d'occupation marchande des trottoirs, doivent pouvoir se poser une question qui
nous semble essentielle, suggérée par GillesPinson (2003, p.50)
dans un article intitulé « Le chantier de recherche de la
gouvernance urbaine et la question de la production des savoirs dans et pour
l'action ».
Il s'agit de se demander « dans quelle mesure
l'expertise publique renégocie sa coexistence, dans les processus
d'action publique, avec des formes de connaissances produites par des agents
économiques ou des acteurs de la société civile, et
comment ces combinaisons de logiques de production des savoirs permettent
d'intégrer des systèmes d'acteurs et d'assurer les conditions de
l'action collective ? ».
En effet, dans un contexte de démocratisation, certains
désordres urbains renvoient moins à une
désintégration des sociétés contemporaines
qu'à une situation dans laquelle l'autonomisation des groupes sociaux,
leur réticence croissante à se laisser dicter leurs
préférences et leurs actions,
l'hétérogénéisation des demandes sociales et des
systèmes de valeurs rendraient de plus en plus difficile le recours
exclusif à des formes de gouvernement basées sur l'imposition
réglementaire de valeurs, de représentations du monde et du
commandement hiérarchique par un tiers institutionnel jouant un
rôle de tuteur du social.
Dès lors, les processus de construction des projets
urbains ne sont plus nécessairement prédéterminés
par la vision de l'intérêt public portée par les seuls
experts appointés fût-il étatique et élus
mandatés. Ils peuvent et doivent aussi devenir des arènes de
médiation, de négociation, d'explicitation des enjeux,
d'apprentissage, de compréhension mutuelle des différents
intérêts en présence, de construction et d'appropriation
collectives des problèmes et des solutions. Tout ceci dans un jeu
dialectique entre les différentes parties prenantes.
L'efficacité de la gouvernance urbaine doit être
évaluée à l'aune de sa capacité à
générer le consensus au fil d'interactions et d'itérations
multiples qu'à celle de leur conformité à une quelconque
rationalité politique prédéfinie. D'où l'urgence de
la mise en place des plateformes de concertation entre l'autorité
régulatrice et les commerçants de trottoir à l'effet
d'implémenter une politique éducative participative, telle
qu'encouragée par les paradigmes d'éducation extrascolaire.
La bonne gouvernance urbaine résulte davantage de la
production progressive de normes de comportement, de règles de
réciprocité, de routines de coopération au fil de la
densification des réseaux d'interaction qui maille les systèmes
d'acteurs urbains (Pinson, 2003, p.40). La coopération, la coordination,
et la convergence des interventions ne sont plus obtenues par l'inscription des
acteurs dans des dispositifs réglementaires et des cadres
organisationnels formels à grand renfort de la répression
institutionnelle mais résultent de la sécrétion par et
dans les réseaux d'interactions de normes de comportement,
d'identités d'action, etc.
In fine, l'activité de gouvernance urbaine
doit consister de plus en plus en des activités d'implication, de
négociation, de mobilisation et d'accompagnement de la
« formation incrémentale des choix
collectifs ». La logique de la gouvernance urbaine doit donc se
faire « pour » et « avec » les
bénéficiaires.
Comme le suggère également Ela Jean Marc (2001),
pour le développement de l'Afrique, il faut passer de la recherche
« pour » les populations à la recherche
« avec » les populations.
« (...) il faut éviter de plaquer sur les
gens des catégories qui leur sont extérieures. La démarche
de recherche qu'il faut tenter aujourd'hui consiste à marcher avec les
gens et à découvrir avec eux leur savoir et le sens que celui-ci
véhicule. (...) Au lieu de refouler ce que les gens savent, il s'agit de
redonner toute sa valeur à la mémoire collective afin de
permettre à une société de retrouver son potentiel de
connaissance et d'action. » (Ela, 2001, p.40).
|