Style autoritaire en education extrascolaire et resistance au changement: cas des commerçants de trottoirs du marché Melenpar Cyrille Armel SAPE KOUAHOU Université de Yaoundé 1 - Master 2017 |
4.2. PROBLÈME DE L'ETUDE4.2.1. Formulation du problème: constat empiriqueLe constat empirique quipréside à l'initiative de cette recherche est celui d'un encombrement pérenne des trottoirs dans la ville de Yaoundé par des activités commerciales, malgré les efforts des pouvoirs publics pour éradiquer le phénomène. En réalité, il n'est pas évident de situer avec précision, ni dans le temps ni dans l'espace le point de départ du phénomène d'occupation marchande des trottoirs au Cameroun. Toutefois, certains témoignages tel que celui du géographe urbaniste Kengne Fodouop, font état de ce que « cephénomène commence avec l'expansion du phénomène urbain et est par conséquent postérieur à la première décennie de l'indépendance » (Entretien, Octobre 2016). Le profilage de son « ontogenèse »permet de dégager trois stades pertinents de son développement à savoir : le stade embryonnaire, le stade de la maturation, et le stade de résistance. v Du stade embryonnaire L'on pourrait situer ce stade au lendemain de l'indépendance. A cette époque, l'exode rural, amorcé depuis la période coloniale atteint son apogée (Ela, 1983). Aux côtés des facteurs économiques, l'administration est l'élément moteur de la croissance urbaine. La centralisation administrative impose sa loi à l'armature urbaine après 1960. Initialement attirés à Yaoundé, soit par les lumières de la ville, soit par la certitude de l'acquisition d'une fortune prochaine, nombre de « néo-urbains », désillusionnés par la dure réalité de la ville se rabattent progressivement sur les trottoirs pour trouver leurs pitances par la vente de poissons braisés, de la friperie et de divers autres vivres. On observe à cette époque une timide et sporadique occupation des trottoirs. Les raisons de cette timidité étant notamment l'intolérance administrative, la répression institutionnelle et la relative santé économique du pays. Eneffet, « dès le lendemain de son indépendance, l'économie camerounaise connaît une croissance soutenue jusqu'au milieu des années 80. Durant cette période, le produit intérieur brut croît au rythme de 7% l'an en termes réels » (BUCREP, Novembre 2011, p.6). Ce bien-être économique du pays contribue à l'amélioration des conditions de vie des populations en viabilisant leur environnement et en mettant à leur disposition de nombreux emplois. « Le chômage était par conséquent à son niveau le plus bas et l'inflation était à la fois maitrisée et modérée » (BUCREP, 2011). Toutes choses qui contribuèrent à contenir les velléités expansionnistes du désordre commercial aux trottoirs en le maintenant à un stade embryonnaire, caractérisé par sa fragmentation, son éparpillement et ses hésitations; car malgré tout, chaque époque regorgeses pauvres, ses déshérités ou encore ses chantres du désordre. v Du stade de maturation Il prend racine au cours de la deuxième moitié de la décennie 80, en particulier avec l'avènement de la crise économique. Ladite crise, conjuguée à l'explosion démographique amplifie le phénomène de la pauvreté urbaine. La dévaluation du franc CFA, les baisses successives des salaires des fonctionnaires, les compressions du personnel dans le secteur privé et la liquidation des entreprises publiques consécutive à cette crise réduisent considérablement le pouvoir d'achat des ménages à Yaoundé. Elle crée une vulnérabilité qui a permis l'émergence et la densification des activités informelles et la prolifération des marchés de trottoirs (ONU-Habitat, 2002; Njoya, 2011; Stamm, 2008). Selon l'Enquête Camerounaise auprès des Ménages ECAM I (1996), 85% de la population potentiellement active évoluent dans le secteur informel. Le chômage touche 31% de la population potentiellement active de Yaoundé. Le secteur informel fait office de rempart contre la misère ambiante pour les jeunes au chômage (parfois diplômés de l'enseignement supérieur). Ces chômeurs sont obligés de se « débrouiller » pour la survie quotidienne au bord des rues, d'où l'envahissement tous azimut des trottoirs pour des finalités commerciales. L'affaiblissement économique de l'Etat, mais aussi la mauvaise conscience des pouvoirs publics due à leur incapacité à offrir une alternative, les poussentà l'inertie et au laisser-faire. Tout se passe comme sil'Etat, conscient des manquements à ses responsabilités régaliennespréfère regarder ailleurs. Il laisse ainsi les pauvres citoyens trouver par eux-mêmes les conditions de possibilités de leur subsistance(Nyassogbo, 2011; Janin, 2001).Tout ceci entraine l'envahissement anarchique des chaussées, des trottoirs et des espaces publics par les revendeurs informels et les « débrouillards » de toutes sortes. Le phénomène de privatisation marchande des trottoirs s'atrophie et gagne du terrain. Il prend de l'ampleur mais surtout se densifie, s'« objective », se « légitime », se « sédimente », s' « institutionnalise » et acquiert de la maturité sur l'espace urbain yaoundéen. v Du stade de résistance Il est à situer dans sa forme la plus massive aux années 2000. Cette période est en effet marquée par l'atteinte du point de décision puis du point d'achèvement de l'initiative PPTE. Cet évènement historique a conduit à la baisse globale de la dette extérieure du Cameroun, ce qui a eu des implications sur les finances publiques et entraîné une augmentation des ressources disponibles pour lutter contre la pauvreté (Evou Mekou, 2007). Subséquemment à la part d'annulation de la dette accordée par la France, s'est ajouté les ressources issues du volet additionnel de l'aide française intitulé Contrat de Désendettement et de Développement (D). A ce titre, une enveloppe de soixante-quinze milliards quatre cent trente-cinq millions cinquante-cinq mille FCFA (75 435 055 000 FCFA) a été consacrée au secteur urbain. Elle devait servir pour l'amélioration des conditions de vie des populations de Douala et Yaoundé, sous la supervision des Communautés Urbaines(Idem). Dès lors, on observe sur l'espace urbain, de Yaoundé en l'occurrence, de vastes chantiers de construction d'infrastructures, à l'instar des marchés de Mokolo, de Mvog-beti, d'Etoundi, d'Essos, de Mendong et d'acacia. Cet embelli économique ou ce retour de l'argent a également donné à la Communauté Urbaine de Yaoundéles moyens de combattre par la répression le désordre urbain en général et le désordre commercial en particulier. Les moyens financiers ont été mobilisés pour l'achat des pick-up de patrouilles et pour le recrutement des agents de lapolice municipale à l'effet de traquer les stationnements abusifs, d'une part, et de détruire ou confisquer les marchandises étalées sur les trottoirs, d'autre part. Mais la résistance opposée quotidiennement par les opérateurs économiques informels n'a d'égal que la robustesse et la détermination des forces mises sur pied pour les évincer. Le commerce de trottoirs semble alors avoir atteint la maturité et la légitimation nécessaire pour dicter ses propres lois et résister sur l'espace public urbain de Yaoundé, au grand désarroi des pouvoirs publics. |
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