5.3.2. Manifestations de la résistance au
changement
Quant aux manifestations de la résistance au
changement, Bareil (2004) note que les manifestations de résistance
peuvent être individuelles ou collectives, actives (explicites) ou
passives (implicites). La résistance peut se manifester par un seul
individu à la fois. Elle est alors qualifiée
d' « individuelle » alors qu'elle peut aussi
se manifester par un groupe ou une collectivité; à ce moment,
elle est qualifiée de « collective ». La
résistance active serait l'action de s'opposer activement par une action
contraire alors que la résistance passive serait plutôt
canalisée vers des gestes d'opposition plus subtils et moins directs.
Sous sa forme active, on retrouve les refus, les critiques, les plaintes et le
sabotage alors que sous sa forme passive, on note le statu quo, la lenteur, les
rumeurs et le ralentissement.
5.3.3. Raisons de la résistance au changement
D'après Bareil (2004), l'individu résiste au
changement pour de nombreuses raisons. D'une manière
générale, ses réactions négatives à
l'égard du changement s'expliquent par le fait qu'il doit quitter la
zone de confort et s'aventurer vers de nouvelles avenues, souvent empreintes
d'incertitude. Il doit s'adapter au nouveau contexte, à de nouvelles
tâches et responsabilités, apprendre de nouveaux comportements,
adopter de nouvelles attitudes et surtout, abandonner ses habitudes qui
faisaient partie de son quotidien. Bref, il doit se remodeler, se refaire une
nouvelle identité ou se réadapter. Plus spécifiquement,
Bareil identifie six catégories de cause à la résistance
au changement : les causes individuelles, collectives, politiques et
celles liées à la qualité de la mise en oeuvre du
changement, au système organisationnel en place et au changement
lui-même.
Ø Causes individuelles
Selon la perspective psychanalytique, les mécanismes de
défense, souvent inconscients, servent à neutraliser
l'anxiété qui menace un individu lorsqu'il est la proie d'un
conflit entre les exigences qui découlent de ses propres besoins et
celles qui relèvent de la nouvelle réalité
extérieure qui est le changement. Six mécanismes de
défense jouent alors un rôle primordial pour bloquer ou entraver
un changement qui s'annonce: le refoulement, la régression, la
projection, l'identification, la formation réactionnelle et le
déni de la réalité (Bareil, 2004).
Les traits de personnalité faisant
référence à la stabilité ou à la
préférence pour le statu quo sont également à
prendre en compte, aussi bien que les caractéristiques
sociodémographiques. Les personnes plus âgées sont parfois
résistant aux nouveautés ou alors, ont par leurs
expériences passées appris à se méfier des
changements à la mode.
Alain (1996) retient le manque de motivation,
d'habileté, l'incapacité, les habitudes de vie, la perception
sélective et la préférence pour la stabilité.
Collerette et al. (1997; p. 98) retiennent les habitudes, qui sont des
comportements relativement faciles et économiques; la peur de l'inconnu
et le principe de la répétition du succès qui a
été démontré par les recherches en behaviorisme.
Scott et Jaffe (1992, cité par Bareil, 2004) expliquent la
résistance par différents types de pertes associées
à l'abandon de ce qui était acquis et satisfaisant: la perte de
sécurité, la perte de pouvoir, la perte de l'utilité, de
ses compétences, de ses relations sociales, du sens de la direction et
la perte de territoire. L'individu a alors tendance à évaluer le
changement en termes de coûts (efforts, débauche d'énergie,
...) et de bénéfices (gains salariaux, satisfaction, ...). Dans
le cas où les coûts sont supérieurs, il manifestera de la
résistance.
Ø Causes collectives ou culturelles
Les effets du changement sur les réseaux informels et
les relations sociales cohésives peuvent également provoquer des
manifestations de résistance (Bareil, 2004). Collerette et al. (1997; p.
100) parlent de résistances liées au système social et
incluent à ce propos, la conformité aux normes sociales
établies dans un système, la cohérence du système,
le maintien des intérêts et des droits acquis de même que le
caractère sacré de certaines choses en termes de tabous, rituels,
moeurs et éthique et finalement, le rejet de ce qui est étranger,
pouvant être perçu comme menaçant pour le système.
Alain (1996; p. 168) retient la conformité aux normes, le degré
de cohérence dans l'organisation, les intérêts et droits
acquis et le rejet de ce qui est étranger.
Ø Causes politiques
Selon Bareil (2004), un destinataire peut résister au
changement à cause des pressions politiques de personnes influentes
à qui il a confiance ou pour soutenir une cause. Les forces syndicales
qui militent contre l'idée d'un changement ne sont pas sans provoquer de
la résistance au changement tant chez les militants que chez les
membres. Les employés et les cadres peuvent résister à
cause de coalitions dominantes et influentes qui leur soumettent leurs
idées. La perte de pouvoir et d'influence peuvent stimulerla
résistance chez un destinataire. Ces pertes de pouvoir,
d'autorité et de ressources humaines, financières et de
responsabilités peuvent entraîner chez certains gestionnaires de
luttes impitoyables pour conserver le statu quo.
Ø Causes liées à la mise en
oeuvre du changement
Les causes liées à une mise en oeuvre
inappropriée et déficiente du changement constituent très
souvent la cause majeure des échecs. L'absence des conditions à
créer au sein de l'organisation pour réussir la démarche
de transformation telles que l'orientation, la sensibilisation, l'habilitation
(Rondeau, 2002) peuvent mener le destinataire à résister au
changement. Ainsi, s'il n'est pas bien préparé, s'il n'accepte
pas le changement, il résistera. Les gens peuvent aussi résister
pour élever leur voix contre l'absence de consultation et d'implication.
Les destinataires résisteront parce que le changement leur est
imposé. Les individus peuvent résister tout simplement parce
qu'ils manquent d'informations ou qu'ils n'ont pas été
consultés (Bareil, 2004). Collerette et al. (1997; p. 101) retiennent
les dimensions suivantes : le respect des personnes et des compétences,
le temps et les moyens fournis pour s'adapter au changement et la
crédibilité de l'agent.
Ø Causes liées au système
organisationnel
La résistance au changement peut aussi provenir du
système organisationnel, lui-même inerte et peu réceptif au
changement. Dès lors, le destinataire perçoit l'inertie et les
difficultés de l'organisation à s'y adapter ; ce qui engendre de
la résistance (Bareil, 2004). Ces déterminants ont
été étudiés par Rondeau (2002 ; p. 100) comme
étant l'inertie, l'absence de pression de l'environnement et par Hafsi
et Demers (1997), par les déterminants de la capacité à
changer : contexte, structure, culture, potentiel humain, leadership. La
lecture organisationnelle que se fait le destinataire au sujet de la
capacité à changer de l'organisation lui indique la
probabilité de succès de l'intégration du changement dans
l'organisation. Il évalue cette probabilité avant de prendre une
décision éclairée au sujet de sa réponse, positive
ou non, dans le cas de la résistance. Par exemple, les rites, rituels,
normes, langage sont des manifestations de l'intégration interne d'un
système et lorsqu'ils sont affectés par un changement, ils
risquent de perturber l'équilibre établi et de provoquer de la
résistance (Bareil, 2004).
Ø Causes liées au changement
lui-même
Finalement, le destinataire peut résister parce que le
changement annoncé est complexe, peu légitimé par
l'organisation et en opposition avec les valeurs du milieu. En fait, le
changement ne fait pas de sens. Le type de changement ou de transformation,
radical, évoque des réactions extrêmes de la part du
destinataire qui remettent en cause le changement (Bareil, 2004). Abrahamson
(2004, cité par Bareil, 2004) a distingué le postulat
traditionnel de la « résistance au changement » de la «
résistance du changement ». Cela signifie qu'il y a une tendance
trop marquée dans la pratique pour ce qu'il appelle « la
destruction créative » ou le changement radical et « le
syndrôme du changement répétitif ». Les changements
accélérés des dernières années ont fait en
sorte que les gens ne résistent plus au changement mais résistent
à la multitude des changements qui s'abattent constamment sur eux. Ils
dénoncent ces changements qui ne peuventqu'engendrer résistance,
anxiété et cynisme.
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