1.2. La théorie d'agence et le comportement
dysfonctionnel des auditeurs
Selon Jensen et Meckling (1976) l'audit financier est un
mécanisme de contrôle mis en place par les actionnaires pour
lutter contre les comportements opportunistes des dirigeants et
l'asymétrie d'information entre les parties prenantes. Cet argumentaire
converge avec las travaux de Pochet (1998) qui souligne que
l'établissement des états financiers annuels constitue un moyen
permettant aux actionnaires de contrôler l'activité de
l'entreprise au cours d'une période donnée. En effet, ces
derniers servent aux utilisateurs de l'information comptable et
financière à des fins d'évaluation, de prise de
décision ou de diagnostic de la situation financière de
l'entreprise (Raffegeau et al.,1994). Toutefois, cette obligation pour les
entreprises d'établir et diffuser les comptes annuels reste
problématique à deux niveaux. D'abord au niveau de la pertinence
des informations comptables communiquées pour traduire avec
fidélité les performances de l'entreprise (Dupey, 1999) puis au
niveau de leur fiabilité en conformité avec les règles et
principes comptables d'enregistrement et d'établissement des comptes
annuels. C'est évidement à ce deuxième niveau
qu'intervient la mission de l'auditeur comptable et financier. En effet, les
comptes annuels de l'entreprise sont établis par les dirigeants qui ont
la latitude de manipuler les données pour donner à
l'entité une image voulue de la situation financière et
patrimoniale de l'entreprise parfois au détriment de
l'intérêt des actionnaires. Gillet (1998) parle de
comptabilité créative. La légitimité de la mission
de vérification par un auditeur externe indépendant vient donc du
souci pour les utilisateurs de l'information comptable et financière de
disposer d'une information fiable sur la situation de l'entreprise. Cette
opération devenue au fil du temps une mission d'intérêt
général légale pour certaines entreprises en fonction de
leur taille et de leur forme juridique apparait aujourd'hui comme une mission
indispensable à la bonne marche d'une économie. Toutefois, selon
Amstrong (1991), l'intervention d'un acteur supplémentaire en tant que
contrôleur dans la relation d'agence entre les dirigeants et les
apporteurs de capitaux ne peut complètement apporter une réponse
efficace à toutes les difficultés car le contrôleur en tant
qu'agent économique dispose également ses intérêts
propres qu'il peut chercher à préserver dans le cadre de sa
mission de contrôle.
L'existence donc de cette divergence d'intérêt
entre les vérificateurs et les principaux utilisateurs de l'information
produite, les place forcement dans une relation d'agence dans la mesure
où ces derniers n'ont ni les aptitudes techniques pour comprendre la
complexité du système d'information comptable de l'entreprise ni
même la possibilité d'avoir connaissance du travail des auditeurs
ayant servi de base à la certification des comptes. De ce fait, le
problème qui se pose est celui de pouvoir déterminer le niveau de
qualité du contrôle réalisé par ces auditeurs sur le
terrain.
Face à la complexité des missions d'audit et
aux pressions dont les auditeurs font face dans leur travail, l'on assiste
d'avantage à une division du travail au sein des cabinets d'audit
(Herrbach, 2000). De ce fait, la réalisation des missions d'audit sur le
terrain par une équipe de collaborateurs salariés est nettement
dissociée de la responsabilité de certification qui incombe aux
commissaires aux comptes ou l'expert-comptable associé
copropriétaire du cabinet (Foka, 2019). Dans cette situation, le CAC ou
l'expert-comptable (principal) certifie de la régularité et de la
sincérité ou non des comptes sur la base du seul travail
réalisé par ses collaborateurs d'audit (agent) ayant conduit la
mission de vérification sans pour autant avoir une parfaite connaissance
de la constitution de leur dossier de travail à partir du système
comptable de l'entreprise auditée (Herrbach, 2000). Cette situation peut
donc donner naissance à un problème d'asymétrie
d'information sur la bonne exécution de la mission de
vérification des comptes par les collaborateurs sur le terrain en raison
de la divergence d'intérêt entre ces derniers qui peuvent adopter
des comportements dysfonctionnels en vue de maximiser leur utilité et le
CAC qui souhaite voir son mandat renouvelé.
Cette relation d'agence trouve une explication dans le fait
que très peu de collaborateurs accèdent au statut
d'associé.Moins impliqués dans l'avenir du cabinet, ils sont
confrontés à une pression importante du travail parfois dans des
conditions difficile avec un faible niveau de rémunération.
Ainsi, ils peuvent être tentés d'adopter un comportement hors
norme susceptible de réduire la qualité de leur travail dans le
but de mettre en péril la qualité de la certification du cabinet
ou même de discréditer son image au sein du milieu professionnel.
Figure 7: L'audit en tant que
relation d'agence entre le manager et les collaborateurs d'audit
Collaborateurs d'audit
Comptabilité de l'entreprise
Rapport de vérification
Dossier d'audit
CAC ou l'expert-comptable
Vérification
Certification
Préparation
Confiance
0
Source : Herrbach (2000)
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