INTRODUCTION GENERALE
I.
CONTEXTE DE L'ETUDE
La notion d'audit et plus particulièrement d'audit
comptable et financier occupe une place centrale au sein de toutes les
économies. En effet, l'audit comptable et financier a pour but principal
de permettre à l'auditeur externe indépendant d'exprimer une
opinion motivée selon laquelle les états financiers de
l'entreprise ont été établis dans tous leurs aspects
significatifs conformément à un référentiel bien
défini (IFAC, 1998). Dans ce même ordre d'idée, la
Compagnie National des Commissaires aux Comptes (CNCC, 1969) affirme que
l'audit financier a pour objectif de permettre à un professionnel
compétent et indépendant de formuler une opinion écrite et
explicite sur la régularité et la sincérité des
états financiers de l'entreprise. A cet effet, il est évident,
que l'audit financier est une mission d'intérêt
général qui appelle au professionnalisme et à la
qualité des auditeurs.
Toutefois, la série des scandales financiers (l'affaire
Anderson-Enron aux Etats-Unis en 2001, Worldcom aux Etats-Unis en 2002,
Parmalat 2003 en Italie ...) observée à l'aube du
21ième siècle, amplifiée par d'autres scandales
d'envergures tels que le cas Vivendi 2003 en France, ajouté aux
manipulations du trader de la société générale des
banques (2008) en France ont d'avantage remis en cause la qualité du
travail des professionnels de la comptabilité garant de la
régularité et de la sincérité des informations
financières produites et publiées par les entreprises à
destinations des stakeholders. D'ailleurs, Moizer (1995) dans son étude
sur la faillite des entreprises montre à suffisance que la
majorité des entreprises certifiéessans réserve survivent
tandis que celles qui font faillites, sont celles-là donc les CAC ont
certifié les comptes manifestement irréguliers sans
réserves ni observations.
De même, au regard de la défaillance des
institutions de contrôle et du degré de corruption dans les pays
de l'Afrique Subsaharienne et plus particulièrement au Cameroun,
l'environnement des affaires souffre d'un problème de méfiance en
ce qui concerne la présentation des informations comptables et
financières de qualité car, les auditeurs externes censés
assurer la qualité et la sincérité des informations
comptables et financières produites par les entreprises se trouvent au
coeur des manipulations et entretiennent des relations de connivence avec les
dirigeants sociaux des entreprises contrôlées (Foka et al.,
2018 ; Mballa et Feudjo, 2016). C'est ce qui justifie sans doute la
certification des comptes irréguliers de certaines entreprises sans
réserves ni observations. Par ailleurs, le Secrétaire General de
la Commission Bancaire d'Afrique Central (COBAC) dans son communiqué du
31 mai 2018 portant sur les diligences des CAC au sein des
établissements de crédit de la CEMAC indiquait déjà
que la grande majorité des auditeurs ne mette pas en oeuvre toutes les
procédures fixées par la règlementation et les exigences
particulières qui en découlent dans le cadre de leur mission
d'audit en raison du manque de professionnalisme à l'exercice de la
profession d'audit. Ce qui relève bien évidement un
problème d'incompétence des vérificateurs comptables. Par
ailleurs, le rapport 2013 de la chambre des comptes a mis en évidence le
fait que l'exercice au-delà de la durée légale et la
précarité des cabinets d'audits au sein de notre économie
est à l'origine de la mauvaise qualité d'audit au sein des
entreprises camerounaises. Ce qui va en droite ligne avec les conclusions de
l'enquête menée par le journal la météo
No 452 dans sa parution du 03 septembre 2012 qui relevait
déjà qu'environ 86,7% des CAC au Cameroun exercent au-delà
de la durée légale prévue par la réglementation qui
est de 6 ans. Ceci justifie le manque de professionnalisme qui
caractérise les vérificateurs des comptes au Cameroun
(Sangué-Fotso, 2015).
Dans la même veine, de l'étude de
Sangué-Fotso (2015), il en ressort que lors d'une mission de
contrôle effectuée par le Contrôle Supérieur de
l'Etat (CONSUPE) en 2013 pour la période allant de 2007 à 2010 et
portant sur les dossiers de travail des CAC dans le but de s'assurer de la
qualité de l'audit effectué par ces derniers, plusieurs fautes de
gestion avaient été relevées accablant les cabinets
d'audits de la société SONARA. Selon ce rapport, les CAC sont au
centre des manipulations comptables au sein des entreprises. Ils effectuent au
sein des mêmes entités les missions de conseils et de
contrôles des comptes en violation des textes en vigueur
régissant les missions des CAC. Ces comportements dysfonctionnels
témoignent à suffisance le manque de professionnalisme des
auditeurs légaux dans le cadre de leur mission de certification des
comptes (Sangué-Fotso, 2015). Dans ce même ordre d'idée,
la Commission Nationale Anti-corruption (CONAC) en mettant en évidence
l'affaire SODECOTON dans son rapport de 2013 a révélé le
fait que les dérapages observés aux seins des entreprises
camerounaises sont particulièrement marqués par des relations de
connivence dont entretiennent les CAC avec les mandataires sociaux. Ces
dérapages sont particulièrement caractérisés
par : le manque de professionnalisme des auditeurs, les actes de
négligence professionnel et les conflits permanant
d'intérêt entre les différents acteurs
(Sangué-Fotso, 2015). Ce qui va en droite ligne avec les conclusions de
Mballa et Feudjo (2016) qui ont relevé les relations de
complicité dont entretiennent les CAC avec les dirigeants sociaux au
sein des entreprises camerounaises. Selon Foka (2019), il est évident
que ces comportements déliquescents des auditeurs ne contribuent pas
à la réalisation d'un audit de qualité. C'est sans doute
la raison pour laquelle certains auditeurs sont souvent mis en cause parce
qu'ils omettent de contrôler certains aspects majeurs des comptes et
commettent beaucoup de négligence professionnel susceptible
d'altéré la qualité de leur mission de certification
(Dalton et Kelley, 1997). Ces négligences professionnelles qui
altèrent la qualité d'audit se manifestent par le non-respect du
processus d'audit, le non approfondissement d'un aspect comptable et
l'acceptation des faibles explications du client (Pièrce et Sweeney,
2004). En effet, ces propos des auteurs sont confortés par les travaux
de Foka (2019). Il ressort des études de ce dernier que 70% des
auditeurs travaillent régulièrement sur les
éléments qu'ils jugent significatifs et pratiquement 23,3%
affirment qu'ils effectuent très souvent les revues superficielles des
dossiers des clients. D'après ces résultats de l'auteur, on
constate que ces comportements dysfonctionnels de l'auditeur affectent
très considérablement la qualité d'audit.
Cependant, de nombreuses études ont menées des
réflexions sur la qualité d'audit. Celle-ci a été
captée à travers les caractéristiques de l'auditeur qui
sont un proxy de mesure de la qualité d'audit (Manita et Chemangui,
2007). D'autres études ont appréciées la qualité
d'audit à travers le comportement de réduction de la
qualité d'audit (Herrbach, 2000 ; Coram et al, 2003). On comprend
pourquoi la qualité de l'audit est particulièrement sensible aux
comportements de ceux qui effectuent la mission. Pourtant, la plupart des
études qui ont traité du sujet l'ont fait aux Etats-Unis, au
Royaume-Uni, en France, en Afrique de l'Ouest, aucune étude à
notre connaissance n'a traité des comportements dysfonctionnels de
l'auditeur en Afrique Centrale et plus précisément au Cameroun
à l'exception des travaux de certains auteurs comme (Sangué-Fotso
2015 ; Feudjo et Mballa 2016 ; Foka, 2019) qui relevaientt
déjà le comportement dysfonctionnel des auditeurs au Cameroun.
Dans la continuité des travaux de ces auteurs, nous avons choisi de
travailler sur le thème intitulé :
« contribution à l'étude de la
qualité de l'audit externe : une approche fondée sur le
comportement des auditeurs au Cameroun ». Le choix de
ce thème se justifie par le fait que plusieurs études
menées dans d'autres contextes ont contribué à mettre en
exergue les facteurs susceptibles de pousser les professionnels d'audit
à adopter un comportement dysfonctionnel réducteur de la
qualité de l'audit et très peu dans le contexte camerounais.
Pourtant les répercussions des attitudes des collaborateurs d'audit sur
la qualité de la certification ne sont plus à démontrer.
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