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La discrimination dans le monde du travail au Togo.


par KOMLA DJIGNEFA YAO
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master en Droit Privé Fondamental 2016
  

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Paragraphe 2 : Les réquisits à l'amélioration de la preuve et des sanctions de la discrimination

Pour donner l'opportunité aux victimes de discrimination de pouvoir la prouver efficacement afin de sanctionner les coupables, il est primordial de réviser le régime de la preuve de la discrimination (A) et d'aggraver ses sanctions (B).

A-L 'aménagement du régime de la preuve de la discrimination

Pour mieux combattre la discrimination, il faut que le législateur togolais prenne en compte les difficultés inhérentes à l'établissement de sa preuve en donnant les moyens adéquats aux victimes de pouvoir se défendre efficacement. La concrétisation de cette action passera inéluctablement par l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination et par la consolidation des mesures de protections légales dans la législation anti-discrimination.

D'une part, s'agissant de l'aménagement de la charge de la preuve, le législateur togolais peut s'inspirer de l'article L.1132-3-3 du CTF. De cette disposition, il résulte une triple obligation. D'abord le demandeur c'est-à-dire la victime a l'obligation de soumettre les faits laissant supposer l'existence de la discrimination. Il s'agit d'une présomption simple187. La victime serait donc en phase d'une probable reconnaissance de la discrimination puisqu'elle hérite d'une facilité d'accès à la preuve.

Ensuite, étant débiteur d'une preuve de non-discrimination188, le défendeur s'évertuera à démontrer l'inexistence de la discrimination. Il s'agira de démontrer l'objectivité de sa décision c'est-à-dire le non fondé des allégations du demandeur ce qui équivaut à la maxime « Reus in excipiendo fit actor ». Avec cette stratégie, on déduit que la charge de la preuve est transférée au présumé auteur de la discrimination. Est-ce une inversion réelle de la charge de la preuve ? Selon certains auteurs, il s'agit de l'« aménagement »189 de la charge de la preuve. Il s'agit d'un aménagement au profit du demandeur et au détriment du défendeur. Mais compte tenu du fait que la victime n'est pas totalement déchargée de la preuve, qu'il pèse encore sur elle le fardeau de prouver les faits qui laissent supposer l'existence d'une discrimination, il serait judicieux de parler de partage de charge de preuve entre les deux parties190. Toutefois afin d'éviter toute polémique à ce sujet et dans le but de concéder une facilité de preuve indéniable à la victime,

187 Mazeaud (A.), « La discrimination dans la vie du travail », Rapport français, p. 353

188 GUISLAIN (V.), op.cit. p.16

189 LHERMOULD (J. -Ph.), note sous Soc 29 juin 2011, Jurisprudence soc. Lamy 2011, n°307-3, p. 12

190 DANIS-FANTÔME (A.), ibidem

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il faut y stipuler que « le doute profite à la victime de discrimination »191.

Enfin, il revient au juge togolais saisi de former sa conviction. En conclusion, un défendeur qui arrive à démontrer l'objectivité de sa décision sera disculpé de tout acte discriminatoire. Par contre, si la discrimination est établie, sa responsabilité sera engagée.

Reconnaissons tout de même qu'eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la victime, l'aménagement des règles de preuve ne viole pas le principe de l'égalité des armes qui tend à protéger l'équilibre procédural entre l'accusation et la défense192. En conséquence, le but visé en souhaitant l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination est de faciliter dorénavant, la démonstration de celle-ci. Même si cet aménagement ne sera d'application qu'en matière civile, nous estimons que compte tenu de la gravité de ce fléau, qu'exceptionnellement on puisse instituer cet aménagement au pénal uniquement en matière de discrimination.

D'autre part, pour parfaire le régime de la preuve de la discrimination, il faut renforcer les mesures de protection légale. La consolidation de ces mesures s'articule autour de quatre points. Primo, que la loi reconnaisse le droit au travailleur victime de discrimination d'exiger du juge des référés d'enjoindre à son employeur de lui communiquer tous les documents concernant les autres travailleurs : les contrats de travail, avenants, bulletins de paie, les tableaux d'avancement et de promotion193 avant tout procès et sous astreinte pour prouver la discrimination dont elle se prévaut.

Secundo, une fois interpellé, l'employeur aura la lourde obligation de fournir tous les documents qui lui sont exigés. En cas de refus il doit être sanctionné.

Tertio, il est opportun de rendre plus efficace la protection des victimes pour qu'elles soient beaucoup plus disposées à dénoncer les actes de discriminations dont elles font le plus souvent l'objet afin de pouvoir obtenir l'annulation des mesures discriminatoires intervenues à raison de leur action en justice194.

Quarto, le renforcement de la protection due aux témoins de la discrimination. L'article 40 al.2 du CTT protège les témoins de la discrimination contre toute mesure de rétorsion. Mais, cette protection n'étant pas absolue, il est essentiel de la perfectionner en permettant aux témoins de

191 Ibidem

192 Cass. Soc. 28 janvier 2010, n° 08-41.959, Soc 7 février 2012, JCP S 2012 1150, n. Boulmier (D.), RJS 4/12, n°299

193 Art 145 Code de Procédure Civile Français

194 Cour de Cassation Française Troisième partie, Rapport annuel 2008, ibidem

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témoigner sous anonymat. Ainsi, leur identité ne sera pas révélée à l'auteur de la discrimination. Cette initiative incitera sans doute les témoins à certifier l'existence de la discrimination tout en restant à l'abri des représailles. Cette technique qui consiste à témoigner sous anonymat a d'ailleurs fait ses preuves aux Etats Unis d'Amérique sous le nom de« Whistleblowings » et en France sous l'appellation de « dispositif d'alerte »195.

Outre les dispositions préconisées pour faciliter la preuve de la discrimination, deux mesures nécessitent d'être prises afin de rendre la tâche plus aisée à la victime de ce phénomène. Premièrement, le législateur peut disposer que les organisations de la société civile régulièrement constituées au moins cinq ans196 se substituent aux victimes de la discrimination pour agir à leur place en justice lorsque ces dernières s'obstinent à porter leur action devant les tribunaux. Deuxièmement, compte tenu du fait qu'il est parfois difficile aux victimes d'apporter individuellement la preuve de la discrimination, il sera judicieux de leur offrir l'opportunité de se constituer en groupe pour intenter leur action en justice.

A l'instar de l'aménagement du régime de la preuve de la discrimination, le renforcement du système punitif devra consolider les acquis d'une bonne répression de ce phénomène.

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