Partie II : La Fonction dynamique des autorités
nationales dans l'organisation courante du Mécanisme de surveillance
unique
La BCE s'est vue confier, par les règlements, un
pouvoir de surveillance prudentielle direct sur certains établissements
de crédit. Cette compétence est fortement intégrée
et permet d'annihiler tout favoritisme de la part des autorités
nationales. Ces dernières conservent néanmoins une place de choix
dans la surveillance prudentielle directe exercée par la BCE, bien que
leur rôle se limite la plupart du temps à une fonction
d'assistance (Section 1). Que reste-t-il alors de la surveillance directe des
autorités nationales sur les établissements de crédit ?
Les règlements semblent accorder un pouvoir de surveillance directe aux
autorités nationales sur certaines catégories
d'établissements de crédit. Malheureusement, ils donnent de
telles possibilités d'actions à la BCE qu'il apparaît que
cette dernière peut, à tout moment, décider de
prévaloir sur la compétence des autorités nationales.
Seules quelques exceptions demeurent où la BCE ne dispose d'aucun
pouvoir de surveillance directe (Section 2).
Section 1 : Un rôle d'assistance primordial des
autorités nationales dans la surveillance prudentielle directe
exercée par la BCE
Le concours des autorités nationales sera parfois
indispensable (II) à la BCE pour que cette dernière soit en
mesure d'exercer son pouvoir de surveillance prudentielle directe (I).
I. Un pouvoir supranational de la BCE lui permettant
d'exercer une surveillance directe sur certains établissements de
crédit
Une distinction semble s'opérer dans les
règlements entre les établissements dits « importants »
et les « moins importants ». En principe la surveillance directe de
la BCE devrait concerner les premiers (A). Dans le cadre de cette
compétence directe, il conviendra également d'analyser en quoi
l'organisation de la BCE permet une intégration de la surveillance
prudentielle (B).
A) Une surveillance directe de la BCE s'exerçant
sur les établissements considérés objectivement comme
« importants »
Selon le guide relatif à la surveillance bancaire, la
BCE devrait être responsable d'environ 4900 établissements de
crédit112. Cependant, il convient de s'intéresser aux
entités sur lesquelles elle pourra
112 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre
2014
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exercer un pouvoir de surveillance directe. D'après les
règlements, la Banque centrale devrait être directement
responsable des établissements considérés comme «
importants » tandis que les autorités nationales conserveraient
leur compétence directe vis-à-vis des établissements
« moins importants »113.
Comment distinguer un établissement « important
» d'un établissement «moins important » ?
Il convient d'examiner les différents critères
alternatifs objectifs permettant de différencier les catégories
d'établissements de crédit (1) pour comprendre à quel type
de banques pourront s'appliquer les mesures prises par la BCE (2).
1) La détermination réglementaire objective de
l'importance d'un établissement de crédit
L'un des moyens prévus pour caractériser
l'importance d'un établissement est le critère de la taille :
« une entité soumise à la surveillance prudentielle ou
un groupe soumis à la surveillance prudentielle est classé comme
important si la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30
milliards d'euros »114. Dans le cas d'un groupe
d'entreprises consolidées, il est nécessaire, pour établir
le critère de la taille, de tenir compte des succursales et des filiales
dans les États membres non participants et dans les pays
tiers115. Dans ce cas, la surveillance directe est susceptible de
s'exercer sur un établissement qui ne remplirait pas la condition de la
taille s'il était pris individuellement ou seulement en y incluant les
filiales et succursales situés dans des États membres
participants. En effet, si l'entité en question n'arrive à
remplir ce critère que grâce à ses établissements
situés hors de la zone MSU, cela pourrait poser un problème de
cohérence en ce sens que le pouvoir de surveillance directe ne
s'exercera pas sur les filiales situées dans des États non-
participants ou dans des pays tiers. Il en résultera donc un pouvoir de
supervision directe sur des banques qui, en tenant compte uniquement de leurs
actifs au sein de la zone MSU, devraient normalement relever de la
compétence directe des autorités nationales.
L'importance peut également être
dégagée de l'importance d'un établissement pour
l'économie116 ou sur la base de l'importance des
activités transfrontalières d'un groupe soumis à la
surveillance prudentielle117.
113 Considérant (5) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
114 Article 50(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 115Article 53 du
Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne
du 16 avril 2014
116 Articles 56 et suiv. du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
117 Articles 59 et suiv. du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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Pour que chaque État de la zone euro ait des banques
qui soient surveillées directement par la Banque centrale et puisque
certains États n'ont pas d'établissements remplissant les
critères sus-cités, il a été prévu que les
trois établissements de crédit les plus importants de chaque
État membre participant soient de toute manière soumis à
la surveillance directe de la BCE118. Il est possible de douter de
la pertinence de cette solution puisque cela risque d'entraîner des
inégalités entre les banques. Certaines auront une importance
plus grande que les trois plus grands établissements de certains
États participants mais ne seront pas soumises à la surveillance
directe de la Banque centrale faute de figurer dans les trois
établissements les plus importants de leur pays.
Un autre critère, plus étonnant, pour faire
rentrer une entité dans la catégorie des établissements
importants, est l'octroi ou la demande au MES d'une aide financière
publique directe119. Cette seule demande ou ce seul octroi suffit
à soumettre une banque à la supervision directe de la BCE. Cette
solution se justifie par la corrélation entre le MES et le MSU puisque
la surveillance directe de la BCE des établissements recevant une aide
directe du MES était une condition de l'octroi direct de ce soutien par
ce dernier.
La principale raison pour ne soumettre à la
surveillance prudentielle directe que les établissements importants est
surtout liée au nombre significatif d'entités au sein de la zone
euro. Beaucoup d'entre elles n'ont pas d'impact notable sur le système
financier des États participants. Leur surveillance s'exerce donc de
manière plus opportune au niveau national. Il est d'ailleurs
prévu par le règlement cadre que dans des circonstances
particulières, un établissement qui devrait être
considéré comme important selon les critères
mentionnés rentre dans la catégorie des « moins importants
» lorsque la supervision par l'autorité nationale permet une
surveillance plus cohérente120.
En définitive, la BCE sera chargée de la
surveillance directe de 120 groupes qui représentent 85% du total des
actifs bancaires parmi les Etats membres participants.
Quelles mesures pourra t-elle appliquer à ces
établissements ?
2) Exemples de mesures dont dispose la BCE dans le cadre de la
surveillance directe et leur mise en oeuvre
Dans le cadre de son pouvoir de surveillance directe, la Banque
centrale dispose de nombreuses
118 Article 65(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
119 Article 61 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
120 Article 70(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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prérogatives. A l'égard des
établissements de crédit « importants », elle peut
exiger qu'ils adoptent les mesures nécessaires pour régulariser
leurs manquements aux exigences prudentielles. La BCE peut leur ordonner de
prendre les actes qui s'imposent relativement à leur gestion et à
leur couverture des risques.
La Banque centrale peut même exiger que les
établissements « affectent des bénéfices nets au
renforcement des fonds propres ». La longue liste des mesures que
peut prendre la BCE se trouve à l'article 16 du règlement MSU.
Le règlement cadre s'attache à décrire la
procédure à suivre lorsque la BCE rend une décision dans
le cadre de son pouvoir de supervision directe.
Par exemple, dans le cadre de l'évaluation de la
qualité des membres des organes de direction des établissements
de crédit importants : la banque doit aviser l'autorité nationale
de toute modification concernant les membres de ses organes de direction.
L'autorité nationale notifie ces modifications à la Banque
centrale européenne. La BCE doit ensuite évaluer la
qualité des dirigeants et dispose pour cela des pouvoirs de surveillance
prudentielle que lui confèrent, d'une part, le droit de l'union et,
d'autre part, le droit national de l'autorité lui ayant notifié
la modification. Elle doit respecter le délai du droit national
applicable pour rendre sa décision et dispose de tous les pouvoirs
qu'ont les autorités nationales en vertu, tant du droit de l'Union que
du droit national121. Il est intéressant de noter la
participation des autorités de régulation de chaque Etat membre
qui retrouvent, ici, un rôle semblable à celui qui était le
leur dans le cadre des procédures communes.
La Banque centrale disposera également d'un pouvoir de
sanction en cas d'infraction des entités importantes aux obligations
fixées par ses règlements ou décisions. La forme des
sanctions est définie dans le règlement cadre : «
sanctions pécuniaires administratives », «
amendes et astreintes »122.
Dans quelle mesure l'organisation de la BCE relative à
ses missions de surveillance en permettra une forte intégration et une
application cohérente se détachant des intérêts des
Etats membres ?
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