B) Les principes organisationnels de la surveillance
directe au sein de la Banque centrale européenne
121 Article 93(1)(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
122 Article 120 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
47
L'intégration des missions de surveillance
confiées à la Banque centrale européenne suppose d'abord
un contrôle, garantissant le respect de la démocratie, qui devrait
s'exercer à la fois au niveau européen et au niveau
national123. La BCE devrait être responsable devant le
parlement européen et le conseil pour la mise en oeuvre de ses missions
de surveillance prudentielle. La question est néanmoins posée de
la traduction concrète de cette responsabilité dans les textes :
Le Conseil pourra démettre, avec l'approbation du Parlement, le
président ou le vice président du conseil de
surveillance124. Il est également prévu que «
la BCE doit rendre compte de la mise en oeuvre du {MSU} au Parlement
européen et au Conseil »125.
Cependant, plusieurs auteurs craignent que la
responsabilité de la BCE, dans le cadre de ses missions de surveillance
prudentielle, ne se traduisent que par des sanctions politiques et
émettent des doutes sur la légalité du dispositif si le
Parlement européen ne se voit pas suffisamment impliqué dans le
contrôle de la surveillance prudentielle directe de la Banque
centrale126. Il est cependant vrai que l'article 226 du TFUE donne
le droit au Parlement européen de « constituer une commission
temporaire d'enquête pour examiner, sans préjudice des
attributions conférées par les traités à d'autres
institutions ou organes, les allégations d'infraction ou de mauvaise
administration dans l'application du droit de l'Union ». Cet article
pourrait permettre de pallier l'absence de solution concrète de
contrôle du Parlement sur la surveillance directe de la BCE.
Cette question de la légitimité
démocratique est une condition nécessaire lorsqu'une institution
exerce des pouvoirs de nature supranationale de façon
intégrée.
La composition et le rôle du conseil de surveillance
permettent une forte intégration du processus de surveillance directe
(1) qui sera concrètement mis en oeuvre par les équipes de
surveillance prudentielles conjointes (2).
1) Le rôle et la composition du conseil de surveillance
permettant une forte intégration de la surveillance prudentielle dans le
processus de décision
Le conseil de surveillance est l'organe chargé des
missions de surveillance prudentielle au sein de la BCE. L'objectif est qu'il
soit le plus détaché possibles des considérations
nationales : « les membres du conseil de surveillance agissent tous
dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble
»127. Cependant,
123 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre
2014
124 Article 26(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
125 Article 20(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
126 Legal issues of the Single European Supervisory
Mechanism-Brantner, Giegold, Ferpasi, Brussels, 1st october 2012
127 Article 26(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
48
une telle affirmation n'apporte rien si elle n'est pas
accompagnée de dispositions concrètes visant à optimiser
la qualité de la supervision unique en créant un véritable
organe supranational capable de décider de la manière la plus
objective possible.
L'intégration est illustrée, tout d'abord, dans
la désignation des président et vice-président du conseil
de surveillance. Ils sont proposés au Parlement européen qui doit
les approuver. Cela fait naître une légitimité
démocratique de ce conseil de surveillance qui est nécessaire
pour que la supervision supranationale soit acceptée par les peuples des
États membres participants. Le président peut être choisi
parmi des personnalités ayant des compétences dans les domaines
bancaire et financier. La seule restriction à cette nomination est qu'il
ne doit pas être membre du Conseil des gouverneurs. Cette contrainte est
évidemment nécessaire puisque la décision finale de tout
projet émanant du conseil de surveillance sera effectuée par le
Conseil des gouverneurs selon la méthode de l'acceptation tacite. Le
vice-président, quant à lui, est désigné parmi les
membres du directoire de la BCE128.
En plus de ces deux personnalités, le conseil de
surveillance comprendra également quatre représentants de la BCE
nommés par le conseil des gouverneurs n'exerçant pas de fonctions
« en rapport direct avec les fonctions monétaires de la
BCE »129.
Ces mesures de nomination permettent donc d'assurer un fort
niveau d'intégration caractérisé par une présence
marquée de membres inhérents à la Banque centrale.
Enfin, le conseil de surveillance comprendra également
un membre par autorité nationale. Cependant ces autorités
nationales ne devraient pas compromettre le pouvoir supranational de la BCE en
tant qu'autorité de supervision unique puisque les décisions du
conseil de surveillance seront prises à la majorité simple et
« en cas d'égalité des voix, celle du président
est prépondérante »130.
Le règlement MSU a donc mis en place des
mécanismes permettant de supprimer toute possibilité pour les
autorités nationales de bloquer une mesure sur des considérations
purement nationales. Il est cependant possible de regretter l'absence de
transparence qui aurait permis de savoir dans quel sens les membres issus des
autorités nationales au sein du conseil de surveillance ont
voté131.
2) Les équipes de surveillance prudentielle conjointe
et leur fonction primordiale dans l'application quotidienne de la
128 Article 26(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
129 Article 26(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
130 Article 26(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
131 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
49
surveillance directe auprès des établissements
importants.
Les équipes de surveillance conjointes seront
chargées de la surveillance concrète des entités
importantes. Elles sont définies comme des équipes de
contrôleurs chargés de la surveillance prudentielle d'une
entité soumise à la surveillance prudentielle ou d'un groupe
important soumis à la surveillance prudentielle132. Leur
fonction principale sera d'évaluer les stratégies
d'adéquation des fonds propres que les banques devront fournir en cas
d'insuffisance133.
Chaque entité importante se verra adosser une
équipe de surveillance prudentielle si elle situe dans un État
membre participant.
L'élément qui marque l'intégration de ce
processus de contrôle est le coordinateur ESPC qui sera chargé de
coordonner le travail de chaque équipe de surveillance prudentielle. Ce
coordinateur est un agent de la BCE134. Cela laissera donc, à
priori, peu de place aux autorités nationales. Le pouvoir du
coordinateur est clairement défini dans le règlement cadre :
« les membres de l'équipe de surveillance prudentielle
conjointe suivent les instructions du coordinateur ESPC en ce qui concerne
leurs missions dans le cadre de l'équipe »135.
Les Équipes de surveillance prudentielle
(Joint-supervisory teams JST) comprendront également des experts
hautement qualifiés pouvant notamment inclure des membres
d'autorités nationales qui ne seront pas forcément de la
nationalité de l'établissement surveillé. Elles
effectueront leurs tâches en s'assurant également de la bonne
application des décisions du conseil de surveillance approuvées
par le conseil des gouverneurs. Sa composition devrait aussi être
proportionnelle au profil de risque de l'entité surveillée.
Ces équipes sont considérées comme le
principal instrument de la surveillance unique. Elles sont responsables de la
supervision quotidienne des banques importantes et deviendront le principal
élément de coopération entre autorités nationales
et BCE ainsi que le premier interlocuteur des établissements de
crédit importants. Certains analystes136 considèrent
ces équipes comme une évolution des collèges
d'autorités de surveillance, instrument utilisé jusqu'aujourd'hui
pour la
132 Article 2(6) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
133 Rapport trimestriel du MSU-Progrès
réalisés dans la mise en oeuvre opérationnelle du
règlement relatif au mécanisme de surveillance unique, Avril
2014
134 Article 3(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
135 Article 6(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
136 Il rapporto tra BCE e autorità nazionali
nell'esercizio della vigilanza-Intervento di Carmelo Barbagallo, 26
février 2014
50
résolution des problématiques de surveillance
transnationale. Il s'agit donc d'une véritable approche
intégrée au regard des groupes transfrontaliers ; du moins si
toutes les entités sont situées dans des États membres
participants.
Malgré la forte intégration du pouvoir de
surveillance directe de la BCE, les autorités nationales conserveront un
rôle notable, y compris dans le contrôle des établissements
de crédit « importants ».
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