II. Le concours nécessaire des autorités
nationales dans le cadre de la surveillance
prudentielle directe
Les autorités nationales, dans le cadre de la
surveillance des banques importantes, conserveront, soit un rôle
d'assistance (A) soit un rôle fondamental d'action directe auprès
de ces dernières dans le cas des États membres participants dont
la monnaie n'est pas l'euro (B).
A) Une aide des autorités nationales des
États membres participants dans la surveillance directe des
établissements de crédit importants destinée à
faciliter la tâche de la Banque centrale européenne
Le règlement cadre énonce clairement que les
autorités nationales assistent la BCE dans l'exercice de ses
missions137. Cette assistance s'illustre par exemple lorsque les
autorités soumettent des projets de décision relatifs à
des entités importantes ou encore dans la mise en oeuvre des
décisions prises par la BCE (1). Les autorités nationales auront
également une certaine place dans la composition des organes et
équipes de la BCE ayant pour fonction la surveillance directe des
établissements importants (2).
1) L'assistance de la BCE au travers des projets
élaborés et des mesures appliqués par les autorités
nationales concernant des entités importantes
La Banque centrale peut demander aux autorités
nationales d'élaborer un projet de décision relatif aux
entités importantes. Parallèlement, les autorités
nationales sont également libres de soumettre, de leur propre
initiative, un tel projet à la BCE138. Cela permet aux
autorités compétentes d'avoir une certaine influence sur la
surveillance des établissements importants. Cette influence ne va
évidemment pas jusqu'à remettre en cause la supervision de la BCE
qui peut toujours s'opposer à ces
137 Article 90(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
138 Article 91 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
51
projets mais relativise la distinction entre
établissements importants et moins importants et fait apparaître
les autorités nationales comme des soutiens de poids.
Dans certaines situations, la Banque centrale
européenne pourra demander aux autorités nationales d'agir
directement auprès d'établissements de crédit importants
notamment « dans le but de s'assurer que des sanctions
appropriées sont imposées dans les cas non couverts par l'article
18§1, du règlement MSU ». Cela devrait concerner les
sanctions non pécuniaires et les sanctions pécuniaires en cas
d'infractions aux dispositions du droit de l'Union par des personnes
physiques139.
Il sera intéressant de voir comment ces sanctions
seront infligées par les autorités nationales. A priori, ces
dernières bénéficieront d'une certaine marge de manoeuvre
puisque la Banque centrale ne devrait pas préparer un projet de sanction
applicable tel quel par l'autorité nationale qui n'aurait alors
seulement qu'un rôle de notification de la sanction. En
réalité le règlement cadre offre ici aux autorités
nationales une occasion de peser sur le fonctionnement du mécanisme de
surveillance unique à l'égard des entités importantes.
Plus généralement, les autorités
nationales doivent aider la BCE à préparer et à mettre en
oeuvre tout acte lié à ses missions notamment en l'assistant dans
ses activités de contrôle140.
L'utilité des autorités nationales
vis-à-vis des entités importantes se fera également
ressentir dans le cadre de l'échange d'information. En effet, une
autorité nationale devra informer la BCE des informations relatives aux
entités importantes si il existe des raisons de penser qu'elles ne
peuvent plus satisfaire à leurs obligations à l'égard de
leurs créanciers ou encore si « des circonstances pourraient
conduire au constat selon lequel l'établissement de crédit
concerné est incapable de restituer les dépôts
»141. Les autorités nationales ont donc un
rôle primordial et auront la charge d'avertir la BCE sur ces
dysfonctionnements pouvant toucher les banques importantes. Il est donc faux de
dire que les autorités nationales ne seront employées qu'à
la supervision des entités moins importantes. Par ailleurs, le
règlement MSU marque la volonté d'intégrer les
autorités nationales dans la surveillance prudentielle directe des
établissements importants. Surtout en raison de leur expertise «
fondée sur une longue expérience dans la surveillance des
établissements de crédit établis sur leur territoire
»142. Le règlement insiste sur les
particularités économiques, organisationnelles et culturelles
propres à chaque État membre.
139 Article 134(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
140 Article 6(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
141 Article 92 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
142 Considérant 37 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
52
2) L'influence organique des autorités nationales
Les autorités nationales auront également un
rôle à jouer au sein des différents organes et
équipes de la BCE relativement à ses fonctions de surveillance
prudentielle.
Selon le règlement-cadre : « les
autorités compétentes nationales nomment un ou plusieurs de leurs
membres du personnel comme membre ou membres d'une équipe de
surveillance prudentielle conjointe »143. Ces membres des
équipes de surveillance prudentielle assisteront le coordinateur. Ils
seront utiles pour des raisons de culture, de langage mais surtout pour
transmettre leur savoir faire et expertise aux membres de la
BCE144.
Dans le même esprit, le règlement MSU
prévoit également, en cas d'inspection sur place, que les «
agents de l'autorité compétente nationale de l'État
membre participant concerné ont également le droit de participer
aux inspections sur place »145.
Il convient aussi de rappeler que le conseil de surveillance
comprendra un membre par autorité compétente nationale. Si une
seule autorité ne devrait pas pouvoir influencer fortement le
résultat d'une délibération en raison du vote à la
majorité simple, plusieurs autorités ensemble pourraient le
faire. Prouver que le vote n'a pas été effectué dans le
sens des intérêts de l'Union ne sera pas une tâche
aisée et il est possible de croire que la sanction d'un tel vote ne sera
que politique146.
La coopération entre la BCE et les autorités
nationales sera indispensable pour assurer l'unité et la
cohérence de l'action du MSU.
Les autorités nationales auront encore plus de poids
dans le cadre de la coopération rapprochée où la BCE ne
pourra agir sans elles.
|