B) La compétence de la BCE en tant
qu'autorité d'accueil pour les établissements de crédit
établis dans un Etat membre non-participant exerçant leur
liberté d'établissement au sein de la zone MSU
*
Dans le cadre de la liberté d'établissement,
l'article 4 du règlement MSU semble accorder une double
compétence exclusive à la BCE, il a pu être constaté
que la première d'entre elle n'en était pas véritablement
une mais s'analysait plutôt comme une compétence partagée.
La BCE, selon le règlement, serait également seule
compétente « pour exercer (...) les missions suivantes à
l'égard de tous les établissements de crédit
établis dans les Etats membres participants : (...) pour les
établissements de crédit établis dans un État
membre non participant qui établissent une succursale ou fournissent des
services transfrontaliers dans un État membre participant, la BCE
s'acquitte (...) des missions pour lesquelles les autorités
compétentes nationales sont compétentes
»108. À la lecture de cet article, il semble que la
BCE ait une compétence exclusive lorsqu'une banque d'un État
nonparticipant souhaite exercer sa liberté au sein de la zone MSU.
107 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
108 Article 4(1)b) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
41
Pourtant, selon le règlement cadre : «
lorsqu'une succursale est moins importante (...) l'autorité
compétente nationale de l'Etat membre participant dans lequel la
succursale est établie s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'Etat membre d'accueil »109. Cet
article traite expressément de la situation où un
établissement de crédit établi hors de la zone MSU
souhaite exercer son droit d'établissement en son sein en y
établissant une succursale. Cette disposition semble faire une
distinction selon l'importance de l'établissement de crédit
contredisant donc l'existence d'une compétence exclusive de la BCE en
cette matière. Mais ici, ce n'est pas l'établissement de
crédit qui est visé mais la succursale considérée
en elle même comme formant une banque indépendamment de
l'établissement qui en est à l'origine. Ce n'est donc pas
l'importance de la banque située hors de la zone MSU qui est prise en
considération mais plutôt l'importance de la succursale qui en
émane et qui sera située dans un État membre participant.
Néanmoins, il est difficile d'imaginer un établissement «
moins important » établir une succursale importante au sein de la
zone MSU. Cependant, il est possible d'imaginer un établissement «
important » établir une succursale moins importante dans un
État faisant partie du MSU. Dans ce dernier cas, la compétence
des autorités nationales serait alors étendue puisqu'elles
pourront surveiller la succursale d'un établissement dont la
surveillance directe aurait normalement du relever de la Banque centrale
européenne si il avait été situé au sein de la zone
MSU.
*
En réalité, la seule compétence exclusive
de la BCE dans le cadre de la liberté d'établissement semble
être son pouvoir lorsqu'une banque située dans un État
membre non participant souhaite exercer la libre prestation de service dans la
zone MSU : « La BCE s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'État membre d'accueil à l'égard des
établissements de crédit établis dans des États
membres non participants et exerçant leur droit en libre prestation de
services dans des États membres participants »110.
Pour cette configuration, aucune distinction n'est prévue en fonction de
l'établissement de crédit. Les autorités nationales
n'auront donc aucun rôle puisque la BCE sera en charge des fonctions de
l'autorité d'accueil. Cette disposition est donc la seule illustration
réelle de l'article 4 du règlement MSU qui semblait accorder une
compétence large à la BCE en matière de liberté
d'établissement.
Il est étonnant que seule la libre prestation de
service des Etats membres non participants ait été confiée
à la BCE. Cette compétence se justifie peut être par la
nature du contrôle exercé lors de
109 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
110 Article 16(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
l'exercice de la libre prestation service qui repose surtout
sur l'autorité de l'État membre d'origine avec un rôle
assez faible pour l'autorité d'accueil contrairement à l'exercice
de la liberté d'établissement par la voie d'une succursale qui
impose une réelle coopération entre l'autorité d'origine
et celle de l'autorité d'accueil111. Il aurait
été impossible, pour la BCE, de s'occuper de toutes les
succursales établies au sein de la zone MSU indépendamment de
leur importance systémique.
En définitive, il est opportun que l'article 4 ait
été contredit par les dispositions du règlement cadre.
Bien que cela rende la compétence de la BCE un peu vague, les
autorités nationales disposent d'un maintien de leurs compétence
souhaitable pour les établissements de moindre importance. La BCE pourra
se concentrer sur les banques présentant un risque systémique
important.
Cette distinction selon l'importance de l'établissement
de crédit sera primordiale dans le fonctionnement courant du
Mécanisme de surveillance unique et permettra de comprendre le
rôle qu'auront les autorités nationales au sein du MSU. Dans le
cadre des compétences exclusives, le rôle de ces autorités
a souvent été cantonné à une fonction
préparatoire. Il sera intéressant d'analyser les missions de ces
dernières en termes de surveillance prudentielle. Il est indispensable
d'étudier cette question pour savoir si la BCE a véritablement le
pouvoir de contrôler toutes les banques en ne laissant plus qu'un travail
d'assistance aux autorités nationales.
42
111 Article 36 de la directive 2013/36/UE du Parlement
européen et du conseil du 26 juin 2013
43
|