B) La décision de la BCE limitée
uniquement par l'impossibilité d'évaluer les acquisitions de
participations qualifiées dans le cadre de la résolution de la
défaillance bancaire
*
Le règlement MSU, dans son article 4, dispose qu'il est
de la compétence exclusive de la BCE d'agréer les prises de
participation qualifiées dans un établissement de
crédit98. Selon le règlement, la Banque
93Article 86(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
94Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013 95Article 15(2) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 96Article 86(2) du
Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne
du 16 avril 2014 97Même article
98Article 4(1)c) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
37
centrale est seule compétente pour «
évaluer les notifications d'acquisitions et de cessions de
participations qualifiées dans les établissements de
crédit ». La BCE aura t-elle réellement un rôle
d'évaluateur ? Il est possible d'en douter puisque dans le cadre de
l'examen des compétences des autorités nationales, il a
été constaté que ces dernières avaient justement
pour fonction d'évaluer l'acquisition. Le Règlement MSU va en
réalité corriger cette première interprétation et
indiquer que « la BCE décide de s'opposer ou non à
l'acquisition»99. La BCE n'a donc pas de pouvoir exclusif
sur l'évaluation mais simplement sur la décision finale. Elle
aura le choix de s'opposer ou de ne pas s'opposer au projet proposé par
l'autorité nationale. Cette interprétation est confirmée
par le règlement cadre selon lequel la BCE « décide de
s'opposer ou de ne pas s'opposer à une acquisition
»100. Dans le cadre de sa décision, la BCE devra
bien évidemment procéder à un examen de l'acquisition mais
elle ne sera pas la seule à pouvoir effectuer cet examen contrairement
à ce qu'il aurait été possible de croire en lisant
l'article 4 du Règlement MSU.
Une autre question se pose : si une entité soumet une
notification d'acquisition à l'autorité nationale avant
l'application effective du Règlement MSU (avant le 4 novembre 2014) et
que ce dernier commence à s'appliquer pendant que la notification est en
cours d'évaluation au sein de l'autorité nationale ; faudrait-il
directement mettre en oeuvre le Mécanisme de surveillance unique et
soumettre un projet de décision à la BCE ? La réponse
semble être négative et dans ce cas, l'autorité nationale
devrait pouvoir conserver sa compétence101. Seules les
notifications soumises après le 4 novembre 2014 sont donc
concernées par le dispositif.
Contrairement à la procédure en matière
d'agrément, si la BCE ne respecte pas le délai prévu pour
rendre sa décision, les textes ne viennent pas préciser que son
silence vaudrait acceptation. Le règlement semble donc écarter
toute possibilité d'acceptation tacite de la part de la Banque centrale.
En outre, à la différence de la procédure
d'agrément, les autorités nationales n'ont ici aucun pouvoir de
décision puisqu'elles ne peuvent même pas décider
d'écarter la notification d'acquisition, elles devront, dans tous les
cas, soumettre leur projet, positif ou négatif, à la Banque
centrale.
Il convient de se demander pourquoi une telle
compétence a été confiée à la Banque
centrale européenne pour toutes les banques alors qu'il aurait
été préférable d'opérer une distinction
entre les banques qui présentent un risque systémique important
et les autres. La cohérence de cette compétence n'est pas
très claire. Dans ce cadre, la BCE dispose d'un pouvoir
décisionnaire étendu et
99Article 15(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
100 Article 87 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
101 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
38
sera obligée de se prononcer pour qu'une
décision effective soit prise puisque son silence ne vaudra pas
acceptation. Peut être aurait-il fallu au moins prévoir cette
possibilité d'acceptation tacite. L'octroi d'agrément semble tout
de même être une question plus sensible que l'acquisition de
participations qualifiées. Pourtant, la procédure d'octroi
d'agrément laisse une place plus importante aux autorités
nationales en raison, non seulement de la possibilité pour elles
d'émettre une décision négative, mais aussi du silence de
la Banque qui vaut acceptation du projet des autorités nationales.
*
Le règlement MSU semble limiter le pouvoir de la BCE au
cadre de la résolution de la défaillance bancaire : « Il
convient (...) de charger la BCE d'évaluer l'acquisition et la cession
de participations importantes dans les établissements de crédit,
sauf dans le cadre de la résolution bancaire »102.
Ce principe est réaffirmé à l'article 4§1c) du
Règlement.
Cette limite se justifie par l'application prochaine du
Mécanisme de résolution unique. En attendant, les
autorités nationales de résolution restent compétentes
lorsque des questions relatives à la prise de participation
qualifiée se posent dans le cadre de la résolution bancaire. Le
règlement MRU prévoit par exemple que lorsqu'une mesure de
résolution nécessite l'attribution d'une aide au titre du Fonds
européen de résolution, des conditions pourront être
imposées au bénéficiaire comme « des restrictions
sur les acquisitions de participations dans une entreprise, par une cession
d'actifs ou d'actions »103.
La BCE, enfin, sera également en charge de notifier sa
décision à l'établissement de
crédit104.
La Banque centrale semble disposer d'une compétence
exclusive également dans le cadre de la liberté
d'établissement bien que cette dernière compétence soit
peu claire.
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