Section 2 : L'emprise de la Banque centrale
européenne sur d'autres aspects de la surveillance prudentielle
La BCE aura une compétence exclusive en cas
d'acquisitions de participations qualifiées dans un établissement
de crédit, elle aura pour fonction de donner son accord ou pas à
l'acquisition envisagée (I). En outre, le règlement MSU semble
accorder un pouvoir exclusif à la Banque centrale sur certains aspects
ayant trait à la liberté d'établissement des banques
(II).
I. La curieuse compétence spécifique de la
BCE en matière d'acquisitions de participations qualifiées
Une participation qualifiée est définie comme le
fait de détenir, directement ou indirectement, au moins 10% des droits
de vote ou du capital d'une entreprise ou tout autre possibilité
d'exercer une influence notable sur la gestion de cette
entreprise88. L'acquisition d'une telle participation dans un
établissement de crédit sera soumise à l'autorisation de
la BCE après un premier examen par les autorités nationales.
Une évaluation de ce genre d'acquisition est
indispensable. Cela permet d'assurer la solidité financière des
actionnaires majoritaires des établissements de crédit. Le
règlement MSU affiche une volonté nette de confier l'autorisation
d'une telle acquisition à la Banque centrale89.
86The single supervisory mechanism or
«SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
87Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 88Article 4(35)
du Règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du
conseil du 26 juin 2013 89Considérant 22 du Règlement
(UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
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Comme en matière d'agrément, il semble
s'opérer sur la question de l'acquisition de participations
qualifiées une distinction entre l'entité qui prépare le
projet de décision et la décision en elle même. Les
autorités nationales sont encore une fois cantonnées à un
rôle d'assistance (A) qui laisse un large pouvoir d'appréciation
à la Banque centrale européenne (B).
A) Un rôle résiduel des autorités
nationales marqué par l'absence de tout pouvoir décisionnaire
*
L'entité souhaitant acquérir une participation
qualifiée doit soumettre son projet à l'autorité
compétente nationale de l'Etat membre dans lequel est établi
l'établissement qui doit faire l'objet de l'acquisition90.
Le règlement cadre vient préciser la
procédure à suivre et l'attitude que doit adopter
l'autorité compétente lorsqu'elle reçoit une notification
d'une intention d'acquérir une participation qualifiée : elle
« informe la BCE de cette notification, au plus tard cinq jours
ouvrables à compter de l'accusé réception
»91.
*
L'autorité compétente, une fois qu'elle a
examiné le projet d'acquisition le soumet à la Banque centrale
européenne, seule compétente pour décider de façon
définitive.
L'examen effectué par l'autorité
compétente se base sur « les dispositions pertinentes du droit
national »92. Il faut interpréter le texte comme
englobant les règlements européens en plus du droit national. Il
est dommage que soit faite une distinction entre droit national et droit de
l'Union européenne puisque les autorités compétentes se
doivent de toute manière d'appliquer le droit de l'Union. La seule
utilité de cette disposition est donc de rappeler qu'elles doivent, en
plus, se fonder sur les dispositions qu'elles auraient ajouté au
delà de celles des règlements européens. D'autant plus que
le règlement cadre dispose clairement que « l'autorité
compétente nationale à laquelle est notifiée une intention
d'acquérir une participation qualifiée dans un
établissement de crédit examine si cette acquisition
éventuelle satisfait à toutes les conditions prévues par
les dispositions pertinentes du droit
90Guide relatif à la surveillance
bancaire-Septembre 2014
91Article 85(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
92Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013
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de l'Union et du droit national »93.
La proposition de décision de l'autorité
nationale doit évaluer l'acquisition proposée en se fondant
« sur les critères prévus dans les actes visés
à l'article 4, paragraphe 3, premier alinéa
»94. Cela confirme donc que l'autorité devra
s'appuyer à la fois sur le droit de l'Union et sur son droit national.
En matière de délai, l'autorité nationale doit transmettre
son projet de décision « au moins dix jours ouvrables avant
l'expiration de la période d'évaluation définie dans les
dispositions pertinentes du droit de l'Union »95. Ici, le
règlement cadre prévoit que l'autorité nationale
présente son projet de décision « au moins quinze jours
ouvrables »96 avant l'expiration de la période. Le
même problème que pour l'octroi d'agrément risque de se
poser en matière d'agrément de participation qualifiée si
la BCE ne dispose que de dix ou quinze jours pour rendre une décision
définitive sur l'acquisition.
Une fois le projet d'acquisition examiné par les
autorités nationales, elles devront soumettre un projet de
décision qui proposera à la BCE de s'opposer ou non à
l'acquisition97.
Il est étrange de ne pas avoir confié, au moins
pour partie, la possibilité d'autoriser une participation
qualifiée aux autorités nationales qui, une fois de plus,
examineront le projet d'acquisition mais dépendront de la BCE pour la
décision définitive. Néanmoins, les autorités
nationales demeureront compétentes pour autoriser les prises de
participations qualifiées dans d'autres entités, par exemple les
sociétés de financement, puisque le MSU ne concerne que les
établissements de crédit.
La décision de la BCE comportera t-elle des limites
sérieuses comme en matière de retrait d'agrément ou, au
contraire, sera-t-elle dépourvue de toute restriction ?
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