B) Une décision relative au retrait
d'agrément par la BCE fortement influencée par les
autorités de résolution nationales
Les autorités de résolution nationales auront un
rôle primordial (2) qui influera sur la compétence exclusive de la
BCE en matière de décision de retrait d'agrément(1).
1) La décision de la BCE décidant du retrait
d'agrément
Tout comme la délivrance de l'agrément, son
retrait est considéré comme « un dispositif prudentiel
clé » par le règlement MSU. Seule la BCE doit donc en
être en charge77.
La BCE est la seule entité pouvant véritablement
prendre la décision de retirer l'agrément d'un
établissement de crédit : « La BCE est (...) seule
compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle,
les missions suivantes à l'égard de tous les
établissements de crédit établis dans les Etats membres
participants : (...) retirer les agréments des établissements de
crédit »78.
Dans la plupart des configurations, comme évoqué
plus haut, la BCE devra examiner les projets de décision de retrait
d'autorisation qui lui seront soumis par les autorités nationales. A cet
égard, le règlement cadre prévoit que la Banque centrale
devra les examiner « dans les meilleurs délais
»79. Ici, à la différence de la
procédure d'octroi de l'agrément, aucun délai
précis n'est indiqué. Cela ne permet donc pas de faire jouer la
procédure de l'acceptation tacite. Il aurait éventuellement
été préférable de prévoir le même
dispositif qu'en matière de délivrance de l'agrément. En
effet, le fait, pour une entité souhaitant exercer une activité
bancaire, de ne pas se voir octroyer l'autorisation n'a pas de
conséquences néfastes directes, en revanche, le retrait
d'agrément peut parfois être urgent et il est dommage que le
règlement ne prévoie pas que le silence de la BCE vaille
acceptation de la décision relative au retrait d'agrément. Il est
néanmoins prévu, dans le règlement cadre que la BCE «
tient notamment compte des raisons avancées par l'autorité
compétente nationale pour justifier l'urgence »80.
Cependant, cette disposition n'apporte pas beaucoup de précision sur le
délai que devrait concrètement respecter la Banque centrale en
cas d'urgence.
En réalité, l'absence de délai concret se
justifie peut être par les conséquences que peut avoir un
retrait
77Considérant 20 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 78Article 4(1)a) du
Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
79Article 81(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 80Même
article
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d'agrément : entre autres les transferts d'actifs, les
répercussions sur les déposants et les mesures de
résolution. En prenant en compte ces éléments, il est
alors possible de comprendre la nécessité d'un véritable
double contrôle relatif au retrait d'agrément.
Lorsqu'elle examinera des projets de retraits émanant
d'une autorité nationale, la BCE devra également « tenir
pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par
l'autorité compétente nationale »81. Le
règlement MSU n'est pas très précis. Dans quelle mesure la
BCE devra t-elle en tenir compte ? Cette disposition semble instaurer un
semblant de coopération entre autorité nationale de surveillance
et Banque centrale alors qu'en réalité la BCE procèdera
simplement à un second contrôle au regard des exigences qui sont
les siennes en matière d'agrément bancaire. Le
règlement-cadre n'apporte pas beaucoup d'éléments ajoutant
simplement que la BCE devra également tenir compte de la consultation de
l'autorité nationale et, si cette dernière n'est pas
l'autorité nationale de résolution, de l'autorité
nationale de résolution. Enfin, la Banque devra également prendre
en considération les « observations présentées
par l'établissement de crédit ».82
A ce stade, peu de contraintes se posent à la Banque
Centrale européenne lorsqu'elle décide de retirer un
agrément. Elle semble bien avoir un pouvoir assez étendu en la
matière. Pourtant, les règlements ont accordé aux
autorités de résolution nationales un contrepoids leur permettant
de peser de façon notable sur la décision de retrait
d'agrément.
2) Les autorités de résolution nationales pouvant
s'opposer au retrait d'agrément par la BCE
Le retrait d'agrément a, comme il a été
évoqué, de sérieuses conséquences et engendre des
mesures de résolution. Le mécanisme de résolution unique
n'est pas encore effectif, par conséquent, la compétence en
matière de résolution bancaire est encore dévolue aux
autorités nationales. En France, par exemple, l'ACPR est
également l'autorité de résolution.
Dans quelle proportion les autorités de
résolution nationales pourront elles influer sur la décision de
retrait d'agrément ?
Selon le règlement MSU : « tant que les
autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des
établissements de crédit à une procédure de
résolution » ; elles peuvent soulever des objections à
l'encontre de la décision de la BCE pour des raisons
précisées par les textes : soit que le retrait nuise
81Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
82Article 83(2) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
33
à la mise en oeuvre des mesures nécessaires
à la résolution, soit qu'il nuise au maintien de la
stabilité financière83.
Le plus surprenant est la conséquence de cette
objection : « dans ce cas, la BCE s'abstient de procéder
à un retrait pendant une période fixée d'un commun accord
avec les autorités nationales »84.
L'autorité de résolution a donc le pouvoir de bloquer le retrait
d'agrément. Cette disposition donne un rôle primordial à
ces autorités.
Il est néanmoins possible de critiquer cette solution
sur un point : le règlement ne distingue pas selon l'entité qui a
pris l'initiative du retrait d'agrément. Si cette solution se justifie
parfaitement lorsque la BCE prend la décision de retirer un
agrément de sa propre initiative car elle s'inscrit comme un
contrepouvoir et respecte pleinement la souveraineté des
autorités nationales ; il est étrange que la solution soit
également applicable lorsque les autorités nationales ont pris
l'initiative de la décision et ont soumis un projet à la BCE.
Dans le cas de la France, par exemple, l'ACPR soumettrait un projet de retrait
et pourrait par la suite s'opposer à sa confirmation par la BCE.
Même dans les États où les deux autorités sont
séparées, il n'est pas souhaitable que l'autorité de
résolution s'oppose à un projet émanant de
l'autorité de surveillance prudentielle pour des raisons de
cohérence nationale.
Bien que ce contrepouvoir apparaisse très avantageux
pour les autorités de résolution nationale, il n'est pas
absolu.
Il faut analyser ce qu'il se passe après la
période convenue « au cours de laquelle la BCE s'abstiendra de
procéder au retrait d'agrément ». Selon le
règlement cadre, une fois la période passée, la BCE est
libre de décider du retrait d'agrément. Mais cet article est un
peu ambigu car il y est également écrit à la suite :
« si l'autorité de résolution ne soulève pas
d'objections à l'encontre du retrait d'agrément, ou si la BCE
décide que les mesures nécessaires au maintien de la
stabilité financière n'ont pas été mises en oeuvre
par les autorités nationales », l'article relatif à la
décision de retrait d'agrément s'applique85. La
compréhension de cet article n'est pas simple. Il serait possible de
croire que l'autorité de résolution nationale pourrait de nouveau
s'opposer au retrait à la suite de l'expiration de la période.
Mais cette interprétation donnerait un pouvoir trop grand à
l'autorité en question. Une autre solution consisterait à penser
qu'à la fin de la période concernée, la BCE
déciderait si elle considère que les mesures nécessaires
ont été ou pas mises en oeuvre par les autorités de
résolution. Si elle estime que
83Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
84Même article
85Article 84(2)et(3) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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tel n'est pas le cas, elle aurait alors le pouvoir de
prononcer le retrait d'agrément. Cette dernière
interprétation domine86 et elle est préférable
car autrement, les autorités de résolution pourraient bloquer
indéfiniment le retrait d'agrément et les problématiques
de favoritisme pourraient à nouveau se poser.
Enfin, la BCE est également chargée par le
règlement cadre de notifier la décision de retrait
d'agrément à l'établissement
concerné87.
Les problématiques liées à
l'agrément ne sont pas les seules à rentrer dans le giron des
compétences exclusives de la Banque centrale européenne ; d'autre
domaines en font également partie.
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