II. L'interaction inéquitable entre les
autorités nationales et la banque centrale européenne dans le
cadre de la procédure de retrait d'agrément
L'initiative du retrait d'agrément peut être
décidée soit par la Banque centrale européenne, soit par
les autorités nationales (A) mais la décision finale ne peut
être prise que par la BCE même si les autorités de
résolution nationales sont susceptibles d'avoir une forte influence sur
cette décision (B).
A) Une initiative de retrait d'autorisation
partagée entre la Banque centrale européenne et les
autorités nationales
Bien qu'étant une compétence exclusive de la
Banque centrale européenne, le retrait d'agrément peut être
proposé par une autorité nationale (1). Il est néanmoins
nécessaire que la Banque centrale dispose, elle aussi de ce pouvoir
d'initiative (2), notamment pour des raisons de stabilité du
système financier.
1) L'initiative émanant d'une autorité nationale
D'après le règlement MSU : « Lorsque
l'autorité compétente nationale qui a proposé
l'agrément (...) estime que l'agrément doit être
retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en
ce
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sens à la BCE »71. La notion
de droit national semble inclure également les dispositions issues du
droit de l'Union européenne car il serait difficile d'imaginer que
l'autorité nationale puisse décider d'un projet de
décision favorable concernant l'octroi d'agrément en s'appuyant
sur les règlements européens et qu'elle ne puisse se fonder, pour
le retrait, que sur ses dispositions de droit interne sans tenir compte des
règlements.
Le règlement cadre confirme la possibilité pour
une autorité nationale de proposer à la BCE un retrait
d'agrément concernant un établissement de crédit. Elle
peut proposer soit un retrait total, soit un retrait partiel72.
En France, cette solution a été actée
dans l'ordonnance du 6 novembre 2014 : « Dans le cas où
l'établissement est un établissement de crédit,
l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution demande
à la Banque centrale européenne de prononcer le retrait (...)
d'agrément »73. L'ACPR continuera d'être
pleinement compétente en matière de retrait d'agrément si
l'établissement qui se le voit retirer n'est pas un établissement
de crédit mais, par exemple, une entreprise d'assurances.
Il est souhaitable que l'autorité nationale puisse
proposer un retrait d'agrément à la Banque centrale
européenne car elle est certainement la mieux placée pour savoir
si les établissements sur lesquels elle a compétence continuent
de respecter les conditions de l'autorisation d'exercer. De plus cela permettra
de soulager la Banque centrale qui ne peut pas surveiller activement toutes les
banques des États de la zone euro. Ainsi ce double pouvoir d'initiative
va permettre d'exercer une surveillance rapprochée des banques qui
courront le risque de se faire repérer par l'autorité nationale
ou la Banque centrale.
2) L'initiative émanant de la BCE
La BCE peut également être à l'initiative
du retrait d'agrément sans attendre de proposition quelconque de la part
de l'autorité de régulation nationale : « la BCE peut
retirer l'agrément de sa propre initiative »74.
Le règlement cadre est plus précis et explique
les raisons pouvant amener la BCE à prendre l'initiative de retirer un
agrément : « Si la BCE prend connaissance de circonstances qui
pourraient justifier le
71Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
72Article 80(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
73Article 2 de l'Ordonnance n°2014-1332 du 6
novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la
législation au mécanisme de surveillance unique des
établissements de crédit
74Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
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retrait d'un agrément, elle examine à sa
propre initiative si l'agrément doit être retiré
conformément au droit applicable de l'Union »75. Le
règlement cadre prévoit ensuite que la BCE, lorsqu'elle envisage
de retirer un agrément, doit consulter l'autorité
compétente de l'État membre dans lequel l'établissement de
crédit est établi76.
Il aurait été souhaitable d'avoir plus
d'informations sur la notion de circonstances pouvant justifier le retrait d'un
agrément. Pour prendre connaissance de ces circonstances, plusieurs
solutions sont possibles : soit une information de la part de l'autorité
nationale mais auquel cas, il s'agirait d'un retrait à l'initiative de
cette dernière, soit une information publique sur le caractère
instable d'un établissement de crédit, ou alors la BCE prendrait
connaissance de ces circonstances à l'occasion d'une inspection. Dans ce
dernier cas, il semblerait, qu'en majorité, seuls les
établissements d'une certaine importance soient concernés par ces
inspections de la BCE. N'est-ce donc pas une façon d'introduire une
distinction selon l'importance de l'établissement de crédit ?
Il est possible de se demander si la BCE exercera souvent ce
pouvoir d'initiative ou si elle préfèrera se reposer sur les
compétences des autorités nationales. Mis à part dans des
situations extrêmes où un établissement de crédit ne
respecterait plus les conditions de son agrément de façon
notoire, et si l'autorité nationale refuse d'agir, il est difficile
d'imaginer la BCE passer du temps à rechercher des informations sur
chaque banque en vue de découvrir des éléments pouvant
mener au retrait d'agrément. Encore une fois, ce double pouvoir
d'initiative semble être assez théorique et ne devrait pas
être souvent exercé par la Banque centrale.
Contrairement à la procédure d'agrément
qui aurait certainement dû rester entièrement entre les mains des
autorités nationales, la possibilité pour la BCE de retirer
l'agrément de sa propre initiative est plus opportune. Même si
elle sera certainement peu mise en oeuvre, il aurait été
préjudiciable qu'une autorité nationale refuse de proposer un
retrait d'agrément d'un établissement soumis à sa
juridiction pour des raisons de préférence nationale. Ce pouvoir
d'initiative de la BCE permet de rationaliser la procédure de retrait
d'autorisation. De plus, le fait que l'autorité nationale refuse de
soumettre un projet de décision favorable relatif à l'octroi de
l'agrément ne fait pas courir de risque au système financier
puisque cette décision aura seulement pour effet de ne pas faire rentrer
une nouvelle entité bancaire. En revanche la décision de ne pas
soumettre un projet de retrait d'agrément pourrait avoir des effets
dévastateurs, surtout s'il s'agit d'un établissement de
crédit ayant une importance systémique. Sans ce pouvoir
d'initiative de la BCE, sa compétence exclusive relative au retrait
75Article 82(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
76Article 82(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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d'agrément aurait été réduite
à néant.
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