B) Une décision positive finale dépendant
uniquement de la Banque centrale européenne
La Banque centrale a la possibilité de rejeter un
projet de décision favorable (1) sans que ne pèsent, sur cette
dernière, de contraintes excessives (2).
1) La possibilité pour la BCE de rejeter un projet de
décision favorable soumis par une autorité nationale
Le règlement MSU liste plusieurs tâches pour
lesquelles seule la Banque centrale européenne aura compétence :
la délivrance de l'agrément est l'une d'entre elles. Toutes les
banques seront soumises au même régime, indépendamment de
leur taille ou de leur importance financière : « la BCE est,
(...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance
prudentielle, les missions suivantes à l'égard de tous les
établissements de crédit établis dans les Etats membres
participants (...) : agréer les établissements de crédit
»63.
La volonté est claire : l'agrément est
considéré par les règlements européens comme un
point clé, trop
61Voir : article L511-10 du code monétaire et
financier pour le cas de l'Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution 62Article 88(3) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
63Article 4(1)a) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
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crucial pour être laissé au choix des
autorités compétentes : « L'agrément
préalable pour l'accès à l'activité
d'établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé
(...). La BCE devrait, par conséquent, être chargée
d'agréer les établissements de crédit souhaitant
s'établir dans un Etat membre participant »64. Ce
choix marque peut être un manque de confiance dans les autorités
nationales. Pourquoi la BCE serait-elle compétente dans le cadre de
l'octroi de l'autorisation alors qu'il sera étudié plus tard que
pour d'autres domaines, une distinction est faite selon l'importance de la
taille des établissements de crédit ? Seuls les plus importants
relevant de la compétence directe de la Banque centrale.
Une fois que le projet de décision est soumis à
la BCE, celle-ci doit l'examiner au regard du droit de l'Union
européenne65. Elle ne peut donc pas prendre en compte les
spécificités des différents droits nationaux. Pourtant,
l'autorité nationale, avant de soumettre le projet de décision a
effectué un examen non seulement au regard des dispositions du droit de
l'Union, mais également au regard de son droit national. Il s'agit donc
forcément d'un contrôle plus strict. Il est difficile de
comprendre l'utilité d'un second contrôle par la Banque centrale
qui prendrait en compte moins d'éléments pour l'octroi de
l'agrément. En réalité il est prévu par le
règlement cadre que « la BCE adopte une décision
d'octroi d'agrément si le demandeur satisfait à toutes les
conditions d'agrément prévues conformément aux
dispositions pertinentes du droit de l'Union et du droit national de l'Etat
membre dans lequel le demandeur est établi »66.
Doit-on comprendre que la BCE procède à un premier examen
n'impliquant que le droit de l'Union dans un premier temps et qu'une fois
qu'elle constate que sont remplies les conditions du droit de l'Union, elle
procède à l'examen de la conformité de la demande aux
dispositions du droit national en question ? Cette interprétation serait
très dommageable car la Banque centrale n'est pas la mieux placée
pour juger de la conformité au droit national d'un État membre,
cela induirait, en plus, des disparités entre les différents
droits. Il faut espérer une autre interprétation. Cela pourrait,
en effet, vouloir dire que la BCE, dès lors qu'elle reçoit un
projet de décision, considère que ce dernier remplit les
conditions du droit national. Elle procède donc uniquement à
l'examen de la conformité au droit de l'Union. Une fois qu'elle constate
que la demande remplit les conditions du droit de l'Union, elle octroie
l'agrément sans effectuer de contrôle de conformité au
droit national.
Si elle décide d'octroyer ou de refuser
l'agrément, la BCE doit notifier sa décision à
l'autorité compétente nationale « dans les meilleurs
délais »67.
64Considérant 20 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
65Article 14(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
66Article 78(4) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
67Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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Existe-t-il des restrictions à la possibilité, pour
la BCE, de rejeter un projet de décision favorable ?
2) Les contraintes à la possibilité pour la BCE de
rejeter un projet de décision favorable
En général, les raisons du refus
d'agrément sont assez similaires : il peut s'agir d'une entité
n'ayant pas une base économique assez solide, ou ayant une mauvaise
organisation ne lui assurant pas une résistance suffisante face aux
risques inhérents à l'activité bancaire, ou encore un
personnel ne remplissant pas les conditions d'honorabilité.
La Banque centrale a des contraintes en matière de
refus d'agrément, notamment le temps : « le projet de
décision est réputé adopté par la BCE si celle-ci
ne s'y oppose pas dans un délai maximal de dix jours ouvrables, qui
peut, dans des cas dûment justifiés, être prorogé une
fois de la même durée »68. La Banque centrale
n'a pas un délai illimité pour décider du bienfondé
de la demande d'agrément. Elle n'a que dix, voire vingt jours tout au
plus pour rendre son verdict. Etait-ce bien nécessaire de confier une
tâche d'une telle importance à la BCE ? Il est possible de penser
qu'en pratique la BCE n'interviendra que rarement pour contredire un projet de
décision favorable. Les autorités nationales disposent de
plusieurs mois pour effectuer un test de conformité. Comment la BCE
pourra-t-elle examiner sérieusement un dossier en dix jours ? Le risque
est qu'elle ne s'occupe que de certains dossiers par manque de temps.
La Banque centrale, si elle refuse l'agrément, doit en
communiquer les motifs69 : il est heureux qu'une telle exigence ait
été spécifiée. Il serait opportun,
également, que la BCE, dans sa motivation, explique, pourquoi elle a
décidé de réexaminer tel projet de décision et non
pas tel autre afin que son choix s'effectue au regard de critères
objectifs et rationnels.
Avant de rendre sa décision de refus d'agrément,
la Banque centrale, dès lors qu'elle constate que les conditions ne sont
pas remplies, doit donner « au demandeur la possibilité de
présenter des observations par écrit sur les faits et les motifs
qui sont pris en compte pour l'examen »70. Cette
disposition est une garantie nécessaire pour l'entité candidate
qui pourra s'expliquer avec la BCE.
En réalité, le temps semble être la seule
réelle contrainte de la BCE si elle décide de ne pas octroyer un
agrément malgré le projet de décision favorable de
l'autorité nationale compétente. Si elle fait preuve de
célérité, elle a donc potentiellement le pouvoir de
refuser toutes les demandes d'agrément
68Article 14(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
69Même article
70Article 77(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
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à l'encontre de la volonté des autorités
nationales. Cette solution semble excessive et, en pratique, ne sera sans doute
pas mise en oeuvre souvent.
Il est inutile de confier à la BCE un pouvoir d'une
telle importance si ce dernier n'est exercé qu'avec parcimonie. Cette
compétence pourrait bien n'être que théorique. Il est fort
possible que les autorités conservent, de fait, le même pouvoir
sur les agréments qu'elles ont eu jusqu'à présent en
raison des conséquences de l'absence de réponse de la BCE
après dix jours. Si la Banque centrale ne se prononce pas sur le projet
de décision après ce délai, il sera
considéré comme adopté. L'absence de réaction de la
BCE conserverait donc la compétence des autorités nationales. Le
rôle de ces dernières qui, au vu des règlements, avait tout
d'un rôle d'assistant ou de préparateur, pourrait en fait se
révéler bien plus primordial si la Banque centrale ne traite pas
promptement les projets de décision qui lui sont soumis.
Une fois l'obtention de l'agrément acquise, il faut
continuer à respecter les conditions de l'autorisation durant l'exercice
de l'activité bancaire au risque de se la voir retirer. Comment se
déroule la procédure de retrait d'agrément dans le cadre
du MSU ?
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