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Le caractère supranational de la banque centrale européenne au sein du mécanisme de surveillance unique.


par Thibault Fava
Université Paris-Dauphine - Master 2 droit des affaires 2015
  

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B) Une décision positive finale dépendant uniquement de la Banque centrale européenne

La Banque centrale a la possibilité de rejeter un projet de décision favorable (1) sans que ne pèsent, sur cette dernière, de contraintes excessives (2).

1) La possibilité pour la BCE de rejeter un projet de décision favorable soumis par une autorité nationale

Le règlement MSU liste plusieurs tâches pour lesquelles seule la Banque centrale européenne aura compétence : la délivrance de l'agrément est l'une d'entre elles. Toutes les banques seront soumises au même régime, indépendamment de leur taille ou de leur importance financière : « la BCE est, (...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l'égard de tous les établissements de crédit établis dans les Etats membres participants (...) : agréer les établissements de crédit »63.

La volonté est claire : l'agrément est considéré par les règlements européens comme un point clé, trop

61Voir : article L511-10 du code monétaire et financier pour le cas de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 62Article 88(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

63Article 4(1)a) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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crucial pour être laissé au choix des autorités compétentes : « L'agrément préalable pour l'accès à l'activité d'établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé (...). La BCE devrait, par conséquent, être chargée d'agréer les établissements de crédit souhaitant s'établir dans un Etat membre participant »64. Ce choix marque peut être un manque de confiance dans les autorités nationales. Pourquoi la BCE serait-elle compétente dans le cadre de l'octroi de l'autorisation alors qu'il sera étudié plus tard que pour d'autres domaines, une distinction est faite selon l'importance de la taille des établissements de crédit ? Seuls les plus importants relevant de la compétence directe de la Banque centrale.

Une fois que le projet de décision est soumis à la BCE, celle-ci doit l'examiner au regard du droit de l'Union européenne65. Elle ne peut donc pas prendre en compte les spécificités des différents droits nationaux. Pourtant, l'autorité nationale, avant de soumettre le projet de décision a effectué un examen non seulement au regard des dispositions du droit de l'Union, mais également au regard de son droit national. Il s'agit donc forcément d'un contrôle plus strict. Il est difficile de comprendre l'utilité d'un second contrôle par la Banque centrale qui prendrait en compte moins d'éléments pour l'octroi de l'agrément. En réalité il est prévu par le règlement cadre que « la BCE adopte une décision d'octroi d'agrément si le demandeur satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues conformément aux dispositions pertinentes du droit de l'Union et du droit national de l'Etat membre dans lequel le demandeur est établi »66. Doit-on comprendre que la BCE procède à un premier examen n'impliquant que le droit de l'Union dans un premier temps et qu'une fois qu'elle constate que sont remplies les conditions du droit de l'Union, elle procède à l'examen de la conformité de la demande aux dispositions du droit national en question ? Cette interprétation serait très dommageable car la Banque centrale n'est pas la mieux placée pour juger de la conformité au droit national d'un État membre, cela induirait, en plus, des disparités entre les différents droits. Il faut espérer une autre interprétation. Cela pourrait, en effet, vouloir dire que la BCE, dès lors qu'elle reçoit un projet de décision, considère que ce dernier remplit les conditions du droit national. Elle procède donc uniquement à l'examen de la conformité au droit de l'Union. Une fois qu'elle constate que la demande remplit les conditions du droit de l'Union, elle octroie l'agrément sans effectuer de contrôle de conformité au droit national.

Si elle décide d'octroyer ou de refuser l'agrément, la BCE doit notifier sa décision à l'autorité compétente nationale « dans les meilleurs délais »67.

64Considérant 20 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

65Article 14(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

66Article 78(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 67Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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Existe-t-il des restrictions à la possibilité, pour la BCE, de rejeter un projet de décision favorable ?

2) Les contraintes à la possibilité pour la BCE de rejeter un projet de décision favorable

En général, les raisons du refus d'agrément sont assez similaires : il peut s'agir d'une entité n'ayant pas une base économique assez solide, ou ayant une mauvaise organisation ne lui assurant pas une résistance suffisante face aux risques inhérents à l'activité bancaire, ou encore un personnel ne remplissant pas les conditions d'honorabilité.

La Banque centrale a des contraintes en matière de refus d'agrément, notamment le temps : « le projet de décision est réputé adopté par la BCE si celle-ci ne s'y oppose pas dans un délai maximal de dix jours ouvrables, qui peut, dans des cas dûment justifiés, être prorogé une fois de la même durée »68. La Banque centrale n'a pas un délai illimité pour décider du bienfondé de la demande d'agrément. Elle n'a que dix, voire vingt jours tout au plus pour rendre son verdict. Etait-ce bien nécessaire de confier une tâche d'une telle importance à la BCE ? Il est possible de penser qu'en pratique la BCE n'interviendra que rarement pour contredire un projet de décision favorable. Les autorités nationales disposent de plusieurs mois pour effectuer un test de conformité. Comment la BCE pourra-t-elle examiner sérieusement un dossier en dix jours ? Le risque est qu'elle ne s'occupe que de certains dossiers par manque de temps.

La Banque centrale, si elle refuse l'agrément, doit en communiquer les motifs69 : il est heureux qu'une telle exigence ait été spécifiée. Il serait opportun, également, que la BCE, dans sa motivation, explique, pourquoi elle a décidé de réexaminer tel projet de décision et non pas tel autre afin que son choix s'effectue au regard de critères objectifs et rationnels.

Avant de rendre sa décision de refus d'agrément, la Banque centrale, dès lors qu'elle constate que les conditions ne sont pas remplies, doit donner « au demandeur la possibilité de présenter des observations par écrit sur les faits et les motifs qui sont pris en compte pour l'examen »70. Cette disposition est une garantie nécessaire pour l'entité candidate qui pourra s'expliquer avec la BCE.

En réalité, le temps semble être la seule réelle contrainte de la BCE si elle décide de ne pas octroyer un agrément malgré le projet de décision favorable de l'autorité nationale compétente. Si elle fait preuve de célérité, elle a donc potentiellement le pouvoir de refuser toutes les demandes d'agrément

68Article 14(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

69Même article

70Article 77(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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à l'encontre de la volonté des autorités nationales. Cette solution semble excessive et, en pratique, ne sera sans doute pas mise en oeuvre souvent.

Il est inutile de confier à la BCE un pouvoir d'une telle importance si ce dernier n'est exercé qu'avec parcimonie. Cette compétence pourrait bien n'être que théorique. Il est fort possible que les autorités conservent, de fait, le même pouvoir sur les agréments qu'elles ont eu jusqu'à présent en raison des conséquences de l'absence de réponse de la BCE après dix jours. Si la Banque centrale ne se prononce pas sur le projet de décision après ce délai, il sera considéré comme adopté. L'absence de réaction de la BCE conserverait donc la compétence des autorités nationales. Le rôle de ces dernières qui, au vu des règlements, avait tout d'un rôle d'assistant ou de préparateur, pourrait en fait se révéler bien plus primordial si la Banque centrale ne traite pas promptement les projets de décision qui lui sont soumis.

Une fois l'obtention de l'agrément acquise, il faut continuer à respecter les conditions de l'autorisation durant l'exercice de l'activité bancaire au risque de se la voir retirer. Comment se déroule la procédure de retrait d'agrément dans le cadre du MSU ?

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery