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Le caractère supranational de la banque centrale européenne au sein du mécanisme de surveillance unique.


par Thibault Fava
Université Paris-Dauphine - Master 2 droit des affaires 2015
  

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Partie I : L'Effacement des autorités nationales dans le cadre des compétences
exclusives de la Banque centrale européenne

La BCE s'est vue conférer, par le règlement MSU, certaines compétences exclusives, la plus parlante d'entre elles est certainement la possibilité d'octroyer et de retirer l'agrément (Section 1). L'agrément bancaire se définit comme un acte émanant des autorités, quelle qu'en soit la forme, qui confère le droit d'exercer l'activité49. L'agrément est donc un élément indispensable pour toute entité souhaitant exercer une activité bancaire. Accorder l'agrément aux établissements de crédit était l'un des rôles fondamentaux des autorités de surveillance nationales. Le retrait d'agrément, quant à lui, est, en quelque sorte, l'arme de dernier recours à l'encontre d'un établissement de crédit ne remplissant plus les conditions de son autorisation.

Au delà de la procédure relative à l'agrément, la BCE s'est vue conférer d'autres compétences exclusives, en matière d'acquisitions de participations qualifiées dans un établissement de crédit et dans le cadre de la liberté d'établissement (Section 2). Ces compétences seront examinées de manière moins approfondie que les compétences relatives à l'agrément, surtout la compétence exclusive de la BCE dans le cadre de la liberté d'établissement qui, au vu des règlements, semble peu claire.

La plupart de ces compétences exclusives sont appelées : « procédures communes » par le règlement cadre de 201450. L'emploi de ces termes signifie bien que les autorités nationales ne seront pas dépourvues de toute fonction. Les autorités nationales continueront, certes, d'avoir un rôle, cependant, ce dernier ne sera quasiment jamais décisif puisque le pouvoir sera entre les mains de la Banque centrale européenne. Il est donc permis de penser que, si le Mécanisme de surveillance unique n'est pas, en lui même, un simple transfert de souveraineté quant à la surveillance prudentielle des établissements de crédit, il est difficile de regarder autrement les compétences exclusives de la BCE.

Section 1 : La modestie du rôle des autorités nationales lors de l'accès à l'exercice de

l'activité bancaire

Il conviendra d'évoquer premièrement la procédure de délivrance de l'agrément (I) qui, tout en ôtant

49Article 4(1)42) du Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n°648/2012

50Partie V du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (BCE/2014/17).

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le droit pour les autorités nationales d'octroyer une autorisation, leur laisse la possibilité de la leur refuser. Pour ce qui est de la procédure de retrait (II), cette dernière s'analyse comme une interaction entre BCE et autorités nationales qui peuvent toutes deux prendre l'initiative de retirer une autorisation d'exercer. Cependant le retrait effectif nécessitera forcément une intervention de la Banque centrale européenne.

I. L'impossibilité dommageable pour les autorités nationales de délivrer l'agrément indépendamment d'une décision de la BCE

L'octroi de l'agrément sera désormais soumis à une sorte de double autorisation : le candidat à l'obtention de l'autorisation d'exercer l'activité bancaire devra mener la procédure devant les autorités nationales (A) mais la décision d'octroi effectif ne pourra être prise que par la Banque centrale européenne malgré l'opinion favorable que pourraient avoir les autorités nationales sur un dossier leur ayant été soumis (B).

A) Une procédure largement menée par les autorités nationales pouvant aboutir à un rejet de la demande d'agrément

*

Les établissements de crédit ne devront pas soumettre leur demande d'autorisation directement devant la BCE. En effet, les autorités nationales continueront d'être compétentes. Ainsi, par exemple, le code monétaire et financier dispose, même après sa modification liée au MSU, que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : « est chargée d'examiner les demandes d'autorisations ou de dérogations individuelles qui lui sont adressées »51. La solution a été reprise dans le règlement cadre de 2014 : « l'autorité compétente nationale à laquelle est soumise une demande examine si le requérant satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent de l'Etat membre de l'autorité compétente nationale »52. Ce choix de ne pas impliquer tout de suite la Banque centrale européenne peut paraître judicieux. Il aurait été difficile pour la Banque centrale de gérer les procédures de demandes d'agrément de tous les candidats de la zone euro.

Le guide relatif à la surveillance bancaire confirme le fait que les demandes d'agrément sont adressées à l'autorité compétente nationale. Il est, de plus, précisé qu'il s'agit de l'autorité de l'État membre dans

51Article L612-1(II)1° du code monétaire et financier

52Article 74 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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lequel l'entité candidate souhaite s'établir53. Ce renseignement n'est pas sans importance, notamment dans le cas d'un groupe transfrontalier. En réalité le guide ne fait qu'expliquer les dispositions du règlement MSU : « Toute demande d'agrément pour l'accès à l'activité d'un établissement de crédit devant être établi dans un État membre participant est soumise aux autorités compétentes nationales de l'État membre où l'établissement de crédit doit être établi »54.

Les autorités nationales auxquelles le dossier aura été soumis examineront la demande au regard, certes, du droit européen, mais également de leurs droit nationaux respectifs qui sur certains points peuvent varier. En effet, le règlement MSU, lui même, rappelle que « outre les conditions d'agrément des établissements de crédit (...) prévus par le droit de l'Union, les États membres peuvent actuellement prévoir d'autres conditions d'agrément »55. Les examens des demandes risquent de souffrir des différences substantielles entre Etats membres puisque, inévitablement, certains États ajouteront des conditions tandis que d'autres ne le feront pas. En outre, les États, même si les conditions d'octroi de l'agrément sont plus ou moins les mêmes, auront leur propre opinion sur les situations qui leur seront présentées et une entité qui aurait pu obtenir un projet de décision favorable dans un État membre risque de se le voir refuser dans un autre. A cet égard, sans revenir sur le principe qui est de soumettre les demandes d'autorisation à la Banque centrale, peut être faudrait-il exiger des droits nationaux qu'ils aient tous les mêmes conditions d'agrément et interdire d'en greffer davantage. En effet la solution prévue actuellement paraît profondément injuste et une harmonisation totale serait souhaitable.

Les autorités nationales procèderont donc à l'analyse des dossiers et pourront, si elles considèrent que les entités candidates remplissent les conditions de leur droit national, soumettre une proposition favorable à la Banque centrale européenne : « Si le demandeur satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues par le droit national de cet Etat membre, l'autorité compétente nationale arrête, dans le délai prévu par le droit national, un projet de décision proposant à la BCE d'octroyer l'agrément »56.

En ce qui concerne le délai, il semblerait que chaque autorité compétente doive se conformer à son droit national. Le règlement cadre vient néanmoins préciser que l'autorité nationale doit notifier la réception de la demande d'autorisation à la BCE dans les quinze jours ouvrables en l'informant du délai dans lequel une décision concernant l'agrément doit être prise et notifiée au requérant

53Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

54Article 14(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 55Considérant 21 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 56Article 14(2) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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conformément au droit national pertinent. Cela semble indiquer que le délai ne prend pas seulement en compte la partie de la procédure conférée aux autorités nationale mais sa globalité. Par exemple, en France, l'ACPR dispose de 6 mois pour délivrer un agrément à compter de la réception d'un dossier complet57 ; en cas de projet de décision favorable, la décision de la BCE devrait être rendue avant l'expiration de ces 6 mois. Ainsi le règlement cadre prévoit légitimement une période minimale qu'il faut impérativement laisser à la BCE pour qu'elle se prononce sur le projet de décision favorable : « L'autorité compétente nationale veille à ce que le projet de décision d'agrément soit notifié à la BCE et au requérant au moins vingt jours ouvrables avant l'expiration de la période maximale d'examen définie par la législation nationale pertinente »58. La Banque centrale aura donc 20 jours pour se prononcer sur le projet de décision. Ce délai paraît un peu court et ne laissera pas le temps à la BCE de procéder à une analyse détaillée de la demande. Elle devra donc inévitablement se reposer sur le travail des autorités nationales. Se pose alors la question de l'utilité de soumettre tous les octrois d'agrément à la Banque centrale.

La Banque centrale semble pouvoir intervenir dès l'examen des demandes. Le règlement cadre dispose que « si la demande n'est pas complète, l'autorité compétente nationale, soit de sa propre initiative, soit à la demande de la BCE, demande au requérant de fournir les informations supplémentaires requises »59. Cela signifie qu'une fois informée de la réception d'une demande par l'autorité nationale, la Banque centrale peut, dès à présent, considérer que le dossier n'est pas complet et exiger de l'autorité compétente qu'elle requière les documents manquants. Cette possibilité, à ce stade de la procédure, n'est pas souhaitable. L'examen devrait relever exclusivement de la compétence de l'autorité nationale. Si cette dernière considère que le dossier est complet, la BCE ne devrait pouvoir intervenir qu'au moment où elle statue sur l'octroi de l'agrément et non au moment de l'analyse du dossier.

*

Si les autorités nationales ne peuvent plus octroyer l'agrément, elles ont encore la possibilité de ne pas l'accorder. Le règlement cadre précise que « les autorités compétentes nationales rejettent les demandes qui ne remplissent pas les conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent »60. Le maintien de la compétence de refus d'agrément aux autorités nationales est opportun. En effet, cela permettra de ne pas surcharger la Banque centrale européenne pour des demandes qui n'auraient eu

57Site de l'ACPR : https://acpr.banque-france.fr/agrements-et-autorisations/procedures-secteur-assurance/agrement-

administratif/delivrance-de-lagrement.html

58Article 76(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

59Article 73(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

60Article 75 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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aucune chance d'être acceptées. Cependant, comme évoqué plus haut, en raison des disparités nationales certaines autorités refuseront de délivrer un agrément que d'autres auraient octroyé.

Sans aller jusqu'à rejeter purement et simplement l'agrément, l'autorité nationale pourra proposer à la BCE de limiter l'agrément ou de l'assortir de « conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de l'entreprise et le bon fonctionnement du système bancaire ». Enfin, elle peut aussi proposer de subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par l'entreprise requérante61.

Il appartiendra encore à l'autorité nationale de notifier au demandeur d'agrément la décision finale, que ce soit le refus d'octroyer l'agrément, les objections soulevées par la BCE à l'encontre du projet de décision d'agrément ou encore la décision d'agrément prise par cette dernière62.

L'autorité nationale aura donc un rôle tout au long de la procédure et ne sera absente, en réalité, que dans le processus de décision effective de délivrance de l'agrément, autrement dit, au moment le plus important pour l'avenir de l'entité requérante. Seule la BCE a le pouvoir d'accorder le droit, à une entité, d'exercer l'activité bancaire.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote