B) La possibilité pour la Banque centrale
européenne d'agir directement auprès d'un établissement
« moins important »
La BCE, pour agir directement auprès d'une
entité moins importante, peut soit décider d'exercer certains
pouvoirs sur cette dernière (1) soit décider de classifier
subjectivement un établissement de crédit dans la
catégorie des entités « importantes » (2).
1) Les pouvoirs d'enquête et de sanction de la BCE
auprès des établissements de crédit « moins
importants »
Le règlement MSU donne le droit à la Banque
centrale européenne d'exercer « à tout moment les
pouvoirs visés aux articles 10 à 13 »186.
Les articles (du règlement MSU) en question renvoient
aux pouvoirs d'enquête et d'inspections sur place. La BCE pourra donc
entreprendre des investigations et des inspections en lieu et place des
autorités nationales. Cette faculté va à l'encontre de la
dichotomie laissant croire à une distinction claire entre la supervision
des établissements importants et moins importants. Ces contrôles
seront menés par la direction générale « surveillance
microprudentielle IV » en coopération avec la division «
surveillance institutionnelle et sectorielle »187.
La BCE peut également infliger des sanctions
administratives directement aux entités moins importantes mais seulement
« dans les cas où les règlements ou décisions
pertinents de la BCE leur
185 The Failure of Nothrtern Rock-A Multidimensional Case
Study-Tim Congdon, Charles A.E. Goodhart, Robert Allen Eisenbeis, George
G. Kaufman, Paul Hamalainen, Rosa M. Lastra, David T. Llewellyn, David G.
Mayes, Geoffrey Wood, Alistair Milne, Marco Onado, Michael William Taylor
186 Article 6(5)d) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
187 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre
2014
66
imposent des obligations à l'égard de la
BCE »188. Cette restriction n'en est pas
véritablement une puisque les règlements ou décisions de
la BCE n'adoptent généralement pas la distinction entre
établissement important et moins important, ce qui permettra à la
BCE d'adopter des sanctions à l'égard de toutes les
entités situées au sein de la zone MSU.
2) La possibilité de procéder à une
classification subjective des établissements de crédit
Le règlement MSU envisage la possibilité,
justifiée par une application cohérente de normes
élevées de surveillance, pour la BCE, à tout moment et de
sa propre initiative, de décider d'exercer elle-même directement
« toutes les compétences pertinentes à l'égard
d'un ou de plusieurs établissements de crédit »
objectivement « moins importants »189. La seule
restriction à cette possibilité est la consultation des
autorités nationales normalement compétentes pour la supervision
de l'entité dont la BCE prend en charge la surveillance directe.
Malgré tout, cette préemption devra être justifiée
par un idéal commun de surveillance à travers la zone MSU.
Quelles seront alors ces justifications ? La notion d'application
cohérente de normes élevées peut renvoyer au cas où
des autorités nationales n'atteindraient pas un niveau de diligences
suffisant à permettre une application cohérente des règles
imposées par les institutions européennes. Par exemple, une
autorité qui n'aurait pas les moyens techniques pour faire face à
la surveillance d'un établissement qui serait, certes, moins important
au regard des règlements, mais trop important à l'échelle
de l'autorité en question. D'ailleurs, il est prévu que
l'initiative du changement de l'institution de surveillance directe puisse
également émaner de l'autorité nationale. Cette
dernière aurait, en effet, intérêt à ce que la BCE
prenne en charge une entité si elle n'est pas capable d'en assumer la
surveillance directe car l'exercice de cette surveillance pourrait amener cette
autorité à être en contradiction avec les règles
communes de surveillance non pas en raison d'une volonté contraire
à l'idéal européen mais par manque de moyens pour
atteindre les standards fixés par les institutions
européennes.
Le règlement-cadre a tenté de restreindre le
pouvoir de la BCE lui permettant de prendre le contrôle d'un
établissement « moins important ». La Banque centrale doit
tenir compte de certaines données ; notamment regarder si
l'établissement en question est proche de remplir les critères
objectifs d'importance. Le fait que l'autorité nationale n'ait pas suivi
les instructions de la BCE permet également de savoir s'il est opportun
de prendre le contrôle de l'entité moins importante190.
En effet, la Banque centrale exercera une surveillance directe dès lors
que l'autorité, par choix ou par défaut, refuse d'appliquer la
surveillance unique telle que définie par la BCE. Au sein de
l'institution bancaire
188 Article 122(b) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
189 Article 6(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
190 Article 67 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
européenne, la division « surveillance
institutionnelle et sectorielle » évaluera si la BCE doit ou non
prendre le relais de la surveillance d'un établissement
particulier191.
C'est en fait le guide de surveillance prudentielle qui semble
apporter des contraintes à la préemption d'un
établissement par la BCE : « il convient de noter que la
détérioration de la situation financière d'un
établissement moins important ou l'engagement de procédures de
gestion de crise ne constituent pas nécessairement des motifs de
transfert de la surveillance de l'ACN responsable à la BCE ».
Bien que ce guide n'ait pas de valeur légale, il constitue un document
précieux pour la compréhension du MSU puisqu'il est issu de la
Banque centrale européenne qui devrait, à priori, se conformer
à ses propres interprétations.
Ce procédé est en réalité une
requalification de l'établissement « moins important » en
établissement « important ». L'importance de ce dernier
devenant alors subjective car non établie d'après les
critères fixés dans les règlements mais sur la base d'une
décision de la Banque centrale.
Les moyens donnés à la BCE d'agir directement
auprès d'entités moins importantes marquent la volonté
initiale des institutions européennes qui était de confier
à la Banque centrale la surveillance de toutes les banques
situées au sein de la zone euro ; cette idée est présente
dans le règlement MSU : « il conviendrait (...) que la BCE
puisse exercer ses missions de surveillance à l'égard de tous les
établissements de crédits agréés dans les
États membres participants et de toutes les succursales qui y sont
établies ». Evidemment, cette solution aurait
été couteuse et certainement inefficace, notamment en raison des
problèmes culturels et linguistiques qu'elle aurait engendré.
L'alternative a donc été de dessiner un semblant de partage de
compétences entre autorités nationales et BCE tout en
préservant le droit de cette dernière d'intervenir directement
dès lors qu'un établissement, quel qu'il soit, présente un
risque systémique susceptible de déstabiliser l'économie
de l'Union européenne.
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191 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre
2014
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