B) Les compétences directes des autorités
nationales dans le cadre des relations transfrontalières
L'absence de compétences exclusives dans le cadre de la
liberté d'établissement au bénéfice de la BCE
laisse une place relativement importante aux autorités nationales que ce
soit à l'égard des établissements « moins importants
» (1) ou à l'égard des établissements de pays tiers
souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro (2).
164 Par exemple voir article L511-1 I du code monétaire et
financier
165 Considérant 28 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
166 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
167 Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de
l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux
et du financement du terrorisme
60
1) La compétence directe des autorités
nationales sur certains établissements européens « moins
importants » exerçant leur liberté d'établissement
La première illustration de cette compétence
directe se trouve dans le rôle respectif de la BCE et des
autorités nationales dans le cadre des collèges
d'autorités de surveillance prudentielle. Ces collèges ont pour
objet de dénouer les difficultés relatives à des groupes
ayant des filiales et succursales dans plusieurs Etats membres de l'Union
européenne. Ces collèges sont supervisés par
l'Autorité bancaire européenne.
Lorsque l'autorité de surveillance prudentielle du
groupe n'est pas située dans un Etat membre participant et que chaque
entité du groupe est importante, les autorités nationales des
Etats membres participants n'auront qu'un rôle d'observateur tandis que
la BCE participera en tant que membre et représentera la zone MSU dans
son ensemble face aux autorités des banques situées dans des
Etats hors MSU. Cette configuration est classique et reprend la distinction en
fonction de l'importance. Pareillement les autorités nationales
participeront toutes en tant que membres si chaque entité du groupe est
considérée comme moins importante. Enfin, si les entités
sont à la fois des établissements importants et moins importants
: seules les autorités nationales dans lesquelles les entités
moins importantes sont situées auront le droit de participer en tant que
membres. Les autres autorités participeront en tant qu'observateurs.
Enfin, la BCE participera en tant que membre pour la représentation des
entités importantes du groupe situées au sein de la zone
MSU168. Les autorités nationales conserveront donc une
compétence directe à l'égard des entités moins
importantes en tant qu'autorité de représentation de ces
dernières au sein du collège d'autorités de surveillance.
La même distinction devrait s'appliquer lorsque l'autorité de
surveillance prudentielle est située au sein de la zone MSU : dans ce
cas, la BCE serait compétente pour présider le collège si
le groupe est important sur base consolidée tandis que les
autorités nationales continueront de participer en tant que membres
à condition que des entités moins importantes soient
situées sur leur territoire. Dans le cas d'un groupe moins important sur
base consolidée, l'autorité nationale compétente devrait
présider le collège et chaque autorité concernée
aurait qualité de membre. Dans ce dernier cas, la BCE n'aurait aucun
rôle169.
Les autres pouvoirs directs des autorités nationales
découlent directement de l'absence de compétence exclusive de la
BCE en matière de liberté d'établissement et sont
rappelés ci-après :
Lorsqu'une entité moins importante souhaite
établir une succursale sur le territoire d'un autre État
168 Article 10 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
169 Articles 8(2) et 9(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
61
membre participant, seule l'autorité nationale sera en
charge de vérifier si les conditions sont remplies170.
Pareillement, lorsqu'un établissement situé hors de la zone MSU
souhaite établir une succursale « moins importante » en son
sein : « l'autorité compétente nationale de l'Etat
membre participant (...) s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'Etat membre d'accueil »171. Il en
va de même lorsqu'une entité moins importante située au
sein de la zone MSU souhaite exercer son droit d'établissement ou la
libre prestation de service dans un Etat membre non participant. Dans ce
dernier cas : « l'autorité compétente nationale
concernée exerce les pouvoirs de l'autorité compétente de
l'Etat membre d'origine »172.
La liberté d'établissement confère donc
une place significative aux autorités nationales qui jouissent
également d'une compétence exclusive dans le cas
d'établissements provenant de pays tiers.
2) Une compétence quasi-exclusive des autorités
nationales au regard des établissements de crédit de pays tiers
souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro
Selon le règlement MSU, les autorités nationales
devraient rester exclusivement compétentes pour « surveiller
les établissements de crédit de pays tiers qui établissent
une succursale ou fournissent des services en prestation
transfrontalière dans l'Union »173.
Les règlements ne détaillent pas beaucoup plus
la situation des groupes bancaires de pays tiers. Au delà du passage
ci-dessus, il est simplement rappelé que la BCE pourra conclure des
accords administratifs avec les autorités de surveillance et les
administrations de pays tiers sans empiéter sur le rôle des autres
institutions et en respectant les compétences actuelles des Etats
membres174.
La BCE ne sera compétente à l'égard d'un
groupe bancaire international que si l'une de ses filiales établie dans
la zone MSU est qualifiée d'importante au regard du règlement
cadre. En effet, la compétence directe de la BCE au regard de la libre
prestation de service et de la liberté d'établissement à
l'égard des entités importantes ne s'applique que pour les
établissement situés dans des États membres
non-participants définis comme des États membres de l'Union
européenne ne participant pas au MSU. Lorsque les établissements
sont situés hors de l'Union européenne, la BCE n'a pas de
compétence directe que ce soit en matière de succursale ou de
liberté de prestation de service. Il est alors possible de craindre une
différence de traitement entre les Banques ayant leur siège dans
l'union
170 Article 11(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
171 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
172 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
173 Considérant 28 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
174 Considérant 80 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
62
et celles ayant leur siège dans un pays tiers.
L'autorité nationale pourrait-elle traiter plus favorablement une
succursale émanant d'un établissement situé dans un pays
tiers ? Certains ont pu craindre cette configuration175 mais en
réalité, les Etats membres ne peuvent appliquer aux succursales
d'établissements de crédit ayant leur administration centrale
dans un pays tiers des dispositions conduisant à un traitement plus
favorable que celui appliqué aux succursales d'établissements de
crédit ayant leur administration centrale dans l'Union176.
Au regard des textes, les autorités nationales semblent
donc conserver plusieurs compétences directes, notamment à
l'égard des établissements « moins importants ».
Cependant, les règlements confèrent en réalité,
à la BCE, la possibilité d'agir directement sur les
entités qui devraient relever de la compétence directe des
autorités.
|