Chapitre II
Dans un monde où les marchés financiers seraient
efficients, la situation décrite par Froot et Dabora ne pourrait
exister. Si, à la suite d'interventions d'investisseurs mal
informés (noise traders), le cours de Royal Dutch
venait à se trouver sous-évalué par rapport à celui
de Shell, des arbitragistes prendraient une position longue sur Royal Dutch et
une position courte du même montant sur Shell. Ils feraient ainsi
s'apprécier le cours du premier titre et se déprécier
celui du second jusqu'à ce que la parité soit retrouvée.
Ce faisant, ils gagneraient de l'argent (et financeraient ainsi leurs
activités), tandis que les noise traders en perdraient et seraient
petit à petit éliminés des
marchés. D'autres cas d'absence d'arbitrage ont
été mis en évidence par Mitchell Pulvino et Stafford
(2001).
Ces auteurs ont trouvé, sur la période allant de
1985 à 2000, 82 situations dans lesquelles la valeur de marché de
certaines firmes valait moins que la somme de ses actifs nets et de la valeur
de marché de leurs filiales. Dans 30 % des cas, ils n'ont pas
constaté de convergence des cours et, dans les autres, celle-ci a
été lente et irrégulière et finalement n'aurait
rapporté à d'éventuels arbitragistes qu'à peine
plus que le taux certain sur les sommes qu'ils auraient dû engager, n
faut savoir en effet que, dans la réalité, l'arbitrage n'est pas
une opération aux résultats certains et que parfois elle peut
nécessiter des mises de fonds.
D'après Shleifer et Summers (1990)1, deux
types de risque peuvent affecter les opérations d'arbitrage. Un <
risque fondamental >peut provenir de la disparition de l'actif acheté
avant que la convergence se soit produite (comme lorsque l'émetteur
d'une obligation sur laquelle une position longue a été prise
fait défaut). Un « risque de financement » est associé
au fait que la convergence est souvent loin d'être immédiate ;
dans ce cas, si le cours des titres sur lesquels une position courte est prise
s'apprécie, les emprunts detitres correspondants donnent lieu à
des appels de marge que la trésorerie de l'arbitragiste doit assurer
(mais n'est pas toujours en mesure de faire)
Ces risques ont pour conséquences de limiter les fonds
que les opérateurs sont prêts à engager
dans des opérations d'arbitrage. Dans le monde
réel, les interventions des noises traders peuvent faire diverger
fortement les cours de leurs valeurs « fondamentales » et, de ce fait
créer des opportunités pour les arbitragistes. Mais, si elles
sont fortement corrélées entre elles (comme lorsqu'il y a sous ou
sur-réaction de leur part aux informations reçues)
1 SHLEIFER ET SUMMERS 1990 « the noise trader
approach to finance » journal of economic perspectives,printemps 19-33
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