Chapitre II
En donnant à la notion d'arbitrage une signification
plus large, il est possible d'imaginer pourquoi les cours des actions ne
peuvent s'écarter que temporairement de leurs valeurs fondamentales.
Supposons que deux catégories d'opérateurs interviennent sur un
marché. Les professionnels qui connaissent les valeurs fondamentales des
titres et les amateurs qui prennent des positions en fonction de fausses
informations (que nous appellerons, à la suite de Black, « bruits
»). Si les amateurs par leurs actions font diverger les cours d'un titre
de manière significative, les professionnels interviennent en vendant
une action trop chère ou en achetant un autre trop bon marché
(par rapport aux valeurs fondamentales). De cette façon ils font
converger les cours vers leurs niveaux fondamentaux, gagnent de l'argent et en
font perdre aux amateurs. Cette dernière conséquence de
l'arbitrage pratiqué par les professionnels est importante car, en
appauvrissant les amateurs, en les ruinant même, les professionnels les
empêchent de pouvoir déstabiliser les marchés par des
interventions trop massives. De tels scénarios ont servi pendant
longtemps à expliquer pourquoi les cours doivent refléter toutes
les informations disponibles (dont se servent les professionnels et qui
déterminent les valeurs fondamentales des actions)
Or, Froot et Dabora (1999)1 décrivent trois
cas où, à l'évidence, des possibilités d'arbitrage
n'ont pas été exploitées. Royal Dutch Petroleum et Shell
Transport and Trading sont deux sociétés qui ont fusionné
leurs activités en 1907 et se partagent depuis les cash-flows que
celles-ci génèrent dans un rapport fixe de 60/40. Les valeurs des
actions de ces deux sociétés devraient donc rester dans un
rapport constant, puisque les dividendes qui seront versés à
leurs propriétaires resteront toujours dans le même rapport. Si
elles venaient à s'en écarter, des arbitrages devraient
intervenir Le graphique 8 montre pourtant que les valeurs des actions de Royal
Dutch et Shell sont loin de rester dans la situation de non-arbitrage
prévue par la théorie. Dans le passé, des écarts
importants se sont manifestés Royal Dutch est passé au cours du
temps d'une sous-cote de 35 % à une surcote de 10%-et ont duré
longtemps (plusieurs années). Comment peut-on les expliquer et pourquoi
n'ont-ils pas été réduits par l'arbitrage ?
Froot et Dabora ne trouvent pas de réponse convaincante
à ces questions. En revanche, ils constatent que les valeurs de titres
de Royal Dutch et de Shell, cotées sur de nombreuses places, sont
corrélées aux indices des bourses des pays où se trouvent
leurs sièges sociaux (respectivement Amsterdam et Londres).
1 FROOT et DABORA 1999 "how are stock prices affected
by the location of trade",journal of Financial Economics 189-216
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