Chapitre II
Pourtant, dans un travail fort complet et original,
Womack (1996)1 a étudié l'évolution
des cours boursiers qui se forment à la suite de recommandations d'achat
et de vente d'analystes (au cours des années 1989 à 1990). L'une
de ses principales conclusions est la suivante : la rentabilité
immédiate (positive ou négative) suivant une recommandation est
importante, alors que peu de recommandations coïncident avec de nouvelles
informations publiques. Les investisseurs réagissent aux annonces des
analystes, alors que les informations dont se servent
ceux-ci étaient déjà connues.
Une autre des conclusions de Womack est que
les réactions des prix à une recommandation peuvent se prolonger
pendant encore six mois. De plus, elles sont dissymétriques. S'agissant
d'une recommandation d'achat, la moyenne des réactions immédiates
(dans les trois jours) est de + 3 % ; elles sont de 4,7% pour les
recommandations de vente 1. Plus curieux encore : dans les mois qui suivent les
annonces, les cours (« nettoyés » des effets d'autres
informations) continuent la tendance déclenchée par les
recommandations. Lorsque celle-ci est positive, les cours augmentent encore en
moyenne de 2,4 % au cours du mois suivant. Lorsqu'elle estnégative, une
baisse des cours 9,1% se produit au cours des six mois suivants.
Dernière observation : l'ensemble des réactions constatées
au cours de ces six mois suivant des annonces ne sont pas réversibles
(les cours ne changent qu'à la suited'autres informations).
Les faits constatés par Womackne sont pas
compatibles avec la notion d'efficience. Il faut attendre
jusqu'à six mois2 (sans compter le temps nécessaire
pour que les annoncesd'une firme soient interprétées et
publiées par un analyste) pour qu'une information soit incorporée
dans un cours
1Womak K 1996 « Do Brokerage Analysts
Recommendations Have Investment Value ? » , Journal of Finance 137-167
2 WOMAK veut dire qu'il y a un décalage de
temps entre la publication d'annonce et l'interprétation des
analystes
35
Chapitre II
3. Déconnexion entre la sphère réelle
et la sphère financière :
Les marchés financiers tendent vers l'efficience
1sans toutefois l'atteindre totalement. En effet, l'hypothèse
de l'efficience reste une situation idéale, optimale et
théorique.
En fait, la vérification des conditions
nécessaires à l'efficience des marchés
précitées dans le premier chapitre n'est pas du tout
évidente en réalité et ne sont pas toujours parfaitement
réunies. En effet, les investisseurs ne sont pas totalement rationnels,
les coûts de transaction ne sont pas nuls, l'information n'est pas
totalement gratuite, elle ne circule pas d'une manière aussi rapide que
la théorie le prévoit.
Remise en cause de la théorie de l'efficience :
Une théorie difficilement applicable :
La théorie de l'efficience des marchés financiers
est une théorie difficilement applicable, en effet plusieurs chercheurs
ont montré qu'il existe des difficultés, voire des contradictions
qui remettent en cause la théorie de l'efficience.
C'est à partir des années 1980 que des
résultats empiriques ont commencé à jeter un doute sur
l'hypothèse d'efficience. En effet tout ordre passé sur le
marché donne lieu à des coûts de transaction et à
une fiscalité ; cependant JENSEN souligne que l'existence de ces
coûts n'empêche pas la réalisation d'un marché
efficient.
Mais les conditions les plus improbables à
réaliser sont celles relatives à l'information, en effet pour
Julien TURBE, Jean-Philippe DEMON (2001), le problème se pose dans la
gratuité de l'information et sa disponibilité qui est en pratique
difficile à transmettre à tous les investisseurs au même
instant.
Un autre problème soulevé par ces
théoriciens et qui traite de l'hypothèse
d'homogénéité des agents, puisque le marché
boursier est composé des investisseurs et des spéculateurs, qui
n'ont pas les mêmes capacités d'interprétations face
à des événements très techniques alors que cette
théorie se fonde sur le fait que l'information soit
compréhensible pour tous dans le but d'être
interprétée de la même manière.
1FirasBaccar 2012 Etude de l'efficience des
marchés financiers. Applications au Tunindex20 Institut des hautes
études commerciales de Carthage
36
|