Chapitre II
montré sur le même échantillon que les
classements des performances des fonds ne présentent aucune
stabilité au cours du temps, autrement dit, que les performances
passées n'ont aucune valeur prédictive.
Peu de temps après, Jensen (1968 et 1969)1 a
étudié un échantillon de 115 fonds sur la période
1955 à 1964. Il a montré, en appliquant le modèle
d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) avec l'indice S & P 500
comme représentatif du marché, que 39 fonds seulement
possédaient un alpha (ou indice de Jensen) positif, un seul étant
statistiquement différent de zéro, alors que 76 fonds avaient 1m
alpha négatif dont 14 étaient significativement différents
de zéro. Cet auteur en a conclu que dans l'ensemble la: gestionnaires de
fonds ne possèdent pas la capacité de choisir
opportunément les actions dans lesquelles ils investissent (donc de
battre le marché par sélection ou stockpicking). Cependant,
l'étude de Jensen reste muette quant à la capacité des
gestionnaires à battre le marché en effectuant du « market
timing », c'est-à-dire en modifiant opportunément les
bêtas de leurs portefeuilles.
Depuis que Sharpe et Jensen, les pionniers du domaine, ont
publié leurs travaux, de nombreuses autres études sont venues en
général confirmer et parfois infirmer leurs conclusions. Ces
études ont, en particulier, étendu les mesures de performance
à d'autres marchés comme le marché français,
introduit des méthodologies nouvelles affinant les techniques mises en
oeuvre dans les années 1960 ou soulevé des problèmes qui
n'avaient pas
été identifiés comme tels par Sharpe ou
Jensen.
D'après les travaux les plus récents, il
semblerait qu'au moins certains gestionnaires de mutualfunds soient capables de
faire du stock picking profitable. D'après Chen, Jegadeesh et Wermers
(2000), les actions achetées par les fonds de leur échantillon
surperforment ceux qui sont vendus. Cependant, compte tenu de divers
coûts, ces opérations ne se traduisent pas par des avantages du
côté des investisseurs. Elles mettent seulement en évidence
une faible et de
ce fait inexploitable inefficience des marchés
boursiers.
Depuis les travaux de Treynor et Mazuy (1966)2 puis de
Henriksson et Merton (1981), il était
1 Jensen M.C 1968 « The performance of Mutual
Funds in the periode 1954-1964 « Journal of business 42, 167_247
2Treynor et Mazuy 1966 « Can Mutual Funds Outgess the Market ?
»,Harvard Business Review 43 63-75
30
Chapitre II
acquis que les gestionnaires de fonds sont incapables de
pratiquer systématiquement des opérations de market timing
gagnantes. Cuthbertson, Nitzsche et OSullivan confirment ce
résultat en appliquant une méthode non paramétrique.
D'après ces auteurs, au Royaume-Uni, seuls 1,5 % des fonds pratiquent un
market timing positif alors que 10 à 20 % en obtiennent
des résultats négatifs (c'est-à-dire des pertes) !
2.1.1. Le biais du survivant
Vers la fin des années 1980, des chercheurs ont
remarqué que les mesures de performances publiées
jusque-là souffraient d'une grave distorsion. Elle fut signalée
pour la première fois par Grinblatt et Titman (1989)1. Ces
auteurs ont montré que le fait de travailler sur des ensembles de fonds
ayant survécu pendant toute une période de
référence éliminait des calculs les fonds ayant disparu
pendant la période considérée, probablement à la
suite de médiocres résultats provoquant le retrait des
investisseurs. Il est donc permis de penser que les fonds disparus avaient des
performances inférieures à celles des fonds survivants,
d'où l'existence possible d'un biais du survivant
Il s'ensuit que si l'hypothèse de la disparition au cours
du temps des fonds les moins performants s'avère exacte, l'estimation de
la performance des fonds_ survivants doit être corrigée de celle
des fonds disparus. Plusieurs auteurs ont procédé à ce
type de correction. En termes de rentabilité, elle est sur 1e
marché américain de 1,4 % par an pour Malkiel (1995), de 0,9 %
pour Elton, Gruber et Black (1993), tandis qu'en France, elle serait de
O,51-0,56 % selon Bergeruc (1999) et de 1,52 % selon Aftalion (2001). Les
surperformances des fonds survivants par rapport aux fonds disparus
apparaissent également lorsque d'autres mesures telles que le ratio de
Sharpe sont prises en considération.
Compte tenu des corrections du biais du survivant, les
très nombreuses études portant sur les performances de
gestionnaires et couvrant différèrentes époques et
différents marchés sont quasiment unanimes: en moyenne, la
gestion collective ne produit pas de meilleures performances que les
marchés dans leur ensemble (un portefeuille constitué de tous les
fonds d'lm marché ne « bat » pas les indices de ce
marché) ; en tenant compte des frais de
1Grinblatt et Titman 1989 « mutual Fund
Performance :AN analysis Quarterly Portfolio Holding « , Journal of
Business ,62, 393-416
31
|