Quelle(s) finalité(s) pour le droit du travail sénégalais?par Alassane SECK Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en droit privé et sciences criminelles 2017 |
Section 2 : Les moyens de sauvegarde des intérêts des travailleursConflits du travail et négociation collective sont inséparables107. Les salariés doivent souvent recourir à des procédés de lutte pour parvenir à la négociation d'un accord, d'une convention collective de travail. Ainsi, les acteurs des relations collectives entretiennent des rapports et sont appelés à travers ceux-ci à secréter des normes applicables à la relation de travail par le biais de la négociation collective et du dialogue social (paragraphe 1). Parfois, ces relations sont contentieuses. A ce titre, le code du travail a institué des moyens d'expression de leur mécontentement. La possibilité pour l'employeur d'exprimer son désaccord avec les travailleurs est appelé lock-out. Mais, souvent, ce sont les salariés qui montrent leur courroux à travers l'exercice du droit de grève (paragraphe 2) qui, seul, va nous retenir dans le cadre de cette étude. Paragraphe 1 : La négociation collective et le dialogue socialLa démarche scientifique sera duale dans cette partie. Nous étudierons d'abord la négociation collective (A) ensuite le dialogue social (B). A - La négociation collectiveLa négociation collective concrétise le droit des salariés de participer à l'élaboration des normes qui les régissent108. Elle est l'un des éléments centraux de la dynamique du droit du travail et du système des relations professionnelles109. Employeurs et salariés, représentés par leurs syndicats, élaborent des normes destinées à régir leurs rapports. C'est l'autonomie normative des interlocuteurs sociaux, sans laquelle il n'est de dynamique du droit du travail110. Ce qui implique, l'existence d'un droit des salariés à la négociation collective. Cette dernière a été consacrée en droit international du travail et en droit interne. En droit international, à notre niveau, nous nous appesantirons sur deux conventions principales de l'OIT qui ont trait à la 107 J. JAVALLIER, Droit du travail, 5e ed., LGDJ, 1996, p. 513. 108 A.C. NIANG, Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence, Annales africaines, Nouvelle Série, Volume 2, Décembre 2015, p. 80. 109 J. JAVALLIER, op. cit., p. 556. 110 Ibid. 26 négociation collective. Cet intérêt découle du fait que le Sénégal les a ratifiées et a fait sienne le suivi qui sied à leur application scrupuleuse par ceux qui en sont destinataires. Il s'agit de la convention n°87 relatif à liberté syndicale et à la protection du droit syndical adoptée en 1948 et la convention n°98 sur le droit d'organisation et de négociation collective datant de 1949. Il s'agit là des deux conventions qui intéressent directement le volet négociation et qui ont fait l'objet d'une ratification par le gouvernement du Sénégal111. En droit interne la constitution s'inscrit également dans cette même logique. La liberté d'expression et d'opinion est reconnue, de même que le droit à tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise112. Sur le plan législatif, le code du travail, à travers l'article L5, reconnait aux travailleurs et à leurs représentants, un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation du travail dans l'entreprise. Grâce à la négociation collective, un ordre public social protection s'est progressivement formé. S'écartant des règles du droit commun, le droit du travail a perturbé l'application du principe de la hiérarchie des normes. L'hétéronomie qui le caractérise favorise ce processus. Ainsi, la loi définit des minima que la négociation est censée améliorer113. Cela se concrétise donc par l'élaboration de convention collective. Cette dernière est définie comme un accord relatif aux conditions de travail conclu entre, d'une part, les représentants d'un ou plusieurs syndicats ou groupements professionnels de travailleurs, et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement114. Au Sénégal, on peut distinguer globalement quatre catégories de conventions collectives : la convention collective ordinaire, la convention collective extensible, l'accord collectif d'entreprise et la convention collective nationale interprofessionnelle115. Du reste, les conventions collectives remplissent trois fonctions socioéconomiques. D'abord, c'est la compensation de l'inégalité des rapports entre les employeurs et les salariés. Ensuite, elles enrichissent et améliorent le SMIG soit en inventant des avantages nouveaux, soit en améliorant des avantages existants. Enfin, elles assurent la paix sociale en donnant satisfaction aux revendications de travailleurs soit pour éviter des conflits soit pour y mettre fin116. L'ordre 111 P. M. MBODJ, La négociation collective dans le secteur privé au Sénégal, mémoire de maitrise, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 2009, https://www.memoireonline.com/10/09/2769/La-negociation-collective-dans-le-secteur-prive-au-Senegal.html, consulté le 13/11/2018. 112 Art. 25, al. 5 de la constitution 113 A.C. NIANG, ibid. 114 Art. L.80 115 A. KANTE, op. cit., p. 137 116 A. KANTE, op. cit., p. 139 27 public n'est spécifique en droit du travail qu'en ce qu'il permet de déroger aux règles étatiques pour améliorer la condition du salarié. La doctrine s'est ainsi largement accordée sur l'existence de cet ordre public qui déroule ses effets selon un principe de faveur. Autrement dit l'ordre public social impose l'application de la norme la plus favorable au salarié117. Qu'en est-il du dialogue social. |
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