Paragraphe 2 : En matière de démission
Les employeurs, trouvant la réglementation du
licenciement trop contraignante, ont, assez naturellement, cherché
à utiliser les moyens juridiques leur permettant d'éluder
celle-ci. Ainsi, un premier moyen a consisté à conclure des
contrats de travail à durée déterminée plutôt
que des contrats à durée indéterminée, la
législation du licenciement ne s'appliquant qu'au CDI. Dans le
même ordre d'idée, Certains employeurs ont cherché à
éluder les contraintes du licenciement en donnant à la rupture du
contrat une qualification autre que le licenciement79. En dehors
même de ces tentatives, les causes de rupture sont souvent complexes :
celui qui prend l'initiative de la rupture n'est pas toujours le responsable ou
le véritable auteur de celle-ci. La jurisprudence a ainsi
été amenée à distinguer l'initiative de
l'imputabilité de la rupture80 et à approfondir les
notions servant à la qualification des ruptures de contrat de travail
à durée indéterminée.
La démission est la mise en oeuvre, par le
salarié, de la faculté de résiliation unilatérale
reconnue à chaque contractant dans un contrat à exécution
successive à durée indéterminée81. Il
est alors tenu de notifier sa volonté par écrit82
à l'employeur et de respecter un délai de préavis
75 Art. 60 code du travail.
76 Voir al. 2, s de l'article 60 du code du
travail.
77 C.A. de Dakar, Arrêt n110 du
1er fevrier 2011, CARITAS DAKAR c/ JEAN PIERRE NDIAYE, Bull. 2013,
vol. n1, p. 241.
78 Art. L62 in fine.
79 C'est l'exemple de la démission. Il y a
aussi la rupture contractuelle, la mise en retraite, la résiliation
judiciaire. Mais, dans le cadre de cette étude, l'accent sera
porté uniquement sur à la démission.
80 X. BLANC-JOUVAN, Initiative et
imputabilité : un éclatement de la notion de licenciement, Dr.
Soc. 1981, p. 207 cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op.
cit.
81 J. Javallier, Droit du travail, 5e ed.,
L.G.D.J, 1996, p. 234.
82 Cour suprême, arrêt n11 du
08 FEVRIER 2012. Cheikhou CISSOKHO c/ Société Africaine de
réalisation et de conception dite ARC SARL, inédit :
« Attendu que la démission ne se présume pas, qu'elle doit
résulter d'une intention sans équivoque, librement
exprimée par le travailleur ; Et attendu que pour constater la
démission de Cissokho, la cour d'appel se borne à relever que ce
dernier a signé le document établissant « le solde de tout
compte après démission » et que bien qu'il argue avoir
apposé sa signature par contrainte dans le cas où la
démission n'est pas contestée, le travailleur doit prouver cette
contrainte, pour en déduire que cette preuve n'ayant
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dont la durée est fixée par voie conventionnelle
ou réglementaire. Ici, le droit du travail se soucie plus de la
situation du salarié, qui perd son emploi, que de celle de l'employeur
qui peut, en toute hypothèse, embaucher un nouveau salarié. C'est
dans cet élan protectrice que le juge social s'efforce de
déterminer s'il y a réellement eu consentement et ce,
dépouillé de tout vice, dans la démission. De ce constat,
si la démission du salarié résulte d'une faute de
l'employeur en qu'elle fut provoquée par ce dernier, elle doit
être requalifié en licenciement. Ainsi en est -il notamment
lorsque l'employeur « pousse à bout » le salarié pour
qu'il démissionne83 ou encore ne règle pas les
salaires échus84. De surcroit, la preuve de la
démission du salarié doit être rapportée par
l'employeur lui-même85 car, dans la pratique, ce sera presque
toujours l'employeur qui invoquera la démission du salarié, en
cas de rupture du contrat, pour justifier l'absence de procédure et le
non-versement des indemnités de licenciement et de préavis et
pour repousser toute demande d'explication sur la légitimité du
« licenciement ».. Les problèmes de preuve et de notion
sont
pas été rapportée, la démission
est légitime ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en l'absence
d'une notification écrite du travailleur indiquant son désir de
mettre fin à son contrat et ce dernier réfutant cette
volonté de démissionner que lui prête l'employeur, la Cour
d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »
cité par M. GAYE, Cours de droit du travail, FSJP, 2017.
83 Soc. 4 janvier 1968 : JCP 1969, II, 15853, note
J. Ghestin. Cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.
84 Soc. 22 oct. 1959 : D., 1960, J., p. 208
Cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.
85 Arrêt n 19 du 10 mars 1999,
Abdoulaye Faye c/ L'agence dakaroise de sécurité et d'Assistance
au tourisme ADEF, inédit : attendu que la démission ne
se présume pas et ne peut résulter que d'une intention librement
exprimée par le travailleur ; qu'il en découle que la preuve de
la démission incombe à l'employeur et que faute par lui de
rapporter cette preuve, l'on droit considérer que le, travailleur a
été congédié sans motifs légitimes et ce,
conformément à l'article 51 du code du travail qui, en ses
alinéas 2 et 3, dispose que : « Les licenciements effectués
sans motifs légitimes son abusifs. En cas de contestation, la preuve de
l'existence d'un motif légitime de licenciement incombe à
l'employeur ». Qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est
contentée à énoncer que le travailleur n'avait pas
prouvé qu'il avait été effectivement licencié et
ce, sans exiger que l'employeur rapporte la preuve de la démission, a
rendu un arrêt insuffisamment motivé et violé par la
même les dispositions de la loi précitées. ;
Cour de cassation, arrêt n57 du 14 mai 1997,
FATHON Victorin c/ FRADET Faouzia, inédit : « Attendu que
le demandeur reproche à l'arrêt attaqué d'avoir
considéré qu'après sa relaxe l'employé
s'était abstenu de se présenter à son employeur pour
reprendre le travail et que ce faisant, il avait abandonné son poste se
rendant ainsi responsable de la rupture du lien contractuel alors qu'il est
notoirement connu qu'ayant vécu pendant quatre ans sous le même
toit que son employeur et ayant de ce fait pu bénéficier de la
liberté provisoire, il était tout naturellement, à sa
sortie de prison, retourné chez ce dernier d'où il a
été chassé et menacé d'expulsion ;
Qu'ainsi le Cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision en ce qu'il a considéré
qu'il appartenait au travailleur de rapporter la preuve qu'il s'était
présent à son lieu de travail après son
élargissement alors que la charge de la preuve d'une démission
incombe à l'employeur et non à l'employé » ;
Cour de Cassation arrêt n31 du 27 février
2002 Samba FALL c/ M. Adib KFOURI : « attendu qu'il apparait des
énonciations de l'arrêt attaqué que « le
salarié n'a pas établi la preuve de la rupture imputée
à l'employeur, qu'il n'a même pas fait une offre de faire entendre
un témoin (...) qu'il y a donc lieu de prendre en considération
les déclarations de l'employeur en retenant que le salarié a
lui-même pris l'initiative de la rupture de son contrat de travail en ne
se présentant plus à son travail pour compter du 12 septembre
1993 » Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, se bornant asseoir sa
conviction sur les déclarations de l'employeur qui, dès lors
qu'elles sont contestées, ne peuvent, à elles seules, constituer
la preuve de la rupture du contrat travail sur la propre initiative du
salarié, alors que, même établie, l'absence de ce dernier
n'est constitutive d'une rupture de son fait que si elle caractérise la
volonté claire et non équivoque de l'intéressé de
quitter l'entreprise, la cour d'appel, en raison de l'insuffisance des motifs
de sa décision, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer
son contrôle ; D'où il suit que le moyen est fondé.
Cité par M. GAYE, Cours de droit du travail, FSJP, 2017.
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donc étroitement imbriqués. Pour établir
l'existence d'une démission, l'employeur doit prouver qu'il y a eu
volonté unilatérale du salarié de mettre fin au contrat de
travail à durée indéterminée. Par le biais de
l'objet de la preuve, c'est la notion même de démission que les
juges sont amenés à cerner. Les juges écartent tout
d'abord la qualification « démission » chaque fois que la
volonté du salarié est équivoque. Ce peut être le
cas lorsque l'employeur a déduit du comportement du salarié la
volonté de celui-ci de rompre le contrat. La volonté du
salarié, a la supposer non équivoque, ne vaudra pas
démission lorsqu'elle n'a pas été émise librement.
La jurisprudence requalifie la décision du salarié en
licenciement chaque fois que le salarié a été contraint
à la « démission » par le comportement fautif de
l'employeur. Ainsi, le salarié qui décide de mettre un terme
définitif à son contrat de travail parce que l'employeur ne lui
paie pas les salaires dus ou l'oblige à travailler dans des conditions
dangereuses86 ou l'a roué de coups87 ou lui impose
unilatéralement une modification du contrat de travail
substantielle88, n'est pas démissionnaire.
La finalité protectrice du droit du travail ne se
limite pas au rapport individuels de travail, elle est tout aussi
énergique au plan collectif.
86 Soc. 18 oct. 1989, R.J.S. nov. 1989, p. 496,
n° 826.
87 Soc. 14 mars 1979, D. 1979. I.R. 424; même
solution en cas de simples brimades, Soc. 14 mars 1983, Dr. ouvr. 1984, p.
392.
88 Soc. 10 avr. 1991, R.J.S. 6/91, n 690 ; Soc. 13
mars 1991, U.I.M.M, juin 1991, p. 218. Cité par G. LYON-CAEN, J.
PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.
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