Section 2 : Le régime protecteur à la fin
du contrat de travail
Dans le système classique, le contrat de travail
constituait la source normale et quasi exclusive des rapports individuels, il
appartient aux seules parties de décider de la durée de la
convention et des modalités suivant lesquelles elle prendra fin. Suivant
une conception purement civiliste, qui inspire encore largement la Cour de
cassation, le régime juridique de la rupture caractérisé
par le droit de résiliation unilatérale de « chaque partie
», demeure donc dominé par le double principe théorique de
la liberté et de la réciprocité59. Toutefois,
cette liberté de rompre le contrat de travail, à tout moment,
sans avoir à justifier sa décision, sans avoir à verser
une quelconque indemnité au cocontractant supporta progressivement
certaines limitations60 par le droit du travail, mu par la
stabilité de l'emploi et la protection du salarié, qui condamne
progressivement cette construction juridique abstraite méconnaissant les
impératifs
57 Pour toute cette question, voir art. 16 CCNI ou
I.Y. NDIAYE (dir.), Codes du travail et de la prévoyance sociale
annotés, E.J.A., 1989, p. 285.
58 Art. L129 code du travail.
59 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, op.
cit., p. 325.
60 Il s'agit de l'instauration de l'abus du droit de
licencier, de l'apparition d'un préavis, puis d'une indemnité de
licenciement.
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sociaux du monde du travail. Cette démarche protectrice
s'observe aussi bien dans la rupture à l'initiative l'employeur
(paragraphe 1) que du salarié (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : En matière de licenciement
Jadis, le principe de la liberté contractuelle
prévalait au sein de la relation de travail, employeur comme
salarié était libre de rompre le contrat sans formalité
particulière. Le caractère indéterminé du contrat
permettait, en vertu de l'interdiction des engagements
perpétuels61, la rupture unilatérale à chacun
des contractants. Avec le temps, la doctrine et les organisations syndicales
ont vivement dénoncé cette large latitude qui pouvait facilement
dériver à l'arbitraire et avoir des conséquences
désastreuses sur le plan social. Il y avait totale absence de garanties
du travailleur contre un licenciement demeuré
discrétionnaire62.
Les autorités publiques sont donc intervenues en
restreignant cette faculté. L'OIT n'étant pas en reste, plusieurs
de ses normes régissent la cessation de la relation de travail. Ainsi,
la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur est
régit par la recommandation n° 119 de 1963, la convention
n°158 et la recommandation n° 166 de 1982. La convention
précitée traite notamment de la cause justifiant le
licenciement63, de la procédure ainsi que des
recours64. La charge de la preuve peut incomber soit à
l'employeur, soit aux deux parties65. La Partie III de la convention
158 est relative aux licenciements pour motif économique, technologique,
structurel ou comparable. Il est prévu une information et consultation
des représentants des travailleurs66, ainsi qu'une
notification du licenciement à l'autorité
compétente67. Cet encadrement rigoureux a été
mis en place dans une perspective de sauvegarde des intérêts du
salarié qui est celui qui en subit, en général et en toute
hypothèse, les conséquences. Ces restrictions se traduisent aussi
bien sur le plan formel que sur le fond.
Au niveau formel, le licenciement doit être
précédé d'une procédure se déroulant dans le
cadre de l'entreprise. Il y a donc nécessité d'une notification
écrite préalable68 du salarié. En
congédiant le salarié, l'employeur doit le mettre en mesure de
connaitre les motifs de son renvoi. L'employeur doit lui envoyer une lettre de
notification du licenciement et de fixer le point de
61 Voir art. 4 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789.
62 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, Droit
du travail, 18e ed., Dalloz, 1996, p. 349.
63 Art. 4 à 6 Convention n° 158.
64 Art. 7 à 10 Convention n° 158.
65 Art. 9 al. 2, a et b Convention n° 158.
66 Art. 13 Convention n° 158.
67 Art. 4 Convention n° 158.
68 Art. L50 code du travail.
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départ du préavis le cas échéant.
La notification écrite doit être adressée au salarié
par lettre recommandée avec avis de réception ou lui être
remise en main propre contre reçu ou devant témoins. Le droit du
travail instaure cette notification obligatoire en toute hypothèse. Il
est ainsi dans le cadre du licenciement fautif ou non fautif, dans le cadre du
licenciement pour motif économique et même dans le cadre du
licenciement pour faute lourde69. Par ailleurs, toujours sur le plan
formel, la résiliation du contrat à durée
déterminée est soumise à un préavis pour permettre
au salarié de se préparer à la perte de l'emploi. En
principe, toute résiliation unilatérale du contrat de travail
donne droit à ce délai70 pour se préparer en
conséquence. La seule hypothèse où le salarié n'en
bénéficie pas est celle d'un licenciement consécutive
à une faute lourde de ce dernier. Ce délai de préavis peut
être remplacé par ce qui est dénommé «
indemnité compensatrice de préavis » en cas de manquement
par l'une des parties de cette obligation.
Au demeurant, l'employeur ne peut pas licencier pour n'importe
quel motif. Il est assujetti au respect d'un impératif de justification
de motifs légitimes71 sous peine d'une qualification du
licenciement en licenciement abusif par le juge. Le motif légitime peut
résulter du travailleur ou de l'entreprise. S'agissant du travailleur,
son inaptitude physique, médicalement constatée, ou son
inaptitude professionnelle peut constituer un motif légitime. De
même, et c'est l'hypothèse le plus courant, le licenciement du
travailleur résulte d'une faute de ce dernier. La faute peut être
simple ou grave72. Le point d'orgue est la faute lourde,
caractérisée par un manquement grossier aux obligations incombant
au travailleur73. Cela peut aussi résulter d'une perte de
confiance de l'employeur à l'égard du travailleur basée
sur des critères objectifs pertinents.
Pour ce qui est des motifs tenant à l'entreprise, ils
tiennent généralement à la cessation d'activité de
l'entreprise. Il est question ici d'une fermeture totale et définitive
de l'entreprise et non d'un établissement74. Par ailleurs, le
motif peut aussi être économique. Il s'agira concrètement
d'un licenciement motivé par une difficulté économique ou
une réorganisation
69 Cour de Cassation, arrêt n66 23 juin 1999,
société Sen Sécurité c/ MM, Matar Sy et autres.
70 La durée de ce délai est fixée
par la CCNI et varie selon le statut du salarié.
71 L'article L.56 du code du travail parle de «
motif légitime ». En droit français, on parle de cause
réelle et sérieuse.
72 Le code du travail ne prévoit que deux
types de faute (simple et lourde), la jurisprudence a retenu la faute grave
(Cour de cassation, arrêt n28 du 27 février 2002, Aminata MBAYE c/
la SNCDS : « (...) Qu'ainsi, pendant l'année 1989-1990, sur un
total de 12 625000 francs de ristournes, le chef d'entreprise n'a reçu
que la somme de 8 485000 francs ; qu'il résulte de ce qui
précède que le juge d'appel a estimé à bon droit
que la différence de 4 640000 dont la destination n'est pas
justifiée est constitutive d'une faute grave
»).
73 Sur l'ensemble de cette question, voir A. KANTE,
Droit social sénégalais, Harmattan-Sénégal, 2017,
p. 108, s.
74 A. KANTE, op. cit., p. 110.
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intérieure de l'entreprise75.
Néanmoins, l'employeur est tenu de respecter une
procédure76 bien spécifique à la
méconnaissance de laquelle le licenciement sera qualifié
d'abusif77. De surcroit, le salarié bénéficiera
d'une priorité de réembauchage pour une durée de deux ans
à compter de la rupture du contrat de travail pour motif
économique78.
Du reste, relevons que pour compenser la douleur de la
rupture, le droit du travail a institué un certain nombre
d'indemnités variant selon la nature du licenciement ou de son motif au
profit du travailleur. Le régime protecteur du droit du travail
transparait aussi à travers la démission.
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