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Quelle(s) finalité(s) pour le droit du travail sénégalais?


par Alassane SECK
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en droit privé et sciences criminelles 2017
  

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Section 2 : Le régime protecteur à la fin du contrat de travail

Dans le système classique, le contrat de travail constituait la source normale et quasi exclusive des rapports individuels, il appartient aux seules parties de décider de la durée de la convention et des modalités suivant lesquelles elle prendra fin. Suivant une conception purement civiliste, qui inspire encore largement la Cour de cassation, le régime juridique de la rupture caractérisé par le droit de résiliation unilatérale de « chaque partie », demeure donc dominé par le double principe théorique de la liberté et de la réciprocité59. Toutefois, cette liberté de rompre le contrat de travail, à tout moment, sans avoir à justifier sa décision, sans avoir à verser une quelconque indemnité au cocontractant supporta progressivement certaines limitations60 par le droit du travail, mu par la stabilité de l'emploi et la protection du salarié, qui condamne progressivement cette construction juridique abstraite méconnaissant les impératifs

57 Pour toute cette question, voir art. 16 CCNI ou I.Y. NDIAYE (dir.), Codes du travail et de la prévoyance sociale annotés, E.J.A., 1989, p. 285.

58 Art. L129 code du travail.

59 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, op. cit., p. 325.

60 Il s'agit de l'instauration de l'abus du droit de licencier, de l'apparition d'un préavis, puis d'une indemnité de licenciement.

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sociaux du monde du travail. Cette démarche protectrice s'observe aussi bien dans la rupture à l'initiative l'employeur (paragraphe 1) que du salarié (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : En matière de licenciement

Jadis, le principe de la liberté contractuelle prévalait au sein de la relation de travail, employeur comme salarié était libre de rompre le contrat sans formalité particulière. Le caractère indéterminé du contrat permettait, en vertu de l'interdiction des engagements perpétuels61, la rupture unilatérale à chacun des contractants. Avec le temps, la doctrine et les organisations syndicales ont vivement dénoncé cette large latitude qui pouvait facilement dériver à l'arbitraire et avoir des conséquences désastreuses sur le plan social. Il y avait totale absence de garanties du travailleur contre un licenciement demeuré discrétionnaire62.

Les autorités publiques sont donc intervenues en restreignant cette faculté. L'OIT n'étant pas en reste, plusieurs de ses normes régissent la cessation de la relation de travail. Ainsi, la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur est régit par la recommandation n° 119 de 1963, la convention n°158 et la recommandation n° 166 de 1982. La convention précitée traite notamment de la cause justifiant le licenciement63, de la procédure ainsi que des recours64. La charge de la preuve peut incomber soit à l'employeur, soit aux deux parties65. La Partie III de la convention 158 est relative aux licenciements pour motif économique, technologique, structurel ou comparable. Il est prévu une information et consultation des représentants des travailleurs66, ainsi qu'une notification du licenciement à l'autorité compétente67. Cet encadrement rigoureux a été mis en place dans une perspective de sauvegarde des intérêts du salarié qui est celui qui en subit, en général et en toute hypothèse, les conséquences. Ces restrictions se traduisent aussi bien sur le plan formel que sur le fond.

Au niveau formel, le licenciement doit être précédé d'une procédure se déroulant dans le cadre de l'entreprise. Il y a donc nécessité d'une notification écrite préalable68 du salarié. En congédiant le salarié, l'employeur doit le mettre en mesure de connaitre les motifs de son renvoi. L'employeur doit lui envoyer une lettre de notification du licenciement et de fixer le point de

61 Voir art. 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

62 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, Droit du travail, 18e ed., Dalloz, 1996, p. 349.

63 Art. 4 à 6 Convention n° 158.

64 Art. 7 à 10 Convention n° 158.

65 Art. 9 al. 2, a et b Convention n° 158.

66 Art. 13 Convention n° 158.

67 Art. 4 Convention n° 158.

68 Art. L50 code du travail.

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départ du préavis le cas échéant. La notification écrite doit être adressée au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou lui être remise en main propre contre reçu ou devant témoins. Le droit du travail instaure cette notification obligatoire en toute hypothèse. Il est ainsi dans le cadre du licenciement fautif ou non fautif, dans le cadre du licenciement pour motif économique et même dans le cadre du licenciement pour faute lourde69. Par ailleurs, toujours sur le plan formel, la résiliation du contrat à durée déterminée est soumise à un préavis pour permettre au salarié de se préparer à la perte de l'emploi. En principe, toute résiliation unilatérale du contrat de travail donne droit à ce délai70 pour se préparer en conséquence. La seule hypothèse où le salarié n'en bénéficie pas est celle d'un licenciement consécutive à une faute lourde de ce dernier. Ce délai de préavis peut être remplacé par ce qui est dénommé « indemnité compensatrice de préavis » en cas de manquement par l'une des parties de cette obligation.

Au demeurant, l'employeur ne peut pas licencier pour n'importe quel motif. Il est assujetti au respect d'un impératif de justification de motifs légitimes71 sous peine d'une qualification du licenciement en licenciement abusif par le juge. Le motif légitime peut résulter du travailleur ou de l'entreprise. S'agissant du travailleur, son inaptitude physique, médicalement constatée, ou son inaptitude professionnelle peut constituer un motif légitime. De même, et c'est l'hypothèse le plus courant, le licenciement du travailleur résulte d'une faute de ce dernier. La faute peut être simple ou grave72. Le point d'orgue est la faute lourde, caractérisée par un manquement grossier aux obligations incombant au travailleur73. Cela peut aussi résulter d'une perte de confiance de l'employeur à l'égard du travailleur basée sur des critères objectifs pertinents.

Pour ce qui est des motifs tenant à l'entreprise, ils tiennent généralement à la cessation d'activité de l'entreprise. Il est question ici d'une fermeture totale et définitive de l'entreprise et non d'un établissement74. Par ailleurs, le motif peut aussi être économique. Il s'agira concrètement d'un licenciement motivé par une difficulté économique ou une réorganisation

69 Cour de Cassation, arrêt n66 23 juin 1999, société Sen Sécurité c/ MM, Matar Sy et autres.

70 La durée de ce délai est fixée par la CCNI et varie selon le statut du salarié.

71 L'article L.56 du code du travail parle de « motif légitime ». En droit français, on parle de cause réelle et sérieuse.

72 Le code du travail ne prévoit que deux types de faute (simple et lourde), la jurisprudence a retenu la faute grave (Cour de cassation, arrêt n28 du 27 février 2002, Aminata MBAYE c/ la SNCDS : « (...) Qu'ainsi, pendant l'année 1989-1990, sur un total de 12 625000 francs de ristournes, le chef d'entreprise n'a reçu que la somme de 8 485000 francs ; qu'il résulte de ce qui précède que le juge d'appel a estimé à bon droit que la différence de 4 640000 dont la destination n'est pas justifiée est constitutive d'une faute grave »).

73 Sur l'ensemble de cette question, voir A. KANTE, Droit social sénégalais, Harmattan-Sénégal, 2017, p. 108, s.

74 A. KANTE, op. cit., p. 110.

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intérieure de l'entreprise75. Néanmoins, l'employeur est tenu de respecter une procédure76 bien spécifique à la méconnaissance de laquelle le licenciement sera qualifié d'abusif77. De surcroit, le salarié bénéficiera d'une priorité de réembauchage pour une durée de deux ans à compter de la rupture du contrat de travail pour motif économique78.

Du reste, relevons que pour compenser la douleur de la rupture, le droit du travail a institué un certain nombre d'indemnités variant selon la nature du licenciement ou de son motif au profit du travailleur. Le régime protecteur du droit du travail transparait aussi à travers la démission.

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