Paragraphe 2 -le rôle de la transparence fiscale
dans la lutte contre l'évasion fiscale
381. Les initiatives lancées par les dirigeants du G20
et par l'Organisation pour la coopération et le développement
économiques (OCDE) sur la transparence fiscale et l'échange
d'informations, notamment l'initiative récente intitulée «
Norme d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes
financiers en matière fiscale », portent plus
précisément sur la transparence financière et
fiscale1.
382. Le critère de transparence vise à garantir
que : la législation fiscale soit appliquée de façon
visible et cohérente aux contribuables qui se trouvent dans une
situation similaire et, que les informations nécessaires aux
autorités fiscales pour déterminer la situation d'un contribuable
soient en place2.
383. L'OCDE et l'UE privilégient le renforcement de
l'information pour lutter contre l'optimisation agressive constitutive de
l'évasion. Trois dispositifs sont ici essentiels : la
levée du secret bancaire, l'échange automatique
d'informations, la déclaration des montages par les
intermédiaires3.
A.- Le forum mondial sur la transparence et
l'échange des renseignements
384. Depuis 2009, le Forum mondial a réalisé et
publié des examens détaillés par les pairs portant sur
l'efficacité de la mise en oeuvre de la norme d'échange de
renseignements sur demande4.
385. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange
de renseignements à des fins fiscales qui regroupe environ 150
juridictions est chargé de la surveillance de la mise en oeuvre des
normes (standards) en matière de transparence et d'échange de
renseignement.
M. Alain Lamassoure5 a
déclaré : « La transparence entre les États membres
est une première étape. La suivante doit être la
transparence maximale possible entre les acteurs économiques
eux-mêmes et les consommateurs6 ».
1Organisation Mondiale des Douanes, ibid., p.3
2Rapport d'étape 2001, Projet de l'OCDE sur les
pratiques fiscales dommageables, p.5
3 Marc LEROY, ibid., p, 51
4 Projet de loi de finances pour 2020, Lutte contre
l'évasion et la fraude fiscales, document de politique transversale,
Ministre de l'action et des comptes publics, p.49
5Ancien président de la
délégation française du groupe PPE (Groupe du Parti
populaire européen) 6SENAT, ibid.,
http://www.senat.fr/ue/pac/EUR000001232.html
123
386.
Pour l'Europe, la directive 2011/16/UE du 15
février 2011 refonde les règles de l'assistance
administrative pour mieux lutter contre la fraude et l'évasion. Ce texte
a été modifiée à plusieurs reprises, notamment par
:
- La directive 2014/107/UE du 9 décembre
2014, qui a étendu le dispositif d'échange
d'informations ;
- La directive (UE) 2015/2376 du 8/12/2015
sur l'échange automatique d'informations entre les États
membres sur les décisions fiscales anticipées en matière
transfrontalière et sur les accords préalables en matière
de prix de transferts (appliquée depuis le 1 janvier 2017) ;
- La directive (UE) 2016/881 du 25 mai 2016
sur la déclaration pays par pays des multinationales,
applicable à compter du 5 juin 2017 ;
- La directive (UE) 2016/2258 du 6 décembre
2016 sur l'accès des autorités fiscales aux informations
sur le blanchiment de l'argent ;
- La directive (UE) 2018/822 du 25 mai 2018
sur l'information relative aux dispositifs transfrontaliers de
planification fiscale à caractère potentiellement agressif devant
faire l'objet d'une déclaration par les intermédiaires
fiscaux.
387. Ainsi de nombreuses informations sont collectées.
Par exemple, une base de données sur les rescrits est accessible aux
administrations fiscales des États de l'UE1.
1. La technique du rescrit fiscal
388. Selon le rapport de l'Assemblée nationale
sur l'UE et la lutte contre l'optimisation fiscale : « les
rescrits fiscaux sont des décisions fiscales anticipées
transmises par une autorité fiscale à un contribuable qui
définissent la manière dont son imposition sera calculée
pour une période donnée. Les rescrits facilitent ainsi la
planification fiscale agressive lorsque des entreprises en profitent pour
transférer artificiellement leurs bénéfices dans un
État membre qui offre un faible niveau d'imposition.
389. Tous les États membres accordent des rescrits
fiscaux, sous différentes formes. Un rescrit n'est pas illégal en
soi. Au contraire, il apporte une certaine sécurité juridique
à l'entreprise ».
1 Marc LEROY, ibid., p, 52.
124
La pratique des rescrits fiscaux s'est
développée dans la mesure où il existe des
ambiguïtés dans les dispositions fiscales, ainsi qu'une marge
d'interprétation1 : (art L.80 C et l'art L.66 CPF).
390. Le rescrit permet, pour sécuriser le contribuable
(entreprise ou particulière), de faire valider, en amont, en consultant
l'administration fiscale, que telle ou telle pratique envisagée est
admise ou qu'elle n'est pas abusive. Le rescrit est ce qui consigne l'avis de
l'administration voire son accord sur la pratique
concernée2.
La pratique des rescrits s'apparente, notamment au niveau
international, à la négociation d'exemptions ou de
facilités fiscales discrétionnaires, par les entreprises avec les
États concernés3.
391. Mohamed HDID, président
exécutif de la Fédération internationale des experts
comptables et commissaires aux comptes francophones (FIDEF), explique : «
Le rescrit fiscal est une procédure légale, qui permet à
un contribuable de pouvoir soumettre son projet à l'avis
préalable de l'administration fiscale et donc d'obtenir la
réponse formelle sur le traitement fiscal applicable à ce projet
».
392. Le rescrit fiscal instauré par la LDF 2019, cette
mesure offre aux opérateurs la possibilité d'interroger
l'administration fiscale préalablement à des opérations
d'investissement, d'acquisition ou de vente de biens4.
2. Échange obligatoire de décisions
fiscales
393. L'échange spontané et obligatoire de
décisions fiscales répond à la préoccupation
liée à un manque de transparence de nature à
entraîner une érosion des bases d'imposition et un transfert de
bénéfice, lorsque les juridictions n'ont aucune connaissance ou
information sur le traitement fiscal d'un contribuable concerné dans un
pays donné.
394. Le rapport 2015 sur l'Action 5, Lutter plus efficacement
contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la
transparence et la substance (OCDE, 2015), est l'un des quatre standards
minimaux du projet BEPS. Le standard minimal de l'Action 5 comporte deux
aspects : Un processus de révision des régimes fiscaux
préférentiels pour s'assurer
1 Antoine DULIN, ibid., p.20
2 Antoine DULIN, ibid., p.20-21.
3Antoine DULIN, ibid., p.21.
4 Lotfi BENAZZOU et Rachid ZOUBAIR, Revue de
l'Entreprenariat et de l'Innovation, Quelle politique fiscale face à la
crise du Coronavirus au Maroc ?31/05/2020, Volume III N°9, p.16
125
qu'ils ne sont pas préjudiciables et un cadre de
transparence qui s'applique aux décisions fiscales (également
connues en anglais sous le nom de « tax rulings »).
395. Le rapport sur l'Action 5 définit l'architecture
du cadre de transparence. Il inclut six catégories de décisions
spécifiques aux contribuables qui, lorsqu'elles ne font pas l'objet d'un
échange spontané obligatoire de renseignements, pourraient donner
lieu à des préoccupations en matière de BEPS. Ces six
catégories sont :
- Les décisions relatives aux
régimes préférentiels ;
- Les accords préalables en
matière de prix de transfert unilatéraux ou toute autre
décision unilatérale transnationale en matière de prix de
transfert ;
- Les décisions transnationales
prévoyant un ajustement à la baisse des bénéfices
imposables ;
- Les décisions relatives aux
établissements stables ;
- Les décisions relatives aux
intermédiaires entre sociétés liées ; et tout autre
type de décision, au sujet duquel le forum sur les pratiques fiscales
dommageables convient qu'il est susceptible de donner lieu à des
préoccupations en matière de beps, en l'absence d'échange
spontané de renseignements.
- La disponibilité de renseignements
opportuns et ciblés est essentielle pour permettre aux administrations
fiscales d'identifier rapidement les zones à risque. Le standard indique
les juridictions avec lesquelles les renseignements doivent être
échangés et le délai dans lequel les échanges de
renseignements doivent avoir lieu1.
B.- D'autres mesures participent au renforcement des
échanges internationaux d'information
396. D'autres mesures participent au renforcement des
échanges internationaux
d'information. Ainsi, la directive (UE) n°
2017/2455 du 5 décembre 2017 relative à la TVA sur le
commerce électronique transfrontalier, qui simplifie les obligations en
matière de TVA sur les prestations de services et les ventes à
distance de biens, cerne la lutte contre la fraude dans le cadre du
règlement complémentaire de novembre 2017qui renforce la
coopération administrative (application au 1er janvier 2021).
397. La directive 2010/24/UE du 16/03/2010
renforce l'échange d'information entre les Etats membres en
matière de recouvrement.
1 Transparence fiscale en Afrique 2020, (rapport
progrès de l'initiative Afrique pour 2019), p.15-16.
126
Le choix de renforcer l'information est salutaire pour lutter
contre la fraude et l'évasion1.
1. Transparence fiscale en Afrique 2020 : L'Initiative
Afrique
398. Les membres africains du Forum mondial ayant
assisté à la réunion plénière du Forum
mondial le 28 octobre 2014 à Berlin ont décidé de
créer un programme centré sur l'Afrique : l'Initiative
Afrique.
L'objectif était de libérer le potentiel de la
transparence fiscale et de l'échange de renseignements pour l'Afrique en
veillant à ce que les pays africains soient équipés pour
exploiter les améliorations de la transparence mondiale afin de mieux
lutter contre l'évasion fiscale.
399. Le fait de se concentrer sur l'Afrique permet
d'identifier des approches spécifiques et de fournir un soutien
personnalisé de façon à répondre aux besoins et
priorités spécifiques des pays africains et ainsi
d'accroître leur capacité en matière d'échange de
renseignements. Le travail de l'Initiative Afrique s'inscrit dans des
programmes plus larges, car la transparence fiscale est une opportunité
d'endiguer les flux financiers illicites et d'accroître la mobilisation
des ressources nationales, qui sont au coeur de l'agenda 2063 de l'Union
africaine et des objectifs de développement durable.
400. L'Initiative Afrique a été lancée
en tant que partenariat entre le Forum mondial, elle est ouverte à tous
les pays africains et compte actuellement 32 pays membres africains.
Les membres de l'Initiative Afrique se réunissent
chaque année pour faire le point sur les progrès accomplis et
réfléchir aux défis qui restent à relever.
401. Un programme de travail ambitieux a été
convenu pour développer et consolider une culture de la transparence et
de l'échange de renseignements sur demande dans les pays africains et
pour progresser vers la mise en oeuvre de l'échange automatique de
renseignements.
402. Une partie de l'appui technique du Forum mondial et de
ses partenaires vise à aider les pays africains à surmonter les
nouveaux défis en s'attaquant aux lacunes et aux insuffisances
identifiées2.
La sensibilisation et l'engagement politiques en faveur de
l'Afrique sont au centre de l'attention et continuent d'être une
priorité absolue.
1 Marc LEROY, ibid., p,52.
2 Transparence fiscale en Afrique 2020, ibid., p.9
127
Les activités développées en 2019 ont
contribué à faire progresser le programme de transparence fiscale
en Afrique grâce à une série d'engagements de haut
niveau.
403. Devenir membre du Forum mondial représente un
engagement à créer les conditions d'une coopération
efficace avec d'autres juridictions en matière fiscale1.
Rejoindre le Forum mondial est également une étape majeure pour
bénéficier d'un soutien, désormais disponible à
l'échelle internationale, dans le domaine de la transparence et de
l'échange de renseignements2.
404. « Le partenariat stratégique de l'Ouganda
avec le Forum mondial de l'OCDE a inspiré des réformes politiques
et administratives, qui ont éclairé la conception de la
Stratégie nationale de mobilisation des recettes nationales, en
particulier dans les domaines des transactions transfrontalières et de
la transparence fiscale. » Dr. Ajedra Gabriel Aridru Ministre
d'État des finances, Ouganda.
2. D'autres mesures européennes
405. En 2015, l'Union européenne adopte un « plan
d'action pour une fiscalité des entreprises plus juste et plus efficace
au sein de l'Union européenne ».
Le plan d'action comprend une série de mesures visant
à garantir une fiscalité « Équitable » dans les
États de l'UE afin d'imposer les bénéfices des entreprises
là où ils sont réalisés.
406. En janvier 2016 est adopté par la Commission
« le paquet sur la lutte contre l'évasion fiscale pour une
fiscalité des entreprises plus juste, plus simple et plus efficace
» au sein de l'Union.
Il comprend la directive sur la lutte contre l'évasion
fiscale avec 6 mesures anti-abus contraignantes que les États membres
devront mettre en oeuvre pour combattre l'optimisation fiscale agressive. Le
paquet comprend également plusieurs autres actions.
407. La plupart des mesures prévues sont
déjà en vigueur en droit français, grâce notamment
aux lois de 2013. À présent il s'agit de compter sur
l'harmonisation grâce au délai de transposition dans l'ensemble
des pays membres, fixé au 1er janvier 20193.
1 Transparence fiscale en Afrique 2020, ibid., p.21
2 Transparence fiscale en Afrique 2020, ibid., p.28
3 Antoine DULIN, ibid., p.47
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