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Les moyens de lutte contre l'évasion fiscale en droit marocain


par Souad AZIZI
Université Cadi Ayyad - Master Recherche En Droit des Affaires et de L’Entreprise 2020
  

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CHAPITRE 2

LA LUTTE CONTRE L'EVASION FISCALE SUR LE PLAN
INTERNATIONAL

311. Dans ce chapitre, nous verrons les outils juridiques et administratifs de coopération entre Etats dans le cadre du droit fiscal international et européen, mais aussi les limites du positionnement de la nouvelle régulation internationale de l'évasion, tant au niveau de l'OCDE que de l'UE.

Qui sont les moyens pour lutter contre l'évasion fiscale aux niveaux européen et international ?

SECTION 1 - LE ROLE DU DROIT INTERNATIONAL DANS LA LUTTE CONTRE L'EVASION

FISCALE

312. Les actions visant à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales ont également été qualifiées de prioritaires par l'Union européenne. Lors d'un discours prononcé devant le Parlement européen en avril 2014, Algirdas EMETA1, le commissaire européen chargé de la fiscalité, a expliqué que cet enjeu redevenait une priorité politique2.

313. En Europe, la question de la lutte contre l'évasion fiscale s'est également accrue. Par ce que la législation fiscale européenne concerne spécifiquement les entreprises multinationales.

L'Union Européenne a déjà adopté l'obligation de transparence comptable pour le secteur bancaire et a adopté une directive en 2016 l'étendant à toutes les grandes entreprises constituées en Europe.

314. L'OCDE mène le projet BEPS (Erosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices). Il consiste en la mise en oeuvre d'une quinzaine de recommandations validées par le G20 en 2015 qui reposent sur 3 piliers : Cohérence des activités transnationales avec

1 Algirdas Gediminas emeta, né le 23 avril 1962 à Vilnius, est un homme politique lituanien, Ancien Commissaire européen à la fiscalité, à l'union douanière, à l'audit et à la lutte anti-fraude.Il est actuellement commissaire européen à l'Union douanière, après avoir été brièvement chargé du Budget pendant la seconde moitié de l'année 2009.

2L'impact de l'austérité sur la collecte de l'impôt : un an plus tard, la situation continue d'empirer, un rapport rédigé pour la fédération syndicale européenne des services publics par le labour research department, EPSU, Novembre 2014, p.7

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les lois domestiques, renforcement des règles comptables et fiscales internationales et amélioration de la transparence.

Paragraphe 1-Mesures internationales pour éviter l'évasion fiscale

315. OCDE, un acteur majeur de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables.

A.- Le rôle de l'OCDE dans la lutte contre l'évasion fiscale internationale

316. L'objectif des travaux de l'OCDE dans le domaine des pratiques fiscales dommageables est d'assurer l'intégrité des systèmes fiscaux entrainant les problèmes posés par les régimes appliqués aux activités mobiles qui réduisent de façon inéquitable les bases d'imposition d'autres pays, et qui peuvent fausser la localisation du capital et des services1.

317. L'OCDE a créé en 2000 le groupe de travail du Forum mondial pour un échange effectif de renseignements et a recommandé dès 2002 un modèle de convention sur l'échange efficace de renseignements2.

1. L'origine des travaux de l'OCDE dans la lutte contre les inégalités fiscales

318. En 1998, l'OCDE crée le « Forum sur les pratiques fiscales dommageables » qui produira des rapports préconisant des mesures concrètes3.

Les travaux relatifs aux pratiques fiscales dommageables étaient divisés en trois volets : Les régimes préférentiels dans les pays membres de l'OCDE, les paradis fiscaux et, les économies non-membres de l'OCDE4.

319. Ce rapport a été suivi de quatre rapports d'étape :

- Le premier rapport, publié en juin 2000 (OCDE, 2000), décrivait les progrès réalisés, - Un deuxième rapport d'étape a été diffusé en 2001 (OCDE, 2001). Il apportait plusieurs modifications notables aux aspects des travaux concernant les paradis fiscaux,

1 Rapport d'étape 2014, ibid., p.14

2 Antoine DULIN, ibid., p.43

3 Antoine DULIN, ibid., p.43

4 Rapport d'étape 2014, ibid., p.17

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- De 2000 à 2004, on a formulé des indications génériques, sous forme de notes « d'application », pour aider les pays membres à effectuer l'examen des régimes préférentiels existants ou futurs.

320. Au début de 2004, l'OCDE a publié un autre rapport (OCDE, 2004b), consacré surtout aux progrès effectués vers la suppression des aspects dommageables des régimes préférentiels des pays membres de l'OCDE ainsi qu'à apprécier la présence éventuelle de l'un des facteurs cités dans le Rapport de 1998.

321. Enfin, un rapport sur les régimes préférentiels des pays membres a été diffusé en septembre 2006 (OCDE, 2006). Des 47 régimes considérés au départ comme potentiellement dommageables par le rapport de 2000, 46 avaient été abolis, modifiés ou n'étaient plus jugés dommageables à la suite d'une analyse plus approfondi1.

Le Conseil de l'OCDE a chargé le Comité des affaires fiscales de lui rendre compte périodiquement des résultats de ses travaux.

a.- Centre de politique et d'administration fiscales (CPAF)

322. L'OCDE a renforcé ses travaux dans le domaine de la fiscalité et du développement : le CPAF est le pivot de l'ensemble des travaux de l'OCDE en matière de fiscalité2.

323. Le CPAF soutient activement les pouvoirs publics dans la mise en oeuvre des normes fiscales3.

Le CPAF met de plus en plus l'accent sur le renforcement des capacités des administrations fiscales des pays en développement, tout en renforçant dans le même temps la coopération avec les organisations internationales et régionales4.Il continue d'étoffer ses travaux sur les statistiques des recettes publiques et contribue à trouver des solutions face aux défis fiscaux posés par la transformation numérique de l'économie5.

1 Rapport d'étape 2014, ibid., p.17

2 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, 2019, p.11

3 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, 2019, ibid., p.12

4 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, 2019, ibid., p.12

5 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, 2019, ibid., p.12

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b.- Les travaux du FHTP

324. Les travaux du FHTP (Forum on Harmful Tax Practices) sont donc centrés sur les régimes fiscaux préférentiels et les mesures défensives1.

Les régimes préférentiels conçus pour attirer les investissements dans des usines, bâtiments et biens d'équipement ne rentrent pas dans le cadre du Rapport de 1998.

325. Le régime doit d'abord s'appliquer à un revenu émanant d'activités géographiquement mobiles, telles que les activités financières et les autres prestations de service, y compris la fourniture de biens incorporels2.

Deuxièmement, le régime doit concerner l'imposition dudit revenu tiré d'activités géographiquement mobiles. Les travaux portent donc essentiellement sur la fiscalité des entreprises. Les impôts sur la consommation sont explicitement exclus3.

326. Le FHTP examine spécifiquement comment un régime donné se situe par rapport à ces facteurs. Il ne tente pas de refaire le travail du Forum mondial, qui a une vision plus large et plus générale de la transparence et de l'échange effectif de renseignements. Toutefois, dans la mesure où le Forum mondial met en lumière certaines questions concernant un régime en particulier, le FHTP en tient compte dans ses évaluations4.

2. Le rôle de l'OCDE

327. L'OCDE a un rôle déterminant à jouer en aidant les pays en développement à collecter les recettes intérieures nécessaires au financement de leur développement durable5. La fiscalité figurait alors en tête des préoccupations6.

Les travaux de l'OCDE en matière de fiscalité ont toujours visé à éliminer la double imposition7.

328. L'objectif des travaux de l'OCDE dans le domaine des pratiques fiscales dommageables est d'assurer l'intégrité des systèmes fiscaux entrainant les problèmes posés par les régimes

1 Rapport d'étape 2014, ibid., p.19

2 Action 5 : Rapport final 2015 : Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices « Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance », p.21

3 Action 5 : ibid., p.

4 Rapport d'étape 2014, ibid., p.25

5 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.5

6 Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.6

7 OCDE, l'imposition des entreprises multinationales, Note de synthèse, octobre 2015, N°3

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appliqués aux activités mobiles qui réduisent de façon inéquitable les bases d'imposition d'autres pays, et qui peuvent fausser la localisation du capital et des services1.

329. Dans le même temps, les médias ont commencé à faire largement écho aux questions de fiscalité, en révélant notamment que des multinationales exploitaient les faiblesses du système fiscal international pour payer le moins d'impôts possible dans les pays où elles exerçaient leurs activités, et que les particuliers pouvaient recourir à certaines stratégies pour dissimuler leurs actifs à l'étranger2.

330. L'Organisation a fondé son approche sur :

- L'élaboration de normes solides de transparence fiscale ;

- La promotion de l'adhésion à ces normes de manière à garantir des règles du jeu équitable pour tous ;

- L'accompagnement des pays dans la mise en oeuvre des programmes fiscaux ; - Et le suivi des progrès réalisés au regard des engagements pris3.

331. En améliorant la transparence, en luttant contre la fraude et l'évasion fiscales, en renforçant la politique fiscale, et, de plus en plus, en exploitant les possibilités offertes de mettre la fiscalité au service du développement4.

Le phénomène de BEPS porte atteinte à l'équité et l'intégrité des systèmes fiscaux5. Selon les estimations prudentes de l'OCDE, les pratiques de BEPS représentent chaque année 100 à 240 milliards USD de manque à gagner fiscal au titre de l'impôt sur les bénéfices des sociétés6.

a.- Projet OCDE/G20

332. Le projet G20 intitulé : « lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance ».

En 2013, les pays de l'OCDE et du G20, oeuvrant sur un pied d'égalité, ont adopté un Plan d'action en 15 points visant à lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices7.

1 Rapport d'étape 2014, ibid.14

2Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.7 3Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.7 4Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.7 5Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.13 6Les travaux de l'OCDE dans le domaine de la fiscalité et du développement, ibid., p.13 7Rapport d'étape 2014, ibid., p.3

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333.

Par ailleurs, les pays de l'OCDE et duG20 ont adopté un rapport qui conclut à la faisabilité de la mise en oeuvre des mesures arrêtées dans le cadre du Projet BEPS par le biais d'un instrument multilatéral1.

334. Le premier volet du travail proposé au G20 était de mettre fin au secret bancaire a rappelé M. Pascal Saint Amans, directeur du centre politique et d'administration fiscale de l'OCDE lors de son audition devant la section2.

Pour lui, le but est atteint puisque « tous les paradis fiscaux prennent l'engagement de faire de l'échange automatique de renseignements bancaires à compter de 2017 dans quelques mois ou 2018. Tous les pays ont pris cet engagement y compris le Panama dans la semaine qui a suivi les Panama papers. La Suisse, Singapour, Hong-Kong et d'autres l'ont fait3 ».

335. L'OCDE a été mandatée par le G20 pour préconiser des révisions drastiques des réglementations régissant les relations entre les États4.

b.- La loi FATCA

336. La loi « FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act) a été adoptée par les États Unis en 20105.Est une réglementation américaine visant à lutter contre l'évasion fiscale des citoyens et résidents américains détenant des actifs financiers en dehors des Etats-Unis6, oblige tous les établissements financiers de la planète à déclarer les revenus et à remonter toutes les informations relatives aux contribuables américains résidents à l'étranger7.

337. FATCA combat l'évasion fiscale en s'appuyant sur des tiers pour la déclaration des revenus. Si ce mécanisme est classique en droit interne, il est bien plus rare dans un contexte international8.

Cette loi établit un échange automatique de données entre le fisc américain et les banques étrangères du monde entier9.

1Rapport d'étape 2014, ibid., p.4 2Antoine DULIN, ibid., p.43

3 Antoine DULIN, ibid., p.43

4 Les frères BOCQUET, ibid., p.139

5 Antoine DULIN, ibid., p.44

6 Loi FATCA : BANK OFAFRICA, www.bankofafrica.ma

7Synthèse sur la loi FATCA

8Candice ROUSSIEAU, l'échange automatique d'informations en matière fiscale dans le contexte

international, Revue internationale de droit économique, 2016, p.366

9 Antoine DULIN, ibid., p.44

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338.

Le décret-loi sur l'échange automatique d'informations à des fins fiscales est officiellement entré en vigueur au Maroc. Après sa ratification par le Parlement, il vient d'être publié au Bulletin officiel n°6702 du 23 août 20181.

Les implications de la loi américaine FATCA au Maroc touchent à deux niveaux :

- Les banques et les établissements financiers doivent adapter leurs systèmes d'information pour garantir l'intégrité et la cohérence des données échangées par voie électronique.

- Devant les contraintes de la loi, le Maroc a mis en place une mesure d'accompagnement qui est l'amnistie fiscale pour les personnes physiques résidentes2.

339. La loi dite « FATCA » vise à assurer une transparence totale de la part de banques étrangères dans lesquelles des contribuables ayant des liens avec les États-Unis détiendraient des comptes. Elle se traduit à l'échelle internationale par la signature d'accords internationaux qui garantissent un échange d'informations sous peine de se voir appliquer un taux d'imposition plus élevé aux États-Unis3.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery