Paragraphe 2-Les règles administratives
L'administration pivot de la lutte contre l'évasion
fiscale.
A.- Le rôle de l'administration fiscale dans la
lutte contre l'évasion fiscale au Maroc
214. La Direction Générale des Impôts
fait partie du Ministère de l'Economie et des Finances. Sa principale
mission consiste à assurer les recettes fiscales.
L'administration fiscale est la base des méthodes de
gestion des finances publiques au Maroc, car elle organise et supervise les
ressources budgétaires publiques les plus importantes, qui
1 Brahim JBARA, ibid., p.70
2 Lotfi BENAZZOU et Rachid ZOUBAIR, ibid., p.14
75
sont les impôts, mais elle n'a attiré l'attention de
l'opinion publique que ces dernières années, bien qu'elle soit
l'une des principales équations dans la prise de décision
fiscale1.
1. Missions et attributions de la DGI
La Direction Générale des impôts, elle est
responsable de :
a.- Créer et collecter les impôts d'État :
215. Elle détermine les bases sur
lesquelles sont prélevés :
- Les impôts d'Etat (impôt sur les
sociétés, impôt sur le revenu, taxe sur la valeur
ajoutée, droits d'enregistrement et de timbre) ;
- Certains impôts locaux gérés pour
le compte des collectivités locales (taxe d'habitation, taxe
des services communaux et taxe professionnelle).
Les recettes de l'administration fiscales se chargent de
l'encaissement des recettes des impôts, droits et taxes.
b.- S'assurer du respect de la loi fiscale et lutter contre la
fraude fiscale :
216. Le système fiscal marocain est
globalement déclaratif. La mission de contrôle occupe donc une
dimension très importante.
Le contrôle fiscal s'opère dans le cadre d'une
procédure stricte observant les garanties offertes aux assujettis. Il a
un rôle dissuasif et pédagogique.
c.- Fournir au gouvernement une expertise fiscale :
217. Fournir au gouvernement une expertise fiscale notamment
dans le cadre de l'élaboration des lois de finances et de la
négociation des conventions de non double imposition avec les
états étrangers.
218. La Direction Générale des Impôts est
ainsi chargée d'étudier et d'élaborer les projets de
textes législatifs et réglementaires à caractère
fiscal. Elle élabore également, en concertation
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76
avec les différents opérateurs
économiques, les circulaires d'application relatives aux textes
fiscaux.
L'administration fiscale étudie en outre les questions
d'interprétation des dispositions fiscales et informe sur les
réponses apportées.
2. Organisation de la DGI
La DGI est divisé en deux organisations, centrales et
régionales :
a.- L'organisation centrale
219. L'administration centrale comprend cinq
Directions :
- Direction de la législation, des
études et de la coopération internationale ;
- Direction de l'animation du réseau ;
- Direction du contrôle ;
- Direction de la facilitation, du
système d'information et de la stratégie ;
- Direction des ressources et de l'audit.
b.- L'organisation régionale
220. Au niveau territorial, la DGI est organisée par type
et par taille de contribuable.
Ses services sont spécialisés pour gérer
distinctement les dossiers des particuliers, des professionnels, des personnes
morales et des grandes entreprises, dans le but de fournir un service de
proximité adapté à chaque profil. Chaque contribuable
s'adresse ainsi à un interlocuteur unique polyvalent qui traite son
dossier au titre de ses différents impôts.
221. Globalement, les Directions Régionales, Inter
Préfectorales et Préfectorales sont organisées autour de
trois fonctions principales :
- L'assiette de l'impôt qui est
gérée au niveau des subdivisions d'assiette
spécialisées par type de contribuables ;
- Le recouvrement des impôts
effectué au niveau des recettes de l'administration fiscale ;
- Le contrôle fiscal accompli par les
brigades de vérification.
77
222. La Direction Générale des
Impôts s'appuie sur une organisation territoriale
déconcentrée regroupant 8 directions régionales des
impôts, (Agadir, Béni Mellal, Casablanca, Errachidia, Fés,
Marrakech, Oujda, Rabat et Tanger).
Un exemple de la structure organisationnelle de Marrakech
:
B.- La relation entre le contribuable et l'administration
fiscale
223. Le système fiscal marocain est fondé sur
plusieurs lois qui en définissent les principes, ainsi qu'une charte
publiée en 2011 visant à améliorer le comportement de
l'administration fiscale envers les contribuables.
1. L'Amélioration de la relation entre
l'administration fiscale et le contribuable
224. L'Administration fiscale devrait contribuer d'une
manière plus efficace à l'amélioration de sa relation avec
le contribuable, Il s'agit essentiellement de le sensibiliser à ne plus
percevoir l'impôt comme une charge qu'il faut contourner, mais
plutôt comme un devoir citoyen dont il devrait être fier de
s'acquitter en toute loyauté'.
'RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, ibid., p.354
78
L'un des objectifs stratégiques de la DGI, est
l'établissement d'une confiance mutuelle entre le contribuable et
l'administration, elle a adopté une nouvelle orientation qui
considère le contribuable comme un vrai partenaire de l'administration
fiscale.
Cette orientation se base sur : La faciliter des
différentes démarches et procédures liées au
contribuable, la garantir au contribuable ses droits, le droit de communication
et favoriser l'adhésion à l'Impôt, le civisme fiscal et de
renforcer l'éthique.
225. La charte du contribuable n'est pas une oeuvre marocaine,
elle trouve son origine dans le système fiscal français. En
effet, le 2 avril 1986, sous le gouvernement Edouard Balladur, une commission
avait été créée pour « étudier les
moyens de simplifier et améliorer les rapports qui, aujourd'hui encore,
restent trop conflictuels, entre le fisc et les contribuables1
».
Depuis plusieurs années, l'administration fiscale
française cherche à améliorer sa relation avec les
contribuables. Il publie des plans d'action pour lutter contre la fraude et
l'évasion fiscale, ainsi que des synthèses et des informations
pédagogiques sur le contrôle fiscal, les procédures en
vigueur et les droits et obligations des contribuables.
Elle met également sur son site internet une liste
retraçant et expliquant les schémas considérés
comme constitutifs de fraude ou d'évasion fiscale. Cette initiative peut
contribuer à améliorer la sécurité juridique du
contribuable qui peut, légitimement, se fier aux informations fournies
au préalable par l'administration fiscale pour organiser sa
situation2.
a.- Le comportement de l'administration fiscale
226. La relation de l'administration fiscale avec les
contribuables est très tendue, caractérisée par des
tensions permanentes et des sources de conflits sociaux.
Marc Leroy en 2009 explique la sociologie
fiscale, il résume : « la sociologie fiscale se centre sur le
processus d'intervention des institutions publiques autour de l'impôt.
Elle questionne la légitimité de l'Etat fiscal pour le citoyen et
propose une réflexion sur la justice sociale3 ».
227. On peut alors distinguer, qu'un bon système
fiscal, se valorise par son niveau de simplicité dans les transactions
et de clarté et transparence dans les décisions. L'action de
1 Abdelkader KHANFOR et Youssef ELWAZANI, ibid.,
p.216
2 Antoine DULIN, ibid., p.57.
3 Abdelkader KHANFOR et Youssef ELWAZANI, op.cit.,
p.216
79
l'administration fiscale doit, selon Lambert
(1985), porter à ce niveau sur l'information et la
socialisation du contribuable-citoyen1, et surtout au niveau du
contrôle fiscal.
b.- Le comportement du contribuable face à
l'impôt
228. Le contribuable, comme la plupart des agents
économiques, a une attitude qui n'est pas entièrement rationnelle
ou irrationnelle2.
Le refus de l'impôt par le contribuable est
justifié par une injustice et une pression fiscale de la part de
l'administration fiscale. Ainsi, que la lourdeur et la complexité de la
procédure de déclaration fiscale constitue un motif suffisant
pour rejeter un impôt3.
229. On constate que, le conflit entre le contribuable et
l'administration fiscale est principalement causé par un malentendu et
un manque de transparence dans la législation fiscale, ce qui conduit
à l'injustice fiscale et conduit ainsi le contribuable à
l'évasion fiscale, à la fraude fiscale et au secteur informel
comme solution.
230. Nous supposons que la résolution de ce conflit
peut être :
- Par une politique de transparence
et de clarté des informations (par la sensibilisation des
contribuables aux nouvelles lois et aux nouvelles décisions fiscales),
« L'accès à l'information de qualité et en
quantité au moment voulu, revêt assurément une valeur
stratégique et un enjeu vital pour tout système évoluant
dans un environnement soumis à de continuelles mutations et
perturbations 4».
- Par une politique de communication
(Organiser des forums fiscaux pour communiquer et rapprocher l'administration
du citoyen).
2. Le rôle de l'administration dans la lutte contre
l'évasion fiscale
231. Echapper à l'impôt c'est échapper
avant tout à la contrainte de l'Etat ; Pour certains, la relation avec
l'administration fiscale est vécue comme un jeu dont les règles
sont connues et il n'est pas désagréable de se jouer d'une
administration dont la réputation répressive n'est plus à
démontrer5.
1 Abdelkader KHANFOR, Youssef ELWAZANI, ibid.,
p.219
2 Thierry LAMBERT, le contribuable face à
l'administration fiscale, Paris, p.105 3Abdelkader KHANFOR et
Youssef ELWAZANI, ibid., p.220
4Analyse de la décision fiscale au Maroc,
Noureddine BENSOUDA, Casablanca, 2009, p.353 5 Thierry
LAMBERT, ibid., p.103
80
232.
Ces dernières années, dans le cadre de la lutte
contre la fraude et l'évasion fiscales, l'administration fiscale a
poursuivi un objectif budgétaire, dissuasif et répressif visant
à récupérer rapidement et efficacement les impôts
éludés. Pour ce faire, elle dispose d'outils juridiques
classiques et modernes pour lutter contre l'évasion, répondant
ainsi aux normes nationales et internationales dans ce domaine.
233. Le rôle de l'administration fiscale se traduit par
:
- Simplifier les procédures fiscales
: la simplicité, celle -ci facilite la compréhension et
partant l'acceptation de l'impôt par une grande masse des
contribuables1.
- Assurer la compatibilité entre les tâches
et les compétences,
- Développer une stratégie globale
pour augmenter les capacités (administration) de l'institution
et ses ressources humaines.
a.- La transparence au sein de l'administration
234. La transparence des finances publiques est
définie par « l'information claire du public sur la structure et
les fonctions des administrations publiques, les visées de la politique
de finances publiques, les comptes du secteur public et les projections
budgétaires2 ».
La transparence signifie avant tout que l'administration
procède sur la voie du véritable échange avec le citoyen,
et respecte la logique de la communication. Pour être compris,
l'administration fiscale doit l'ajuster et l'adapter son langage.
Autre nécessité à intégrer notre
droit : l'information de l'administration fiscale sur les dispositions fiscales
et montages applicables aux grandes entreprises. Ces derniers devraient
être vérifiables pour éviter d'être de simples
tactiques d'évasion fiscale.
235. Le modèle de communication utilisé par la
DGI ressemble le modèle de Lasswell3, ce
modèle conçoit la communication comme un processus d'influence et
de persuasion (la communication de masse).
1 Aicha BELMANÇOUR, ibid., p.95
2 Abdelkader KHANFOR et Youssef ELWAZANI, ibid.,
p.228
3 Harold Dwight Lasswell (né le
13février1902 et décédé le 18décembre1978)
est un chercheur américain, pionnier de l'étude de la
communication de masse et de la science politique. Ses recherches appartiennent
à des champs disciplinaires divers entre lesquels il ne voit pas de
frontières (sociologie, psychologie, etc.).
81
236.
L'intérêt essentiel de ce modèle est de
dépasser la simple problématique de la transmission d'un message
et d'envisager la communication comme un processus dynamique avec une suite
d'étapes ayant chacune leur importance, leur spécificité
et leur problématique Il met aussi l'accent sur la finalité et
les effets de la communication.
b.- Facilité d'administration
237. En effet, le financement de l'administration d'un
régime fiscal se fait à travers les recettes publiques,
réduisant ainsi le montant des recettes disponibles pour d'autres
services publics. Dans les pays développés, le coût de la
collecte des impôts a été estimé à 1% des
recettes fiscales. Dans les pays en développement ce coût
représente le double.
L'examen de la facilité d'administration est un
facteur particulièrement important dans la conception de la politique
fiscale.
238. A côté de la facilité
d'administration un régime fiscal devrait être simple. Il est
important que les contribuables comprennent les répercussions des
règles fiscales sur eux-mêmes et sur leurs activités.
La simplicité est un autre critère à la
lumière duquel est jugée l'efficacité du régime
fiscal1. Nous concluons que, le succès des nouveaux
instruments de lutte contre l'évasion fiscale dépend aussi de
leur appropriation par les administrateurs fiscaux.
1 Hind JALAL, ibid., p.103
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